Dans l’Aube, la métallurgie embauche mais peine à séduire les jeunes : « Rien à voir avec Zola »
Le Pôle formation UIMM de Rosières a inauguré l'extension de ses ateliers en présence des élus locaux, notament de Franck Leroy, président du Grand Est,
« L’industrie ne jouit pas aujourd’hui d’une belle notoriété mais notre pôle formation démontre pourtant toute la modernité de nos activités. » En quelque mots, Fabien Forgeot, président du comité local dans l’Aube de l’UIMM Champagne-Ardenne, l’union des métiers de la métallurgie, plante le décor et les enjeux de son nouveau pôle formation inauguré lundi 24 juin àRosières-près-Troyes.
910 000 euros ont été investis pour permettre d’étendre les ateliers existants, notamment l’IOT Academy, les technologies innovantes autour des objets connectés, mais aussi l’atelier d’usinage, « un secteur traditionnel de la métallurgie dans lequel nous sommes quasiment les seuls dans l’Aube à avoir la capacité de former des Bacs pro », précise celui directeur par ailleurs l’usine de serrurerie Assa Abloy à Sainte-Savine.
Il faut dire qu’il y a de réels besoins de recrutement dans tout le secteur de l’industrie, notamment dans la métallurgie qui compte 4600 salariés dans l’Aube. « Beaucoup de personnes vont partir en retraite, rappelle Fabien Forgeot. Les entreprises recrutent énormément dans ces secteurs d’activités qui n’ont plus rien à voir avec l’ère Emile Zola. »
« L’industrie du futur » peine encore àséduire les jeunes. « Ils ne nous connaissent pas ! Ils rêvent de startups et d’outils connectés. Il y a aussi les parents et les grands-parents qui ont vécu la pénibilité au travail. Ce sont eux aussi qu’ils faut convaincre. On va encourager nos entreprises àouvrir leurs portes pour accueillir les familles. »
Au sein du pôle formation UIMM, près de 250 jeunes sont accueillis toute l’année, sans compter les 80 stagiaires venus pour de la formation professionnelle. « Ces jeunes se forment sur les métiers d’usinage, de la chaudronnerie, du soudage, de la maintenance électro mécanique et toute la partie objets connectés », rappelle Fabien Forgeot.
« Le Mazac, c’est la Rolls-Royce du fraisage »
Au cœur du tout nouvel atelier d’usinage, installé dans un hangar qui accueillait auparavant des permis de caristes, on retrouve des outils de toutes générations, en commandes traditionnelles ou numériques, qui permettent de s’adapter aux besoins des entreprises. « Notamment le Mazak qu’on vient d’acquérir il y a deux ans, montre Cyril Emmons, responsable de l’atelier d’usinage. C’est la Rolls-Royce du fraisage ! »
« L’objectif, dit-il, est d’aller vers l’excellence, que les jeunes deviennent autonomes pour aller en entreprise. Mais ça demande du temps, on ne peut pas devenir fraiseur en un an. » Cette voie de l’industrie métallurgique, c’est celle qu’a choisi Julien Ksiksi, 25 ans, en bac pro usinage depuis un an. Cet ancien mécanicien a été séduit par la filière lors d’une journée portes ouvertes.
« Il y a pas mal d’idées reçues, ce n’est pas si sale que ça, on est bien équipés, les journées passent assez vite et on peut compter sur les collègues quand il y a des soucis. » En alternance chez Lisi Aerospace àBar-sur-Aube, une entreprise spécialisée dans les composants pour l’industrie aéronautique, le jeune homme a quasiment la garantie de conserver durablement son emploi.
« La condition, c’était que je reste pour qu’ils passent du temps àme former. C’est làoù j’ai vu que ça recherchait beaucoup dans l’industrie. Avec une bonne formation et en étant carré, on peut rentrer facilement. Et je pourrai obtenir un bon salaire avec, en plus, des perspectives d’évolution intéressantes », se félicite Julien.
Séduire les jeunes est donc un enjeu crucial pour soutenir les grands projets industriels du territoire. « L’avenir de l’économie auboise se construit ici, souligne Philippe Pichery, président du conseil départemental de l’Aube. Il y a notamment le dossier de la candidature du territoire pour l’accueil d’un réacteur nucléaire EPR de 2ème génération à Nogent-sur-Seine, qui va mobiliser, le moment venu, un nombre important de compétences et d’entreprises et ces jeunes seront le vivier qui les alimentera ».
Deuxième région industrielle de France en termes d’emplois et sur le podium en termes d’exportations et d’attractivité, selon les données dévoilées au dernier sommet Choose France, le Grand Est n’entend pas ralentir la cadence : « A cause des crises que nous avons traversées, on s’est rendus compte que notre production était paralysée par le fait qu’un certain nombre de pièces était fabriquée ailleurs qu’en Europe », rappelle Franck Leroy, président du conseil régional.
Des outils sont mis en place afin de générer de nouveaux projets industriels venus notamment de l’étranger : « Il nous faut dégager du foncier et des moyens pour accompagner des investissements parfois colossaux, mais aussi accompagner les projets industriels de toute taille à travers la recherche, l’innovation, la modernisation des équipements industriels », indique Franck Leroy.
Reste donc à séduire la main d’œuvre avec des perspectives de rémunération et de carrières autour des défis de demain. « C’est à Sarreguemines que l’on posera l’année prochaine la première pierre de la plus grande usine européenne de fabrication de panneaux photovoltaïques avec 2000 emplois à la clé, rappelle Franck Leroy. Si l’on veut se débarrasser des énergies fossiles, il faut bien trouver des alternatives. »