Mais qu’est-ce qu’ils ont tous avec le réalisateur Yorgos Lanthimos ?
Mais qu’est-ce qu’ils ont tous avec le réalisateur Yorgos Lanthimos ?
Il est de ces cinéastes qui tournent tous les ans et récoltent des prix à tous les coups. Après l'oscar de la meilleure actrice (pour Emma Stone) et le lion d'or remporté à Venise par Pauvres Créatures, le nouvel opus de Yorgos Lanthimos, Kinds of Kindness a valu au dernier Festival de Cannes un prix d'interprétation à l'un de ses acteurs principaux, Jesse Plemons. La confirmation qu'un style tape-à-l'?il et un désir de cinéma qui repose essentiellement sur l'aspiration à choquer sont un moyen terriblement efficace de se faire passer pour un grand auteur?
Depuis ses débuts sur la scène internationale avec le pénible Canine (2009), le cinéaste grec s'est imposé comme un personnage incontournable du cinéma d'auteur, et se rêve en digne successeur de Luis Buñuel et Michael Haneke.
À LIRE AUSSI « Pauvres Créatures » : liberté des femmes, tu parles ! Au premier, l'auteur de The Lobster (2015) emprunte le goût de l'absurde et de l'étrange, les allusions philosophiques et bibliques, ainsi qu'une perception du monde influencée autant par le marquis de Sade que par Karl Marx. Du second, il tire un modèle de carrière : après une série de films autrichiens particulièrement rudes pour le spectateur (Benny's Video, Funny Games), Michael Haneke a changé de pays pour tourner en France avec des acteurs célèbres ? Juliette Binoche, Isabelle Huppert, Benoît Magimel, Jean-Louis Trintignant ? des ?uvres provocatrices mais plus supportables? et très souvent primées. C'est aux États-Unis et en Angleterre que Yorgos Lanthimos a, pour sa part, trouvé un vivier de stars séduites par son univers étrange.
Il est vrai que La Favorite ? l'histoire insolite de l'excentrique reine Anne (Olivia Colman) et de ses amours avec des femmes (Rachel Weisz, Emma Stone) ? avait donné un vrai coup de jeune au film historique et d'excellents rôles à un beau trio d'actrices? même si les effets de « fisheye » (objectif à très grand angle) risquaient de distraire de l'histoire, excellemment écrite par la scénariste anglaise Deborah Davis.
Une vision punitive du cinéma
Un bon scénario : voici ce qui manque à Kinds of Kindness (en salle ce mercredi 26 juin), qui réunit Willem Dafoe, Emma Stone, Jesse Plemons et Margaret Qualley autour d'une seule et même thématique : le contrôle, la soumission.
Dans la première histoire, un homme ? Jesse Plemons, donc vu dans The Master, The Power of the Dog ou plus récemment dans Civil War ? modèle sa vie sur les ordres de son patron. Il s'agit des actes les plus triviaux (vêtements, lecture du soir, repas, rapports sexuels ou non) comme les plus fondamentaux (il provoque des fausses couches chez sa femme en lui administrant en secret un médicament, car son patron a décrété qu'il n'aurait pas d'enfants). Lorsqu'il lui demande de provoquer un accident, et donc de prendre le risque de tuer quelqu'un, notre héros s'insurge?
À LIRE AUSSI « Le Comte de Monte-Cristo », « Kinds of Kindness », « Les Pistolets en plastique » : quels films voir en salle cette semaine ?Deuxième chapitre : l'étrangeté monte d'un cran. Cette fois, le personnage masculin est persuadé qu'un sosie a pris la place de sa femme (revenue après une longue disparition). Par pulsion sadique ou pour tester sa volonté d'imposture, il lui demande? de lui servir son doigt à manger. Elle s'exécute. Plan du doigt mitonné à la poêle. Plus tard, elle se découpe le foie pour faire plaisir à son charmant époux.
Dernier volet : nous voici dans une secte où un tandem de fidèles est chargé de dégoter une femme capable de ressusciter les morts. S'ensuivent un viol, un peu de vomi et une scène où la femme du gourou lèche les gouttes de sueur d'une disciple? Le tout se conclut par des images de chiens qui reproduisent des postures humaines (coït, suicide, et on en passe). Ce générique final a un mérite : il dit tout de la vision qu'a Yorgos Lanthimos de l'humanité? Un ramassis d'imbéciles mus par les pulsions les plus sommaires, en demande de domination. Sa mise en scène, saturée d'effets visuels incongrus, comme pour se rappeler en permanence à notre bon souvenir, vise le même objectif : dompter le public, étouffer toute protestation, le contraindre au silence et à l'approbation. Le film avance lentement mais dose ses images chocs pour clouer le spectateur à son siège à chaque fois qu'il songerait à le quitter. Une méthode punitive pour une expérience de cinéma qui l'est tout autant.