COMMENTAIRE. Les risques d’Emmanuel Macron
Emmanuel Macron, le 12 juin 2024.
Attaquer indifféremment les extrêmes, de gauche comme de droite, pour inciter les électeurs à choisir les candidats du bloc central n’est pas sans risque pour Emmanuel Macron. Donner à penser que l’ensemble du Nouveau Front populaire serait à la main des Insoumis et à combattre quoi qu’il en coûte, l’est tout autant. Le « ni ni » du « ni LFI, ni RN » ne pourrait que profiter au Rassemblement national. Et compliquer toute chance d’alliance des démocrates après l’élection.
Elections législatives anticipées. Premier tour dans trois jours. Incertitude maximale. De mémoire de politique, tout est « inédit » dans la folle campagne que vit le pays. Jamais président de la République n’avait annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale au soir d’une défaite électorale cuisante pour son propre camp. A fortiori après des européennes, et avec une extrême droite au plus haut.
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L’électorat traditionnel d’Emmanuel Macron ne s’en est pas remis. Stupeur et colère dominent encore dans ses rangs, qui concentrent la plupart des « indécis », ces citoyens qui ne savent pas encore s’ils iront voter dimanche prochain, ni pour qui. Le chef de l’État l’a compris. Depuis le 9 juin, il ne cesse d’expliquer ses raisons, en multipliant les prises de paroles quand nombre de ses candidats eux-mêmes aimeraient qu’il garde le silence - et certains le disent désormais ouvertement. La parole présidentielle n’est plus performative, mais jugée contreproductive par une partie de ses partisans.
Une campagne qui interroge
C’est d’autant plus marqué que la manière de faire campagne du président de la République interroge. Lui qui promettait, en 2017, de tout faire pour que les Français qui avaient opté pour Marine Le Pen n’aient « plus aucune raison de voter pour les extrêmes », brouille aujourd’hui les pistes.
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Dans un podcast (1) diffusé ce lundi, Emmanuel Macron renvoie le RN et LFI dos à dos, après les avoirs clairement étiquetés. « Le Rassemblement national et associés [est] un parti d’extrême droite » au regard de son histoire et des idées qu’il défend, précise-t-il, tandis que « LFI ou NPA, c’est l’extrême gauche, ils le disent eux-mêmes ». Tout en admettant que l’une et l’autre « répondent à des vraies angoisses » - sur l’insécurité ou le vivre ensemble notamment - il leur reproche d’y « répond[re] mal » à ses yeux, « en accroissant la conflictualité et la guerre civile ».
Spectre de la « guerre civile »
On peut comprendre l’intention tactique, pas certains termes employés. Que le président de la République, garant de la cohésion nationale, évoque le spectre de la « guerre civile » pour mieux faire la promotion de son camp, le « bloc central » incarné par Ensemble pour la République, a choqué. Si l’hypothèse d’un blocage institutionnel majeur, ou d’émeutes d’ampleur au soir du 7 juillet - voire dès ce 30 juin -, n’a rien de farfelu, en faire un argument de campagne, en revanche, est plus que discutable.
Jouer sur les peurs dans un pays épuisé, au bord de la fracture multiple, est plus que discutable. Attaquer ainsi la France insoumise aussi, si l’objectif poursuivi est de discréditer les candidats du Nouveau Front populaire dans leur ensemble. La stratégie du « ni RN, ni LFI » envisagée par le camp de feue la majorité présidentielle ajoute à la grande confusion du moment.
Appels à la raison
À gauche, écologistes, socialistes et communistes appellent à un désistement en faveur du candidat démocrate le mieux placé dans chaque circonscription qui pourra donner lieu à une triangulaire - et il pourrait y en avoir un très grand nombre, compte tenu de la très forte participation estimée pour ces législatives. Les Insoumis et Ensemble pour la République sont loin d’être aussi clairs, à ce stade. Malgré des appels à la raison lancés par des personnalités - isolées - des deux familles ennemies.
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L’animosité mutuelle que les deux camps se vouent ne peut que profiter au Rassemblement national. Elle peut offrir la majorité absolue au parti de Jordan Bardella. Et compromettre, à coup sûr, la constitution, après l’élection, d’une grande coalition pour faire barrage à l’extrême droite…
(1) - Génération Do It Yourself, de Matthieu Stefani.