ENTRETIEN. Législatives : « Nous sommes les mieux placés pour battre le RN », assure Gabriel Attal

Gabriel Attal propose « un tournant pénal dans la lutte contre la délinquance des mineurs. »

Délinquance des mineurs, pouvoir d’achat, santé, éducation, nouvelle manière de gouverner : le Premier ministre revient sur ses promesses de campagne pour les législatives. Et continue à penser que les candidats Ensemble pour la République peuvent créer la surprise dimanche.

À trois jours du premier tour des élections législatives, Ouest-France a interrogé un chef de file de chacun des quatre principaux camps en présence. Gabriel Attal (Rassemblement pour la République), Jordan Bardella (Rassemblement national), Bruno Retailleau (Les Républicains) et Marine Tondelier (Nouveau Front populaire). Quatre entretiens à découvrir ce jeudi 26 juin sur notre site.

Le président de la République veut aller « plus loin, plus vite, plus fort » sur les questions de sécurité et d’immigration. Comment cela se traduit-il dans votre programme ?

Par des mesures claires, concrètes, déjà travaillées. Quand j’ai été nommé Premier ministre, j’ai fait de la sécurité et de la lutte contre la délinquance des mineurs un objectif prioritaire. Après avoir renforcé massivement les moyens de la police et de la gendarmerie - 15 000 postes supplémentaires - je propose un tournant pénal dans la lutte contre la délinquance des mineurs. En responsabilisant davantage les parents de mineurs délinquants. En sanctionnant plus efficacement, avec des courtes peines d’isolement dès les premiers faits de délinquance. En créant une comparution immédiate pour les mineurs, et par l’atténuation de l’excuse de minorité qui peut alimenter un sentiment d’impunité chez beaucoup de jeunes.

La plupart de vos propositions s’inscrivent dans la continuité de politiques déjà engagées. Où sont les vraies nouveautés ?

Sur le pouvoir d’achat. On a fait beaucoup ces dernières années, notamment sur l’emploi, avec un taux de chômage au plus bas depuis 25 ans et un taux de chômage des jeunes au plus bas depuis 40 ans. On a supprimé la taxe d’habitation, la redevance télé, baissé les premières tranches d’impôt sur le revenu… Mais ce n’est pas assez. Je propose une baisse de la facture d’électricité dès l’hiver prochain, de l’ordre de 200 € en moyenne par foyer. La revalorisation automatique des pensions de retraite avec l’inflation. Un nouveau système d’allégement de charges pour encourager l’augmentation des salaires au-dessus du Smic. Une exonération de frais de notaire pour l’achat d’un premier bien immobilier. Ce sont des mesures crédibles, financées, qui ne s’appuient pas sur plusieurs centaines de milliards de dépenses supplémentaires, comme celles du Rassemblement national ou de l’alliance France Insoumise.

Certaines de vos mesures se traduiront tout de même par d’importants manques à gagner pour les finances publiques…

Celle qui a un coût, c’est l’exonération des frais de notaire. Il nous faudra reverser l’équivalent, près de 2 milliards par an aux Départements qui perçoivent une partie de ces droits actuellement. Mais j’avais confirmé, au moment de ma nomination, que nous ferions baisser les impôts de 2 milliards d’euros pour les classes moyennes. Ce montant a donc déjà été isolé et inscrit dans notre trajectoire budgétaire.

Quelles sont les mesures auxquelles les Français vous semblent les plus sensibles ?

Ils me parlent principalement du pouvoir d’achat, de la lutte contre la délinquance et de la santé. Si les candidats Ensemble pour la République ont une majorité, je m’engage à ce que le nombre de médecins en formation chaque année soit doublé en 2027 par rapport à 2017. Je m’engage également à tout faire pour libérer du temps aux médecins, ce qui se traduira par des consultations médicales supplémentaires pour les Français. C’est ce que j’ai commencé à faire. J’avais annoncé dans vos colonnes il y a deux mois des mesures très concrètes en la matière, dont l’autorisation donnée aux pharmaciens de prescrire des antibiotiques contre les angines ou cystites. C’est entré en vigueur la semaine dernière.

Et les mesures qui vous tiennent personnellement à cœur ? Quelles sont-elles ?

Je suis très attaché à l’éducation. Je propose de rehausser le niveau de nos élèves, de soutenir nos professeurs dont l’autorité peut être contestée ou bafouée, et de poursuivre une lutte acharnée contre le harcèlement scolaire. L’école, c’est la mère des batailles et l’assurance vie de la République. C’est ce qui fera qu’on sera un pays fort dans les années à venir.

Qu’est-ce qui pourrait avoir fait changer l’électorat d’avis depuis les européennes du 9 juin ?

Ce sont deux élections différentes, mais je constate que nous sommes la force qui a la plus grande dynamique depuis les européennes. Partout où je me déplace, je vois des Français qui sont dans le sursaut, qui ne veulent pas livrer notre pays à l’extrême droite ou à la France Insoumise et son alliance, dont les programmes seraient terribles pour notre économie et nos emplois, et parce que chacune de ces deux formations porte un projet qui s’éloigne des valeurs de la République et de la France.

Les débats télévisés vous ont-ils permis de marquer des points ?

Au cours de celui de mardi, sur TF1, on a vu un Jordan Bardella se noyer dans des explications incompréhensibles sur sa réforme des retraites, qui ne permettrait de partir qu’à 66 ans pour beaucoup. On l’a vu avoir le plus grand mal à justifier sa suppression de l’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans. Et on a compris qu’il restait fidèle à l’héritage de Jean-Marie Le Pen, avec ses propositions concernant les binationaux. Je pense que les Français le voient et que ce n’est pas ce dont ils ont envie, quand bien même ils sont en colère ou doutent.

Dans combien de circonscriptions croyez-vous que des candidats Ensemble pour la République seront en capacité de se maintenir au second tour ?

Je ne vais pas me risquer à faire des estimations. Ce que je peux dire, c’est que contrairement aux autres forces politiques, nous avons dès le premier tour fait le choix de ne pas présenter de candidats dans une soixantaine de circonscriptions où nous considérions que nous ne pouvions pas l’emporter, voire faciliter l’accès des extrêmes au second tour en créant une dispersion des voix. Mais dans toutes celles où Ensemble pour la République se présente, nos candidats sont en position de l’emporter.

Il est question d’un très grand nombre de triangulaires. Pourquoi ne donnez-vous pas dès maintenant vos consignes de désistement ou de maintien pour le second tour ?

Parce que je respecte le vote des Français. Certains voudraient donner le sentiment qu’il y a une forme de tenaille, de déchirure inéluctable entre la France Insoumise d’un côté et le Rassemblement national de l’autre. Il y a un moyen d’empêcher à cela, c’est de placer nos candidats Ensemble pour la République au deuxième tour en votant pour eux dès le premier ! Ils sont les mieux placés pour l’emporter, notamment contre l’extrême droite. Après, je sais où sont mes valeurs. Nous donnerons évidemment des consignes au soir du premier tour.

Vous vous voyez rester Premier ministre après le 7 juillet ?

Je me bats pour qu’on ait une majorité et pour pouvoir continuer à agir au bénéfice des Français. Mais derrière ma personne, il y a avant tout un projet, une ligne politique à poursuivre. Elle n’est certes pas parfaite, on n’a pas tout réussi, il y a même des choses sur lesquelles on a échoué… Je crois, en revanche, que nous sommes exemplaires s’agissant des valeurs de la République. Sur le volet économique, nous avons des résultats tangibles. Raison pour laquelle d’ailleurs les représentants des chefs d’entreprise appellent à battre les extrêmes.