Jack Dion : "Vent de panique dans l'extrême centre"
Emmanuel Macron a annoncé la dissolution le 9 juin dernier.
Un nouveau mot est apparu dans le débat public : « démacronisation ». S’il avait été inventé par des Insoumis, on y aurait vu la preuve manifeste de leur volonté de « bordéliser » la vie institutionnelle et de mettre l’ordre républicain cul par-dessus tête. Pas de chance : le concept en question a cheminé au sein même de la famille présidentielle, là où le simple nom de l’hôte de l’Elysée suffit désormais à semer la panique. C’est François Bayrou, vieux grognard de la macronie, qui en a parlé le premier. Depuis, les ex-fidèles du chef de l'État le reprennent en boucle, signifiant que lui, c’est lui, et eux, c’est eux.
Emmanuel Macron subit ainsi une pratique vieille comme le monde de la politique, où les amitiés dépendent du sens du vent. Dès que le temps se gâte, les adeptes d’hier prennent leurs distances. C’est la loi des trois « L » : on loue, on lâche, on lynche. Les supporters d’Emmanuel Macron ayant connu la bérézina que l’on sait lors des européennes, et n’étant pas vraiment préparé (c’est un euphémisme) à la dissolution, ils partent aux législatives comme des condamnés vont au bûcher.
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Pour limiter les dégâts, faute de susciter le moindre enthousiasme, ils se disent que moins ils évoquent Emmanuel Macron, mieux ils se portent. En politique, les bons comptes font les amis d’un jour, et les mauvais font les ennemis de toujours.
Faire du Macron sans Macron
A la décharge des apprentis dissidents, il est vrai qu’ils n’auront guère été récompensés de leur fidélité au président démiurge, qu’ils ont adorés hier avant de le sacrifier aujourd’hui. Ils ont cru à sa bonne étoile, avalé ses promesses comme un communiant avale une hostie, défendu sa vision jupitérienne des institutions, ce centrisme autoritaire digne d’un régime du même nom. Ils l’ont laissé humilier le Parlement à coups de 49.3. Ils n’ont rien dit quand il a traité des Gilets jaunes avec un mépris souverain, ou quand il a encouragé une répression indigne du pays des droits de l’homme.
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Ils ont défendu une contre-réforme des retraites imposée à la schlague, malgré l’avis de tous les syndicats, malgré les milliers de manifestants qui ont défilé dans les villes de France et les mises en garde des associations. Mais trop, c’est trop. Le mythe de l’hyperprésident omniscient, ayant raison seul contre tous, s’est effondré comme une statue qu’on abat. Maintenant que leur roi est nu, les macronistes de la première heure se retrouvent à poil. Vu les prévisions de la météo électorale, ils ont peur de n’avoir que leurs yeux pour pleurer la déroute annoncée à l’occasion des législatives.
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Il leur faut donc faire du Macron sans Macron, ce qui demande un certain talent. Même Gabriel Attal, ce pro du funambulisme politicien, a un peu de mal. Restent les coups bas contre le Nouveau Front Populaire, l’ennemi public numéro 1, avec des arguments dignes de l’arrivée des chars russes en 1981 en cas de victoire de la gauche. Du coup, certains d’entre eux trouvent que le RN serait un moindre mal, oubliant qu’hier ils le désignaient comme le drame absolu. Moralité : quand on n’a plus rien à offrir en magasin, on peut toujours vendre son âme.