L'œil de l'INA : Anouk Aimée, Lelouch lui a ouvert les portes d’Hollywood
Au Festival de Cannes en 1986: de gauche à droite, Marie-Sophie Pochat, Claude Lelouch, Francis Lai, Anouk Aimée, Jean-Louis Trintignant et Richard Berry.
Le temps sépare ceux qui s'aiment. Claude Lelouch a sans doute pensé à Jacques Prévert et aux Feuilles mortes quand il a commencé à imaginer le scénario d’Un homme et une femme, 20 ans après. Le film, tourné en partie à Deauville, est présenté hors compétition à Cannes, en 1986. Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant se retrouvent sur la Croisette où, avant de monter les marches du Palais, ils participent, avec le sourire et un brin d'émotion, à diverses émissions de télévision. Christophe Dechavanne les reçoit ainsi dans C'est encore mieux l'après-midi, exceptionnellement en direct du Festival.Madelen vous propose de découvrir, ou de redécouvrir, cette séquence à laquelle est associé Richard Berry, qui, dans le film, joue son propre rôle. Devant les caméras, Anouk Aimée avoue, le sourire aux lèvres, avoir accepté de se lancer dans cette aventure avec le même enthousiaste que la première fois.
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Son histoire d'amitié avec Lelouch y est sans doute pour quelque chose. Elle débute à la fin de l'année 1965. Devenue star en Italie depuis La dolce vita et Huit et demi, réalisés par Federico Fellini, elle se trouve à Rome lorsque son amie Nadine Trintignant lui téléphone pour lui transmettre un message de la part de Jean-Louis, son mari: il a accepté le rôle masculin principal du film d'un jeune metteur en scène, Claude Lelouch, qui désire la rencontrer. Il veut lui proposer de devenir son pendant féminin dans un film tout à fait original, semble-t-il.
Un rendez-vous est organisé quelques jours plus tard à Paris. Le contact professionnel et amical est immédiat. Lelouch raconte à Anouk Aimée les grandes lignes d'une histoire qu'il n'a pas encore couchée sur le papier. Il évoque, en particulier, l'origine de l'idée, un matin, sur la plage de Deauville. Son enthousiasme et sa sincérité sont tels que la comédienne donne un feu vert immédiat.
C'est ainsi qu'elle devient Anne Gauthier dans Un homme et une femme. La météo n'y est pour rien, mais le ciel s'assombrit quelques jours seulement après le début des prises de vues à Deauville. Il est convenu qu’Anouk monte à bord d'un bateau, le temps d'une scène au large de la plage. La mer est mauvaise, et elle refuse. Sa décision est sans appel. Elle souffre du mal de mer, et surtout, elle a peur de vagues. L'insistance de Lelouch ne la fait pas changer d'avis. Elle quitte le plateau, rentre à l'hôtel et s'enferme dans sa chambre. « Fellini ne m'a jamais traitée comme ça !», lance-t-elle au metteur en scène, en menaçant de rentrer à Paris s'il maintient ce tournage. Il laisse passer l'orage , revient à la charge, et parvient à la faire revenir sur sa décision. Elle ne va jamais le regretter.
La Palme d'or à Cannes, que personne n'imaginait le matin même de la proclamation des prix, va lui ouvrir les portes d'Hollywood. Le rendez-vous de Sidney Lumet et Justine de Georges Cukor sont des succès lui permettent de rencontrer, entre autres, deux de ses idoles, Fred Astaire et Groucho Marx. En 1999, elle va conclure ce qui est devenu une trilogie en incarnant pour la troisième fois Anne Gauthier dans Les plus belles années d'une vie.
La conclusion d'un long parcours qui a débuté par hasard, au lendemain de ses 13 ans, rue du Colisée , près des Champs-Élysées. Elle sort d'une salle de cinéma, en compagnie de sa mère. Celle-ci aperçoit un ami, Henri Calef, qu'elle n'a pas vu depuis longtemps. Elle lui présente sa fille. Après quelques minutes de conversation, l'homme se tourne vers l'adolescente et lui lance, «voulez-vous faire du cinéma ?». Devant le regard surpris des deux femmes, il précise qu'il s'apprête à réaliser un film intitulé La Maison sous la mer, et a le sentiment d'avoir devant lui le portrait vivant de celle qu'il recherche en vain depuis plusieurs semaines. Anouk , qui se prénomme alors Françoise, a d'autres projets. Elle envisage, en particulier, d'entamer au lendemain du Bac, des études de pharmacie. Elle relève toutefois le défi, convaincue qu'il s'agit d'une expérience sans suite. C'est sans compter sur l'œil de Marcel Carné qui lui propose de récidiver dans La fleur de l'âge. Il lui suggère de prendre un pseudonyme. Elle devient «Anouk», le prénom de l'héroïne de ce film. Jacques Prévert, présent sur le plateau, lui suggère d'y ajouter «Aimée». La suite fait partie de l'histoire du cinéma.