« Il faut choisir son camp » : à Rennes, ces restauratrices affichent leurs convictions politiques
Solène de Retour chariot, Sybille, Anaëlle, Caroline et Manon de Pénates et Clémentine de Peska (en bas) ont créé trois affiches engagées pour ouvrir le débat et sensibiliser sur les dangers de l’extrême droite pour la restauration.
À l’aube des élections législatives, les équipes des restaurants Peska et Pénates et le collectif graphique Retour chariot ont créé trois affiches engagées. Elles alertent sur le danger que représente l’extrême droite pour les acteurs du bien manger.
«Ã‚ Dans l’assiette la lutte », « Alimenter la révolte », « Délicieusement antifasciste ». Ces trois slogans décorent, désormais, les murs ou les vitrines d’une quarantaine d’établissements acteurs de la restauration àRennes. Trois affiches créées par les designeuses graphiques du collectif Retour chariot en réaction aux résultats des dernières élections européennes. À l’initiative du projet, les équipes des restaurants Peska et Pénates prennent position publiquement. Elles n’incitent pas à un vote particulier et ne sont rattachées à aucun parti politique. Leur objectif est d’ouvrir le débat et de faire réfléchir. « Si les gens aiment côtoyer nos restaurants et qu’ils veulent que ça continue, il va falloir choisir son camp » , explique Sibylle Sellam, de Pénates.
L’une des affiches met en avant la diversité des Hommes, du vivant et des cultures : « Dans l’assiette la lutte. Sans diversité pas de cuisine indé ! », peut-on y lire.
Le bien manger en danger ?
En prévision des élections législatives, les 30 juin et 7 juillet prochains, ces restauratrices rappellent que la politique s’invite aussi à table. Pour Sibylle, c’est l’évidence : « dans un monde où les fachos régneront, nous n’aurons plus lieu d’être ». En placardant ces affiches, elles tirent la sonnette d’alarme. « Le Rassemblement National et le parti présidentiel ne souhaitent pas accompagner la conversion vers le bio, ils ne votent pas de lois de protection des océans. Sans biodiversité, sans diversité, sans ouverture d’esprit, nous en tant qu’établissements du bien manger sommes en danger », craint Clémentine Guillois, de Peska, restaurant spécialisé dans les produits de la mer, rue Saint-Malo.
Révolte à trois vitesses
Trois affiches, pour trois degrés de revendications. Le collectif Retour chariot, Peska et Pénates ont voulu échelonner l’intensité du message pour que tout le monde puisse s’y retrouver. Libres de droit, ces affiches sont accessibles à tous et partout. Par leurs slogans, elles exposent l’impact que peut avoir l’extrême droite sur les modes d’alimentation, de culture ou d’agriculture.
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Solène, graphiste chez Retour chariot, voulait « mener la révolte, avec une touche d’humour et de légèreté », sans pour autant censurer les mots forts. « Le fascisme ça fait peur, mais ce n’est pas un gros mot, c’est la réalité », continue-t-elle. Le visuel, lui, est identique sur chaque affiche. Un poing rouge, fermé sur une fourchette, un poisson, des fleurs, un oignon. Chacun y voit ce qu’il veut. Certains retiennent le poing et le rouge de la révolte, d’autres les fleurs du pacifisme, ou encore le respect de la biodiversité, de la pêche durable aux fleurs comestibles. Pour Solène, « c’est une révolte pacifiste ». « On ne prend pas les armes, on défend ce qui est vital : le bien manger. »
La politique à table
Politiser des espaces commerciaux comme des restaurants ou des épiceries est un choix clivant. Pour les clients d’abord. Certains félicitent et soutiennent l’initiative, mais d’autres n’apprécient pas qu’un commerce se prononce politiquement. C’est le cas de ce client, mécontent à la vue d’une de ces affiches à la pâtisserie 16 h 30, qui laisse un avis Google : « Je ne suis pas en droit de pouvoir imposer mes convictions politiques aux commerçants que j’ai en face de moi, la réciproque est exigée et ce n’est pas négociable. » Caroline Lenormand, du restaurant Pénates, s’en défend : « On ne nous entend jamais, nous les restaurateurs. On est censé accueillir tout le monde mais on a aussi le droit de défendre une certaine vision du métier. Aujourd’hui, c’est cette vision qui est en danger, donc oui, on prend position. »
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Clivant parmi les professionnels aussi. Tous n’ont pas voulu accrocher ces affiches. Davantage par peur d’attiser la haine et de retrouver sa vitrine brisée que par conviction. Sybille précise : « Chacun fait ce qu’il veut, on comprend que certains n’aient pas les épaules. »
En une semaine, les affiches ont fait le tour de Rennes et des réseaux sociaux. D’autres villes partagent aussi le message. Cette initiative reçoit une importante vague de soutien, mais il leur faudra attendre le résultat des urnes pour crier victoire.