Fusion nucléaire : un concept hybride entre "tokamak" et "stellarator" pourrait rendre les centrales plus efficaces

Deux chercheurs de l’Institut Max Planck de physique des plasmas (Allemagne) ont mis au point un concept hybride pour améliorer l’efficacité des centrales électriques.

En 2011, le physicien Thomas Klinger avait été questionné par ITER Newsline au sujet de la différence entre les stellarators et les tokamaks, deux dispositifs destinés à la production de réactions contrôlées de fusion nucléaire. "Confiner un plasma dans un stellarator, c’est un peu comme serrer un manche à balai très fort dans votre poing, observait-il. Dans un tokamak, il s’agit de faire tenir ce même manche à balai en équilibre sur un doigt."

Chacun de ces réacteurs présente des inconvénients, mais un concept hybride, qui combine des pièces de chacun d’eux, pourrait s’avérer précieux, relate le New Scientist, vendredi 14 juin, citant une publication de la Société américaine de physique. Cette innovation contribuerait à faire des centrales électriques des installations plus efficaces.

Tokamaks et stellarators : à chacun ses inconvénients

Les scientifiques font appel à des dispositifs de confinement magnétique. Les réacteurs à fusion les plus courants de ce type sont les stellarators et les tokamaks. Concrètement, ils vont se servir des champs magnétiques pour comprimer un nuage d’ions chargés (que l’on appelle plasma) dans un volume minuscule, afin d'augmenter les probabilités de libération d'énergie et de fusion nucléaire, vulgarise le New Scientist.

Le plasma sera confiné de manière différente selon que l’on aura recours à l’un ou à l’autre des réacteurs. Le tokamak, qui est la conception utilisée par le Joint European Torus (JET) au Royaume-Uni, a la forme d’un beignet entouré de bobines d’électro-aimants. Quant aux stellarators, populaires dans le cadre de petits réacteurs modulaires, ils vont confiner le plasma avec des bobines torsadées et courbées.

Chacune de ces conceptions présente des inconvénients. Ainsi, le plasma qui se trouve dans les tokamaks pourra être sujet à des accès soudains de turbulences appelés instabilités. Ces dernières risquent de perturber le processus de fusion ou d’endommager le réacteur, observe la publication scientifique. Quant aux stellarators, ils ne peuvent contenir qu’une quantité relativement faible de plasma et sont complexes à construire.

Plus de stabilité et moins d’énergie utilisée

C’est face à ce constat que les chercheurs Sophia Henneberg et Gabriel Plunk, associés à l’Institut Max-Planck de physique des plasmas à Greifswald (Allemagne), sont partis en quête d’une solution. Les spécialistes ont combiné les deux modèles pour obtenir un dispositif hybride. Selon eux, ce système serait simple à construire et capable de former des plasmas plus conséquents et plus stables qu’avec n’importe quel réacteur existant. Et cela, tout en réduisant la quantité d’énergie aujourd’hui nécessaire au fonctionnement de ces dispositifs.

Leur innovation a conservé la forme de beignet que l’on connaît chez les tokamaks, mais des boucles électromagnétiques torsadées supplémentaires, qui le traversent en son centre et sont appelées "bobines banane", ont été rajoutées. Sophia Henneberg et Gabriel Plunk, au fil des simulations, ont pris conscience que ces bobines engendraient suffisamment de "torsions" dans les champs magnétiques pour éviter les instabilités observées dans les tokamaks.

"Ce concept est assez loin de ce qui pourrait être construit à l’heure actuelle", nuance Benjamin Dudson, du Lawrence Livermore National Laboratory (Californie), cité par le New Scientist. Mais, "c’est un excellent exemple de théorie créative qui pourrait avoir un impact important sur l’énergie de fusion s’il entraîne de nouvelles recherches sur le sujet."

D’après Jorrit Lion, qui travaille chez Proxima Fusion, une start-up allemande, il serait envisageable de convertir les réacteurs tokamaks existants pour qu’ils se conforment à ce concept hybride, en raison de la similitude en matière de conception. Sophia Henneberg et Gabriel Plunk sont en pourparlers avec des universités pour essayer de construire un modèle.