ENTRETIEN. Législatives. « La dissolution est le résultat d’un caprice », dit le LR Bruno Retailleau
«Ã‚ Il n’y a pas de division chez LR. Il y a eu une trahison, celle d’Éric Ciotti qui, pour des raisons personnelles, et notamment pour ses ambitions niçoises, a fait un choix dans notre dos, » analyse Bruno Retailleau.
Le Vendéen, président du groupe Les Républicains au Sénat, s’en prend aussi au Rassemblement national. « C’est un parti démagogique, qui est dans l’inconstance. Jordan Bardella et Marine Le Pen auront changé d’avis sur tout. […] Sur le plan économique, le RN est le parti du dépenser plus et du travailler moins. »
À trois jours du premier tour des élections législatives, Ouest-France a interrogé un chef de file de chacun des quatre principaux camps en présence. Gabriel Attal (Rassemblement pour la République), Jordan Bardella (Rassemblement national), Bruno Retailleau (Les Républicains) et Marine Tondelier (Nouveau Front populaire). Quatre entretiens à découvrir ce jeudi 26 juin sur notre site.
La droite LR espère conserver « un groupe cohérent » à l’Assemblée nationale, d’une quarantaine de députés au moins. « Cela nous permettra de peser dans un hémicycle très divisé », indique le sénateur LR de Vendée, Bruno Retailleau.
Aurélien Pradié, député du Lot, vient de quitter LR en disant que ce parti « est mort ». Comment réagissez-vous ?
Il se présente sous l’étiquette de son micro-parti, « Du Courage ». Mais c’est une drôle de conception du courage que d’abandonner le navire dans la tempête. Notre parti est certes fragilisé, mais les convictions que nous défendons sont majoritaires dans le pays. La France souffre, d’un côté, d’un État obèse, de trop de dépenses publiques créant un endettement qui nous menace ; et de l’autre, d’un État impuissant à lutter contre la délinquance.
Que préconisez-vous alors ?
Nous sommes les seuls à promouvoir une vraie politique de liberté. Ce dont souffrent les maires, les agriculteurs, les chefs d’entreprise…, c’est d’un excès de normes, de charges. La France ne se relèvera que par le travail qui paie, et par la fermeté sur le régalien. Il faut arrêter la chienlit, le chaos migratoire échappant à toute maîtrise, l’insécurité, le désordre public. Jamais, il n’y a eu autant de violences dans notre pays : mille coups et blessures par jour, c’est du jamais vu !
Ce projet-là n’est-il pas porté par le Rassemblement national ?
Quel projet ? Chaque jour qui passe, le RN abandonne ses promesses. C’est un parti démagogique, qui est dans l’inconstance. Jordan Bardella et Marine Le Pen auront changé d’avis sur tout. Hier, ils voulaient sortir de l’Europe et de l’euro, de Schengen. Plus maintenant. Hier, ils voulaient extraire le pays du marché européen de l’électricité. Plus maintenant… Sur le plan économique, le RN est le parti du dépenser plus et du travailler moins. C’est un programme de gauche, qui risque d’augmenter les déficits et donc la dette.
Durant cette première partie de campagne, on a peu entendu les LR. Pourquoi ?
C’est le produit du tripartisme installé par Emmanuel Macron : un bloc central et deux ailes radicales. C’est un poison pour la démocratie, car le tripartisme ne permet pas de dégager des majorités et laisse le monopole de l’alternance aux démagogues.
Le rapprochement Eric Ciotti-Jordan Bardella va-t-il faire durablement du tort à votre parti ?
Il n’y a pas de division chez LR. Il y a eu une trahison, celle d’Éric Ciotti qui, pour des raisons personnelles, et notamment pour ses ambitions niçoises, a fait un choix dans notre dos. J’observe, malgré tout, que le groupe des sénateurs LR l’a désavoué à l’unanimité. Il n’a embarqué avec lui qu’une seule députée sur la soixantaine. Le bureau politique, aussi, a voté contre lui. C’est la chevauchée d’un homme seul.
Mais il est toujours là. Quand on ouvre le site Internet du parti, sa photo s’affiche en grand…
Comment un homme seul peut-il emmener tout un mouvement politique dans une direction opposée à celle que le parti a toujours choisie ? C’est incompréhensible sur le plan démocratique. Mais les arcanes juridiques sont tels, qu’il est impossible de régler judiciairement cette affaire en très peu de temps. Éric Ciotti en profite.
Ce tripartisme que vous évoquez vous fait-il craindre une lourde défaite les 30 juin et 7 juillet ?
Notre objectif est de conserver un groupe cohérent à l’Assemblée, d’une quarantaine de députés au moins. Cela nous permettra de peser dans un hémicycle très divisé.
Marine Le Pen parie pourtant sur un rapprochement LR/RN au Palais Bourbon. Ne craignez-vous pas quelques désertions au sein de votre groupe ?
Si certains avaient voulu rejoindre le RN, ils l’auraient déjà fait dans le sillage d’Éric Ciotti. Quant à celles et ceux qui seront élus à l’issue du second tour, ils l’auront été contre le Rassemblement national et les macronistes.
Quel rôle pourraient jouer les députés LR à l’Assemblée ?
Un rôle de bouclier, pour éviter les pires décisions à la France et préserver l’intérêt supérieur du pays. Avec 3 100 milliards de dette, majoritairement détenue par des étrangers, la France est à la merci de graves crises sur les marchés financiers. Je rappelle que, désormais, notre pays emprunte à un taux supérieur à celui du Portugal et qu’en 2027, le seul paiement des intérêts de la dette absorbera la totalité de l’impôt sur le revenu. Sur le plan économique, la France est le cancre de l’Europe. Face à cela, le Sénat, où notre groupe restera majoritaire, remplira un rôle de stabilité des institutions et de protection des Français.
La dissolution est-elle une faute politique, selon vous ?
Dans la tradition gaulliste, la dissolution est un instrument pour dénouer une crise, pas pour la provoquer ! Emmanuel Macron a choisi le pire des moments, celui où le monde entier va avoir les yeux braqués sur la France à l’occasion des Jeux olympiques, et quelques jours seulement après la dégradation de la note financière du pays. Cette dissolution est le résultat d’un caprice, d’une sorte de bouffée d’orgueil après la défaite des européennes.