Législatives : Cette archive de Jean-Marie Le Pen rappelle d’où vient la proposition du RN sur les binationaux
Législatives : Cette archive de Jean-Marie Le Pen (ici en 2014 à Nanterre) rappelle d’où vient la proposition du RN sur les binationaux
POLITIQUE - « Allusion perfide, insinuation venimeuse, tartufferie la plus contraire à l’âme française ». Voilà comment la droite gaulliste, en l’occurrence le RPR, étrillait la prestation de Jean-Marie Le Pen dans un duel télévisé en 1989 face à Lionel Stoleru. Le père de Marine Le Pen cherchait alors avec insistance à débusquer la nationalité israélienne (fantasmée) de son interlocuteur, membre du gouvernement Michel Rocard, sous François Mitterrand.
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Trente-cinq ans plus tard, l’extrait de cette joute verbale prend un sens particulier à l’heure où les héritiers politiques du lepénisme sont plus proches d’accéder au pouvoir que jamais, avec, dans leur besace, une proposition contre les binationaux.
Retour à la fin des années 1980. Alors président du FN, Jean-Marie Le Pen commence à investir les plateaux de télévision. Cinq ans après sa première invitation dans une grand-messe politique (L’heure de vérité sur Antenne 2 en 1984), le voilà qui croise le fer, sur la Cinq, avec un membre du gouvernement. En l’occurrence Lionel Stoleru, le secrétaire d’État en charge du Plan.
« Monsieur Stoleru, vous êtes juif, ou non ? »
Le duel accouche donc d’une séquence difficile à regarder quand Jean-Marie Le Pen, un maître de la provocation dans les médias, presse son interlocuteur de reconnaître sa prétendue double nationalité. Pourquoi une telle insistance ? Uniquement parce que son contradicteur est juif.
C’est d’ailleurs le journaliste en plateau, Jean-Claude Bourret, évoquant le « langage un peu codé » de Jean-Marie Le Pen, qui pose franchement la question à Lionel Stoleru. « Il faut que les choses soient claires (...) Monsieur Stoleru vous êtes juif, ou non ? », lance-t-il sans ambages au secrétaire d’État qui, presque abasourdi par la tournure des échanges et des « arguments personnels », lui répond : « Ce n’est pas une nationalité. »
L’intervieweur reprend : « je pense que monsieur Le Pen faisait peut-être allusion à la possibilité que vous avez une double nationalité française et Israélienne ». Confirmation de Jean-Marie Le Pen, fondateur du FN avec (entre autres) un ancien Waffen SS : « C’est la question que je lui posais (...) mais je ne crois pas ce qu’on me dit systématiquement, je crois en la loyauté de monsieur Stoleru. »
Rappel de l’idéologie d’extrême droite
À l’époque, cet échange suscite une vague d’indignations immédiate et générale. Certains, comme les centristes de Jacques Barrot (le père du ministre Jean-Noël Barrot), appellent alors à « secouer l’indifférence de l’opinion publique pour endiguer le flot de ce dérapage raciste et antisémite. »
Près de quarante ans plus tard, la séquence apporte encore son lot d’enseignements sur l’idéologie de l’extrême droite, et le discours que cette famille politique continue d’entretenir. « Je salue la mémoire de mon père Lionel Stoleru, tristement rappelée par l’actualité », a ainsi écrit Emmanuelle Wargon, par ailleurs ancienne ministre d’Emmanuel Macron, sur les réseaux sociaux ce mercredi, en réaction à cette archive.
Certes, le Rassemblement national a abandonné (récemment) la mesure qui visait à interdire aux Français d’avoir plusieurs nationalités. Toutefois, Jordan Bardella et Marine Le Pen défrayent la chronique en proposant désormais, pour les législatives anticipées, d’interdire aux binationaux d’occuper des postes « sensibles. »
Enfin, si le parti lepéniste essaie de se départir de son passé antisémite et se présente désormais comme le meilleur bouclier des Français de confession juive, il n’empêche. Cette proposition, marotte de l’extrême droite, traduit ici encore une vision qui divise les Français en deux catégories, les bons et les mauvais. Elle continue d’entretenir l’idée selon laquelle un individu, parce qu’il possède une autre nationalité, pourrait manquer de loyauté à l’égard de la France. Origine fange garantie.
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