Euro 2024 : dans le train vers Leipzig, avec la brigade franco-allemande qui surveille les supporters des Bleus
Le deal est scellé. Justine repartira avec l’écusson jaune « Polizei » et son homologue allemand, celui floqué « PAF », pour police aux frontières. C’est une coutume de la maison de s’échanger encore collègues les insignes qu’on se scratche sur l’avant-bras. Chignon bien tiré surplombant 1m50 de bleu marine marchant d’un pas décidé, Justine, 24 ans, vient d’intégrer la division nationale de contrôle des transports Internationaux (DNCTI). Elle forme « une chouette équipe » avec les trois gaillards qui l’entourent.
Gare de l’Est, 9h04 ce vendredi. Ils sautent à bord de l’ICE 9551. Arrivée Kaiserslautern 11h35. Première étape, ronde de sécurité dans les étroites allées du TGV. La « physio » consiste à repérer à bord les profils potentiellement dangereux. Ce vendredi, ils sont peu nombreux. Des maillots bleus sont de sortie, une trentaine, mais bien enfoncés, affalés parfois même, au fond des sièges. La pluie cogne aux fenêtres. L’excitation de la soirée à venir, le Pays-Bas - France sans Mbappé, n’a pas encore gagné les supporters français.
« Pour l’instant il n’y a pas eu de débordement… »
Forbach. 10h45. Deux minutes de stop, quatre policiers et deux gendarmes de plus. La frontière passée, l’équipe est au complet. La coopération franco-allemande peut commencer. Bien que la formation existe depuis 12 ans, elle est particulièrement à l’œuvre en ce mois d’Euro 2024.
Les policiers des deux pays se retrouvent spécialement les jours de match des Bleus, pour gérer les éventuels excès des supporters en transit. « Il y a des risques en plus, alors il faut des patrouilles en plus », explique Gereon Lethen, commandant de la Bundespolizei depuis 30 ans, membre de ces patrouilles mixtes depuis sept ans. Il ajoute : « Pour l’instant il n’y a pas eu de débordement, mais ce n’est pas fini. »
« Les supporters discutent entre eux, c’est bon enfant »
Les deux étoiles de champion du monde sur la poitrine, Fanny Palazzolo pianote sur son ordinateur. « On a l’habitude d’être escorté par des forces de police, c’est assez rassurant », explique la secrétaire des « Irrésistible Français », principale association de supporters de l’Équipe de France. Elle préfère garder précieusement son énergie pour le match du soir : « On va animer la tribune et donner de la voix pour pousser nos joueurs à la victoire. L’esprit est à la fête, les Bleus jouent, tout le monde est content ».
Les policiers français et allemands ont formé deux équipes mixtes et ont contrôlé plus de 130 identités.
« Ce n’est pas un PSG-OM, avance le commandant français. On a davantage de problèmes sur des rencontres nationales. Quand l’Équipe de France joue, les supporters discutent entre eux, c’est bon enfant. » Son équipe reste néanmoins àl’affût. « On n’est pas àl’abri d’un bagage abandonné, d’un acte délictueux, prévient-il. Sur ce genre de manifestation, il y a un plus gros afflux de personnes, c’est aussi une cible potentielle pour le terrorisme. »
Le poste de police de Sarrebruck sert de QG. On y goûte le laberkäse, le pain local, grignote un bretzel ou un zimtschnecken, le roulé à la cannelle traditionnel. On parle allemand avec un fort accent français et français avec un accent allemand. On valide ou critique les hauts bleu ciel des collègues, on jalouse leurs écrans plats 4K, tout en observant leur manière de travailler.
Une répétition générale pour les JO 2024
« La patrouille française est une très bonne patrouille, coopérer nous aide beaucoup, avance le commandant allemand Gereon Lethen. C’est efficace et les bénéfices sont mutuels, chacun maîtrise son côté de la frontière, ou s’applique parfois des lois différentes. » « C’est une coopération aussi bien technique qu’humaine, admet quant son homologue français. On échange sur nos façons d’intervenir car chacun àses manières. »
Et si en ce mois de juin, ce sont les Français qui filent un coup de main sur le territoire allemand, la tendance s’inversera prochainement. La coopération sera à nouveau de vigueur pour les JO 2024. « C’est une sorte de répétition générale, résume le commandant français. Cet été, il y aura aussi des renforts hongrois, des Portugais et des Lettons, qui nous permettront d’échanger avec un maximum de touristes. Ils seront incorporés à nos équipes et appliquerons notre règlementation. ».
Dans le train qui arrive à Leipzig, on croise Bamba Lo. Il a cofondé Paps, une start-up de logistique sénégalaise soutenue financièrement par Jules Koundé et Aurélien Tchouaméni. Il sera aux premières loges de la Red Bull Arena pour voir, il en est certain, gagner ses partenaires de business devenus amis gagner contre les Pays-Bas. « 2-0 » présage-t-il. Du côté des forces de l’ordre, on ne se prononce pas. On pense déjà à la suite, et on mise sur une finale France-Allemagne évidemment.