« Il n’y a pas encore de solution » : une mouche ravageuse inquiète des producteurs de fruits
«Ã‚ Il n’y a pas encore de solution » : une mouche ravageuse inquiète des producteurs de fruits
Dans le verger de cinq hectares recouvert d’un immense filet de Laurent Reynard, les cerises sont rouges brillantes, encore fermes, au gros gabarit. Elles sont surtout épargnées par la Drosophila suzukii, une petite mouche ravageuse contre laquelle la filière cherche des solutions « tous azimuts ».
Cet insecte venu d’Asie a été décelé en France en 2010. Il s’attaque en particulier aux fruits rouges encore sur leurs branches, y pondant ses œufs.
La filière s’est mise en branle dès 2012 pour trouver une parade et la quête s’est intensifiée avec l’interdiction de pesticides chimiques, le diméthoate en 2016 et le phosmet en 2023, expliquent des responsables de l’Association d’organisations de producteurs (AOP) Cerises lors d’une visite de presse organisée à Mazan, dans le Vaucluse.
Les produits encore autorisés sont bien moins efficaces, assurent-ils.
En 2023, alors que la météo était particulièrement favorable à la propagation de la mouche, la production des adhérents de l’AOP a chuté de 35 % par rapport à la moyenne des cinq années précédentes, assure la directrice générale de l’organisation, Alexandra Lacoste. L’installation de filets aux mailles ultra serrées, d’un seul bloc sur l’ensemble d’un verger ou par rang de cerisiers, apporte une réponse satisfaisante.
Bonus inattendu : les filets apportent une protection contre la grêle et le vent, ils créent de l’ombre en cas de grosses chaleurs et imposent de limiter la hauteur des arbres, facilitant le travail des saisonniers.
Laurent Reynard a vu la différence : le verger de cerises des coteaux du Ventoux au-dessus duquel il a installé un filet en 2021 « donne un rendement de 20 tonnes par hectares, contre 6 à 7 tonnes en général », dit-il.
Mais cette opération a un coût. Laurent Reynard a déboursé 98.000 euros pour couvrir 5 hectares d’un verger plat et rectangulaire.
Les prix grimpent en fonction du dénivelé ou de l’exposition au vent et en moyenne, il faut compter 80.000 euros par hectare, selon Jean-Christophe Neyron, président de l’AOP Cerises. Moins de 10 % des producteurs de cerises se sont dotés de filets, selon Alexandra Lacoste.
La création d’un microclimat sous les mailles peut par ailleurs favoriser d’autres nuisibles, et ne fait pas disparaître un autre insecte néfaste, la Rhagoletis cerasi ou mouche des cerises, qui passe l’hiver dans le sol.
L’espoir du ganaspis
La filière cherche parallèlement des solutions de biocontrôle. Aliénor Royer, ingénieure au Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes, teste chaque année plusieurs produits proposés par des entreprises qui sont jugés pour l’instant pas assez efficaces ou trop chers.
Les huiles essentielles ? En laboratoire, les résultats sont intéressants, mais « elles sont très sensibles aux UV et il faudrait beaucoup d’applications », explique l’ingénieure.
Projeter de l’argile blanche sur l’arbre empêche l’insecte de reconnaître le fruit. Mais « il n’y a pas encore de solution pour nettoyer la cerise ensuite ».
Des levures, des bactéries, « on cherche tous azimuts », assure Aliénor Royer. A moyen terme, la filière mise beaucoup sur un parasite, le ganaspis.
Faute d’avoir trouvé en France des espèces locales capables de nuire à la Drosophila suzukii, des chercheurs sont allés en chercher en 2015 au Japon, zone d’origine de la mouche.
Après sept ans de travaux en laboratoire, ils ont obtenu l’autorisation de relâcher le ganaspis dans cinq zones expérimentales, explique Nicolas Borowiec, spécialiste des méthodes de lutte biologique contre les ravageurs invasifs à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).
Ce parasite « a été sélectionné car il s’attaque uniquement à la Drosophila suzukii », ce qui limite les effets indésirables, explique-t-il. Un bilan sera fait au bout de cinq ans.