Nouveau Front Populaire : ce qui se trame derrière le pacte avec le diable Mélenchon
Nouveau Front Populaire : ce qui se trame derrière le pacte avec le diable Mélenchon
Il n'est pas interdit, en politique, d'être un peu stratège. Depuis la fondation, au lendemain de la dissolution surprise, du Nouveau Front populaire, sorte de Nupes améliorée et rééquilibrée, nombre d'électeurs de gauche désespérés se bouchent le nez et s'en vont répétant que jamais ils ne voteront pour les amis de Jean-Luc Mélenchon et préféreront s'abstenir, quitte à propulser le Rassemblement national au pouvoir.
Les mêmes seront peut-être surpris de le lire : cette solide détestation des Insoumis est tout à fait partagée par les responsables politiques sociaux-démocrates qui ont paraphé ou soutenu cette nouvelle alliance à gauche. Ainsi de Raphaël Glucksmann, champion PS-Place publique après son score de 14 % aux européennes, qui martèle en cette campagne que les Insoumis, avec qui il est en rupture consommée, sont « divisés », à force de purges internes, et « dilués » au sein du NFP.
À LIRE AUSSI Quelle est la nouvelle géographie électorale de la France ? Ceux qui ont participé au huis clos des tractations à gauche ne se privent pas, du reste, de souligner que les Insoumis ont cédé bien plus de terrain, de crainte de passer pour les diviseurs, que ne l'ont fait les Écologistes, arc-boutés sur leurs revendications. Ce jeudi 13 juin, à la mi-journée, le PS a même menacé de tout faire capoter et d'aligner 577 candidats en solo, contraignant les Insoumis à rendre gorge sur plusieurs des lignes rouges posées par le PS et son allié de Place publique.
Les socialistes d'Olivier Faure, les communistes de Fabien Roussel et, surtout, l'ancienne tête de liste Raphaël Glucksmann ne sont donc pas devenus en un claquement de doigts les meilleurs alliés de leurs ennemis d'hier, avec qui ils échangeaient des noms d'oiseaux il y a quelques semaines encore. Et nul ne pense chez les sociaux-démocrates que Jean-Luc Mélenchon ait la moindre chance d'accéder à Matignon.
Alors, quel est le calcul derrière ce pacte faustien qui rebute plus d'un électeur ? Il est d'abord arithmétique. Pour des élections législatives, il n'y a rien de plus puissant que l'union. Question de mathématique : divisés, vous perdez ; rassemblés, tout est possible, en raison du mode de scrutin qui impose un seuil couperet de 12,5 % des électeurs inscrits (et non pas exprimés, c'est toute la difficulté) pour se maintenir au second tour. D'où cette alliance de la carpe et du lapin. Ensuite, beaucoup parient que ce sont les électeurs qui feront le travail en éliminant localement, au niveau des 229 circonscriptions où les LFI postulent, les candidats Insoumis les plus urticants. Ce qui permettrait à la gauche d'avoir potentiellement un groupe puissant à l'Assemblée nationale, mais où les socialistes seraient cette fois en position de force, contrairement à la Nupes qui était dominée par les amis de Mélenchon.
«Ã‚ LFI va disparaître ! Ils vont être sanctionnés localement et ils vont imploser, c'est parfait. Mélenchon a très bien compris que cette alliance visait àle tuer », décrypte sans ménagement une figure de la gauche, sous couvert de « off ». Avec notamment un François Ruffin, député LFI rebelle de la Somme, en guise de bras armé contre le patriarche rugissant.
À LIRE AUSSI Législatives : Bardella sacrifie la rupture sur l'autel de la crédibilité
Scénario Netflix
Un stratège du PS complète le raisonnement : « On espère faire élire 200 députés de gauche, dont 80 à 90 du PS et une cinquantaine de LFI », soit un rapport quasiment inversé par rapport à la situation dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale sortante (75 LFI et 31 socialistes). Une majorité qui resterait relative, donc, car une majorité absolue de 289 députés semble difficilement atteignable en l'état pour la gauche, juge-t-on en interne. Au PS, on concède une véritable erreur en ce début de campagne : avoir cédé, dans les premières heures qui ont suivi la signature de l'accord à gauche, le terrain médiatique à Jean-Luc Mélenchon et les siens, laissant notamment le chef des Insoumis postuler sur France 2 pour le poste de Premier ministre au journal télévisé de 20 heures. « Heureusement que les interventions de François Hollande et Lionel Jospin ont rééquilibré le truc? », souffle un négociateur.
À LIRE AUSSI « Qu'il ferme sa gueule ! » : un nouveau slogan pour la majoritéCar si la gauche récupérait une majorité relative, où pourrait-elle donc aller chercher des alliés pour gouverner ? Au centre, forcément, à l'aile gauche de la macronie, ou du moins ce qu'il en restera. On ne peut que s'étonner dès lors, stratégiquement, que le chef de l'État multiplie les déclarations droitières ? sur le programme « immigrationniste » du NFP ou la possibilité prétendument offerte à tous de « changer de sexe » en mairie ? et que le Premier ministre Gabriel Attal fasse de la réforme de l'assurance-chômage un pilier de sa campagne. Car au lendemain du second tour des législatives, il n'est pas interdit de penser que la France se retrouvera peut-être avec une majorité allant de l'ancien ministre macroniste Clément Beaune à l'Insoumis François Ruffin, s'ils sont réélus.
À LIRE AUSSI Les Républicains, le trésor de guerre et les « vautours »
Un haut responsable de gauche s'en amuse, dans un scénario que Netflix n'oserait même proposer : « Imaginez Emmanuel Macron en cohabitation avec François Hollande à Matignon et l'ancien président lui donnant tous les matins des leçons ! Ou mieux encore, Laurent Berger, l'ancien leader de la CFDT qui a combattu le report de l'âge légal de départ à 64 ans, qui l'obligerait à signer le décret d'abrogation de la réforme des retraites ! » Dans les hypothèses particulièrement sombres qui attendent le pays dans les prochains mois, celle-ci serait, avouons-le, particulièrement savoureuse.