Réseaux sociaux : du crabe au pélican en passant par le rhino, les secousses de l’actu au filtre du zoo
Un crabe dans le métro ? Y a de quoi se pincer.
Publiée jeudi 27 juin sur Instagram et TikTok par le compte collaboratif Lesgensdanslemetro, qui documente avec humour la dinguerie humaine dans ce transport en commun, la vidéo compte des dizaines de millions de vues. Et pour cause, ce n’est pas tous les jours qu’embarque un crabe, vivant. On y voit le crustacé décapode, de taille respectable, agiter ses pattes au bout d’un siège, côté fenêtre.
Logiquement, les commentaires vont bon train, halluciné («Mais comment il est arrivé là, je veux connaître son histoire»), pragmatique («Il est monté à Château d’eau, il descend à Marcadet Poissonnier», Paris Plage est aussi une hypothèse fréquente), parano («Après les rats, les punaises de lit c’est l’heure des crabes maintenant»), cinéphile («Après un requin dans Sous la Seine, Netflix présente un crabe dans Sous la rame»), sarcastique («Il y a des crabes dans la Seine qui font métro-boulot-dodo et ça veut se baigner dedans»), philosophe-fataliste («Tant de questions, si peu de réponses»). La métaphore politico-médicale est aussi convoquée – «Il est candidat dans quelle circonscription celui-ci ?». D’anomalie, le crabe-du-métro devient symptôme d’époque.
La même chose est possible avec la méga tique qui gagne du terrain en France : d’environ 8 mm, contre 1 à 5 mm pour l’espèce la plus courante, l’Hyalomma marginatum à pattes rayées qui peut transmettre dans les cas les plus graves le virus (possiblement létal) de la fièvre hémorragique, est une candidate idéale pour une comparaison avec la menace politique exponentielle en cours. Le moustique tigre, qui nous vaut une flambée des cas de dengue ? On vit un monde de dingue, CQFD. Quant au rhinocéros, il revient en force via Eugène Ionesco et sa pièce éponyme (parue en 1959) qui dénonce l’apathie face au totalitarisme (la «rhinocérite»), des extraits sont plébiscités en ligne.
Cela dit, ce métaphorisme zoologique (qui peut s’étendre aux phénomènes naturels, du type «le week-end est orageux ? Tu m’étonnes…») n’est pas forcément négatif. Il peut même être consolatoire. C’est, par exemple, fondre devant une vidéo d’un pêcheur qui enlace un pélican et le caresse comme un ami cher, pouffer devant la photo d’un salon dévasté par un chien aux airs angéliques, suivre assidûment le compte d’un Anglais dépressif qui se sauve en même temps qu’il vient à la rescousse de chiens des rues en Thaïlande, dont il détaille les personnalités, les souffrances et les progrès.
Les mignonneries animalesques sont un classique des réseaux sociaux, avec le chat en figure de proue, mais personnellement, on n’en a jamais autant cherché et regardé que depuis le 9 juin, comme un miroir cette fois positif et apaisant. Gnangnan, neuneu, idéaliste car l’homme peut être un loup pour l’homme mais aussi pour l’animal, et l’animal lui-même sans merci ? Ça va de soi, même «pathétique» on accepte. Face au rhino féroce, sauve qui peut, avec les moyens qu’il peut.