Droits TV du foot : cinq minutes pour comprendre pourquoi le salaire de Vincent Labrune pose question
Vincent Labrune, le président de la Ligue professionnelle de football Photo LP / Fred Dugit
Le sénateur Michel Savin est formel, il n’avait rien préparé. « Le sujet m’est venu au fil de la discussion. À ma grande surprise, les responsables de CVC m’ont dit que Vincent Labrune était salarié de la Ligue mais pas de la société commerciale. J’ai senti un blanc, alors j’ai insisté. » Voilà comment est née la séquence incongrue - certains disent « lunaire » - qui tourne depuis jeudi après-midi sur les réseaux sociaux.
On y voit Jean-Christophe Germani et Edouard Conques, deux cadres de CVC Capital Partners en France, tomber des nues en découvrant un document transmis par l’élu LR de l’Isère. Celui-ci stipule que 50 % de la rémunération du patron du foot français, en pleine tempête dans la négociation des droits TV de la Ligue 1, a été refacturée à LFP Media. Ce fichier- « confidentiel », précise Michel Savin - a été transmis par la Ligue dans le cadre de la mission d’information sur la financiarisation du football professionnel français.
A minima un sentiment d’amateurisme
Quelques minutes plus tôt, les deux représentants du fonds d’investissement étaient pourtant catégoriques. « Le président de la société commerciale n’a pas de rémunération pour son titre. La rémunération du président de la Ligue est uniquement liée à son poste de président de la Ligue. » Une affirmation a priori fidèle à l’article 26 des statuts de la LFP (voir annexe 1).
Difficile donc de savoir aujourd’hui quelle portée donner à cette scène qui questionne la provenance du salaire versé à Vincent Labrune. Elle dégage a minima un sentiment d’amateurisme. Pour rappel, LFP Media, c’est la filiale commerciale qui a été créée en 2022 à l’arrivée de CVC pour rendre le football français plus attractif et plus compétitif sur le marché international. Labrune, membre de droit en tant que président de la LFP, y avait été nommé président dès sa création. Une double casquette qui, selon différents interlocuteurs, ne relèverait pas du conflit d’intérêts.
Si cette séquence fait autant parler aujourd’hui, c’est surtout parce qu’au même moment, le salaire annuel du dirigeant a été multiplié par trois (de 400 000 euros à 1,2 million d’euros) dans des conditions qui demandent elle aussi des éclaircissements. L’information donnée par le journal L’Equipe dès novembre 2022.
« En l’état, je pose juste une question et on prendra acte des réponses de CVC. L’objet de la société commerciale, c’est de développer les recettes de la Ligue, de ses droits TV et commerciaux. Ce n’est pas de financer la Ligue », indique Michel Savin. Plusieurs sources proches de la Ligue se disent elle aussi sidérées par cette séquence vidéo et àla recherche de clarifications.
Silence côté CVC
Et s’il s’agissait d’un simple malentendu technique ? Une fois passée l’incompréhension, les deux représentants de CVC ont émis cette hypothèse au Sénat. « Est-ce qu’il peut y avoir une refacturation qui ferait elle-même objet d’un retraitement dans le cadre de la définition du résultat sur la base duquel les dividendes sont versés ? Je ne sais pas, nous allons apporter cette réponse », a posé Jean-Christophe Germani.
Sollicité par Le Parisien ce vendredi, CVC dit ne pas vouloir s’exprimer. Une « note explicative » est attendue d’ici plusieurs jours sur la table du rapporteur Michel Savin et du président de la commission Laurent Lafon. Dans les faits, on devrait en savoir davantage dès mercredi. Le premier intéressé, Vincent Labrune, est convoqué à 14h30 par le même groupe de sénateurs.
Les modalités de sa rémunération y seront bien sûr évoquées. Un sujet qui s’ajoute à un pile déjà bien épaisse. Il y sera aussi question du bonus de trois millions d’euros reçu au moment de l’accord noué avec CVC, mais aussi de l’achat d’un nouveau siège social pour près de 127 millions d’euros. L’ancien président de l’OM se sait fragilisé par le contexte. Les négociations sur les droits TV domestiques n’en finissent plus de s’embourber à 45 jours de la reprise du championnat.