« Vote pour moi, regarde ce que Mélenchon m’a fait » : évincée de LFI, Danielle Simonnet ne lâche rien
«Ã‚ Vote pour moi, regarde ce que Mélenchon m’a fait » : évincée de LFI, Danielle Simonnet ne lâche rien
Au marché de la porte de Montreuil, ce mardi matin, Danielle Simonnet est en terrain conquis. Tout sourire, la candidate, pourtant non investie par La France insoumise au profit de la syndicaliste de la CGT Céline Verzeletti, déambule dans les allées, accompagnée de sa quinzaine de militants. « Vote pour moi, regarde ce que Mélenchon m'a fait », interpelle à tout-va la candidate pour qui le tutoiement est de rigueur.
Si le temps est désormais à la campagne, l'épisode de la purge, subi avec quatre autres de ses camarades de LFI, une semaine plus tôt, est encore dans toutes les têtes et conversations des militants de la 15e circonscription de Paris. En 2022, Danielle Simonnet avait notamment fait couler de l'encre lorsqu'elle avait, aux côtés de Danièle Obono, députée LFI, organisé la venue en France de Jeremy Corbyn. Chef du Parti travailliste (Labour Party) entre 2015 et 2019, le septuagénaire a été notamment accusé plusieurs fois d'antisémitisme et de complaisance avec des mouvements hostiles à l'État d'Israël.
Qui voulait la peau de Danielle Simonnet ? Pour certains, il s'agirait de Sophia Chikirou, une très proche de Jean-Luc Mélenchon, plutôt amère contre la dissidente. Danielle Simonnet, pense-t-elle, serait responsable des fuites ayant conduit à la diffusion sur France 2, en octobre 2023, d'un numéro offensif de l'émission Complément d'enquête à son encontre. « Elle, je vais lui régler son compte, l'écraser à la première occasion », aurait même affirmé, selon Marianne, la députée de Paris devant plusieurs collègues.
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Des rumeurs que la purgée balaye d'un revers de main. « Je n'étais pas dans le c?ur du réacteur du parti, alors je ne sais pas quelle information j'aurais pu donner », évacue la candidate qui assume en revanche avoir écrit en interne « une lettre de trois pages » pour « demander des explications » à la suite de l'émission.
Le message de 22 h 22
Qu'importe. Entre cet épisode et plusieurs dissensions sur la ligne stratégique du parti ? à propos de la qualification de l'attaque du 7 octobre et une volonté de plus de démocratie interne ?, la députée a été effacée des photos de famille insoumise. Quelques heures seulement avant l'échéance du dépôt des investitures officielles en préfecture? « Je l'ai appris à 22 h 22, par un mail de la direction, même pas un message ou un appel après 25 ans à leurs côtés », déplore la candidate qui parle d'un vrai « coup de massue ».
Il m'a coupé la têteDanielle Simonet
Sur le marché, la man?uvre politique du leader des Insoumis questionne. Certains s'arrêtent même pour demander des explications. « C'est un peu le fouillis dans ma tête, glisse Sarah, 33 ans, auxiliaire de vie. Mes préférés ont été évincés, je ne sais plus quoi faire. » Une autre passant, sacs de courses à la main, confesse : « Je ne comprends pas tout ce qu'il se passe. »
Face à ces interrogations, Danielle Simonnet ne mâche pas ses mots devant un étal de fruits et légumes. « Je suis critique de Mélenchon, car j'ai des points de divergence, est-ce que j'ai le droit ? » Bien sûr, répondent les quelques curieux. « Eh bah, pourtant, il m'a coupé la tête », balance l'ancienne conseillère de Paris, pas peu fière de sa rhétorique.
Ces explications, l'ex-députée les lance à tout-va sur le marché. Et ils sont nombreux à être réceptifs. « Merci ! » ; « On vous soutient » ; « Heureusement que vous êtes là », l'interpellent plusieurs habitants. Au point que la candidate en serait presque un peu trop euphorique. « Je suis certaine de gagner, glisse-t-elle. Le seul problème, c'est qu'il faudra deux tours au lieu d'un. »
Vous êtes foutus sans LFI, arrête tes conneriesMilitant LFI (côté Céline Verzeletti)
Mais cette confiance n'est pas partagée partout. Sur le marché, ce jour-là, Danielle Simonnet n'est pas seule. Elle croise François-Marie Didier, candidat Les Républicains, les équipes de Pierre Augros (NPA) et surtout son adversaire principale, la nouvelle candidate LFI Céline Verzeletti. L'ambiance reste courtoise. On se salue. On se jauge. Jusqu'à ce qu'un Insoumis « verzelettiste » ne sorte de ses gonds. « Vous êtes foutus sans LFI, arrête tes conneries ! » lance-t-il à un militant pro-Simonnet. Quelques minutes plus tard, le même essaie, une nouvelle fois, de perturber le tractage : « Ce n'est pas la candidate de Mélenchon, c'est pour elle qu'il faut voter », claironne-t-il à un habitant tout en tendant son tract.
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Pas de quoi impressionner Danielle Simonnet. Distribuant selfies et poignées de main à quiconque lui demande, l'ancienne conseillère de Paris en vient même à s'improviser maraîchère lorsqu'une exposante lui offre des cerises. « Tenez madame, elles sont bonnes ». « Tiens, prends-en une toi. » La technique d'approche marche encore mieux que les tracts?
Une affaire de logo
Chez les Insoumis de Montreuil, voir Danielle Simonnet faire campagne avec le logo Front populaire passe très mal. « Elle n'est pas investie, elle ne doit pas utiliser le logo », rappelle Céline Verzeletti, niant au passage toute légitimité à sa rivale. « On ne s'autoproclame pas candidate, elle doit se retirer. »
Cette affaire de logo a même conduit La France insoumise et trois des quatre purgés devant les tribunaux judiciaires de Paris et de Bobigny. Ce mardi, en fin de journée, ces derniers se sont déclarés incompétents pour statuer sur ce dossier, considérant qu'il n'appartient pas « aux tribunaux de l'ordre judiciaire d'interférer dans les opérations électorales dont le contentieux relève de la compétence du Conseil constitutionnel ».
«Ã‚ Victoire ! » se félicite dans la foulée sur X Danielle Simonnet. Quelques heures plus tôt, sur le marché, la même évacuait déjàle sujet « Je suis sereine pour ce soir, le Nouveau Front populaire apparaît àceux qui le font vivre : nous, les militants du quotidien ». Une banderille de plus qui ne manquera pas de faire parler au prochain tractage.