Le prix du meilleur équipier du Tour de France, une distinction pour visibiliser les coureurs de l'ombre

Mattias Skjelmose Jensen (Lidl-Trek) a été l'un des trois lauréats de l'édition 2023. (E. Garnier/L'Équipe)

Lancé en 2022 par le département des Hauts-de-Seine pour valoriser le travail des lieutenants, crucial mais pas toujours perçu par le grand public, le prix du meilleur équipier cherche à s'affirmer au milieu des distinctions du Tour de France.

«Ã‚ Alerte info : Sepp Kuss forfait pour le Tour de France (29 juin -21 juillet) ». On est prête à parier que la nouvelle a divisé les suiveurs de la Grande Boucle en deux catégories bien distinctes. Soupe à la grimace pour son équipe de la Jumbo Visma-Lease a bike, décidément pas épargnée par les pépins, et les spécialistes. Une info comme une autre - si elle est arrivée jusqu'à leurs oreilles - que l'on scrolle sur son téléphone sans s'y attarder côté néophytes.

C'est pour titiller un intérêt plus profond de ces derniers - part non négligeable des suiveurs du Tour - et mettre en lumière les rôles cruciaux des équipiers des leaders, comme le lieutenant du vainqueur sortant Jonas Vingegaard cité plus haut, que le prix du meilleur équipier est venu s'ajouter aux distinctions du Tour de France à l'initiative du département des Hauts-de-Seine en 2022, déjà partenaire du classement par équipes.

« C'est un partenariat qui s'inscrit dans une logique plus globale de sport pour tous, dans notre engagement au quotidien d'acculturer les jeunes au sport... Le sport de haut niveau en est le porte-étendard, le Tour de France colle à notre ADN, aux valeurs d'abnégation, et offre une grande visibilité. On avait envie de créer un prix qui représente parfaitement la réalité de notre sport en valorisant ces petits gestes de l'ombre qui contribuent à la performance » exposait le directeur des sports du département Emmanuel Blanc, une semaine avant le départ à Florence (Italie).

Une présélection avant un vote sur les réseaux sociaux pour éviter un concours de popularité

« Il y a beaucoup de gens qui se demandent encore pourquoi 176 gars se présentent sur le Tour alors que 150 savent pertinemment qu'ils ne vont pas aller au bout, emboîtait l'ancien coureur Thierry Gouvenou, directeur de course du Tour de France et membre du jury de ce prix. À part peut-être Pogacar, on a tous été coéquipiers... Même Vingegaard a été celui de Roglic. C'est un rôle encore méconnu du grand public, pour qui le cyclisme c'est juste un sport où on monte sur son vélo et on roule. Peu de monde sait qu'il s'agit d'un sport d'équipes où comptent énormément des petites actions qui peuvent prendre plusieurs formes : un coéquipier peut amener un sprinteur, réduire l'écart d'une échappée, ramener les bidons, c'est aussi parler au leader après une étape pour lui remonter le moral. Plein de choses qui font la différence mais peuvent être difficiles à capter, à saisir. L'idée est de mettre la lumière là-dessus, de faire de la pédagogie. »

Pour parfaire ce double objectif un jury composé cette année des ex-coureurs Thierry Gouvenou, Pierre Rolland, Dan Martin, de deux journalistes (Hortense Crépin RTL, Christophe Bérard Le Parisien) et d'un membre d'ASO, soumettront chaque fin de semaine une présélection de 4 coureurs maximum via une « vidéo partagée sur les réseaux sociaux, avec une petite phrase pour motiver le choix de chacun et après ce sont aux gens de voter. »« C'était important pour éviter les écueils qu'on avait pu voir sur le prix du plus combatif où tout le monde pouvait proposer un nom et on assistait plus à un concours de popularité. Celui qui avait le plus de fans sur les réseaux sociaux gagnait. »

Les réactions de surprise des gens que l'on a sondés autour de nous qui en découvraient l'existence qu'ils soient plus ou moins au fait de l'actualité sportive, comme son absence au sein de certains articles listant les prix/primes distribués sur le Tour disent tout du chemin qu'il reste à parcourir à ce prix qui connaîtra sa 3e édition pour sortir de l'ombre et emmener dans sa foulée le travail des coureurs.

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« C'est un nouveau prix, il faut un peu le temps que ça se mette en place, invitait Pierre Rolland, joint par téléphone jeudi, qui a, au cours de sa carrière, alterné les positions d'équipiers - de Voeckler notamment en 2011 - et de leader. C'est une reconnaissance, après on ne va pas revaloriser son contrat l'année suivante avec ça, reprenait-il taquin. C'est plus symbolique. Le cyclisme est un sport individuel qui se court en équipes. C'est la phrase un peu bateau mais c'est vrai. Aucun coureur n'a remporté le Tour de France ou un sprint massif sans l'aide d'équipiers. Je pense à un poisson-pilote comme Mark Renshaw pour Mark Cavendish quand il gagnait 5 sprints sur le Tour de France, sans Renshaw il n'aurait pas gagné autant d'étapes sur le tour ou à l'importance de Sepp Kuss lors des victoires de Vingegaard. »

Lors de la précédente édition Wout Van Aert (Jumbo Visma-Lease a bike), Sepp Kuss (Jumbo Visma-Lease a bike) et Mattias Skjelmose Jensen (Lidl-Trek) avaient été récompensés. Si le double vainqueur danois Jonas Vingegaard devra faire sans l'Américain (12e du dernier Tour), insuffisamment remis du Covid-19, il pourra bien compter sur la présence du Belge dans ses joutes promises avec Tadej Pogacar (UAE Emirates) pour cette édition 2024.

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