Passoires thermiques : la mauvaise idée du RN pour les locataires
Passoires thermiques : la mauvaise idée du RN pour les locataires
Pour «fluidifier le marché du logement», le Rassemblement national compte abroger le calendrier d’interdiction de location des passoires thermiques. Une promesse qui risque d’être très préjudiciable pour les locataires.
C’est la mesure phare du Rassemblement national pour tenter de résoudre la crise du logement : lever toutes les interdictions de location. Son président, Jordan Bardella, l'a confirmé le 24 juin lors de la présentation de son programme législatif. Il souhaite «supprimer les contraintes posées par le diagnostic de performance énergétique (DPE) sur les locations ou la vente de biens immobiliers». Le parti d’extrême droite entend ainsi abroger le calendrier d’interdiction de location des passoires thermiques, c’est-à-dire les logements dont l’étiquette énergétique affiche les pires scores (F ou G). On en compte 4,8 millions en France, soit 15,7% du parc immobilier. Pour rappel, au 1er janvier 2025, l’ensemble des biens dont le DPE est noté G seront interdits à la location, ceux classés G+ l’étant depuis le 1er janvier 2023. L'échéance est fixée à 2028 pour ceux notés F.
Dans les faits, le DPE serait maintenu mais n'aurait plus qu’un rôle informatif, sans aucun pouvoir coercitif. Le RN estime que cette suppression bénéficiera aux locataires, qui trouveront plus facilement un toit. Ce qui n’est pour le moment pas démontré : «Aucune étude documentée ne pointe une responsabilité du DPE sur le manque de logement», conteste Danyel Dubreuil, coordinateur de l'Initiative “Rénovons !” au sein de l'association Cler. C’est une croyance, pas un argument.» Un constat partagé par Thomas Lefebvre, directeur scientifique du groupe SeLoger / Meilleurs Agents : «L’offre de location diminue depuis plusieurs mois sur l’ensemble des biens. Elle n’est pas concentrée sur ceux notés F ou G.»
Les biens en location, souvent des passoires thermiques
L’expert estime que la source de la pénurie de logements réside dans l’arrêt de la construction neuve, mais surtout dans la hausse des taux de crédit. Cette dernière contraint les ménages à rester locataires, ralentissant au passage le taux de rotation dans les logements. Une solution moins radicale, et plus bénéfique aux locataires, aurait pu consister à «assouplir le calendrier de rénovation des logements», estime Brice Lalonde, ancien ministre de l’Environnement et président de l'association Equilibre des énergies.
Si, selon les professionnels du secteur, la décision de mettre fin au calendrier d'interdiction des passoires thermiques n’aura donc que peu d’effets bénéfiques pour les locataires, elle maintiendra ces derniers dans des biens soumis à des températures dangereuses. «On sait que la précarité énergétique (le fait de se priver de se chauffer par manque d’argent, NDLR) se concentre dans ce segment du marché locatif privé, nuance Danyel Dubreuil. Un logement sur quatre y est une passoire thermique, contre seulement 15% en moyenne nationale. Les propriétaires y sous-investissent. Ils n’y trouvent pas d’intérêt direct car ils ne résident pas dans ces biens.»
Les passoires thermiques, sources de maladies respiratoires
Et permettre aux propriétaires de s’affranchir des règles de rénovation énergétique comporte de vrais risques sanitaires pour les occupants, a d’ailleurs alerté le 19 juin le Conseil d’analyse économique (CAE), organisme indépendant rattaché à Matignon. «Les logements mal isolés exposent leurs occupants à des températures basses, qui peuvent engendrer des maladies cardiovasculaires et respiratoires (...) Les analyses socio-économiques considèrent généralement que les ménages les plus aisés ont les moyens de se prémunir de la morbidité (et in fine de la mortalité) liée au froid, mais pas les ménages les plus contraints financièrement.» A l’inverse, ces mêmes logements peuvent se muer en bouilloire thermique l’été, exposant ses occupants à des risques de déshydratation ou de dégradation de la qualité du sommeil.