Euro 2024 : avant France-Belgique, les Diables doutent
Kevin De Bruyne et Romelu Lukaku lors du match nul 0-0 contre l'Ukraine, jeudi à Stuttgart.
Pour une qualification en huitième de finale de l’Euro, on avait connu public plus euphorique. Sur la pelouse de la MHP Arena de Stuttgart, mercredi 26 juin, les huées des supporteurs belges accompagnent les dernières touches de balle de leurs protégés, qui s’apprêtent pourtant à valider leur billet pour la suite de la compétition grâce à leur match nul contre l’Ukraine (0-0). Au coup de sifflet final, la bronca dans les travées de l’enceinte d’acier est telle que le capitaine belge, Kevin de Bruyne, renonce à aller saluer la foule et intime à ses coéquipiers de rentrer avec lui au vestiaire. Pas vraiment euphorique, donc. C’est que les supporteurs ne pardonnent pas aux Diables rouges la pauvreté de leur performance et les choix petits bras du sélectionneur Domenico Tedesco, qui n’avait besoin que d’un nul pour se qualifier, mais d’une victoire pour accrocher la première place et hériter au tour suivant d’un adversaire théoriquement plus abordable.
Ainsi la sélection de Belgique qui affronte la France ce lundi 1er juillet à Düsseldorf (18 heures) est-elle une équipe en proie au doute et à la tension. Alors que son groupe pouvait être considéré comme le moins relevé de la compétition, elle est passée à côté de son premier tour, avec une victoire contre la Roumanie (2-0), mais aussi une défaite inattendue contre la Slovaquie (0-1), quelques jours plus tôt. Son buteur attitré, le puissant attaquant Romelu Lukaku, est jusque-là resté muet, maladroit et malchanceux (il a en fait marqué trois buts, tous refusés par l’arbitrage vidéo), et concentre les moqueries. Même s’il a marqué contre la Roumanie, le milieu de terrain Kevin De Bruyne évolue au-dessous de son niveau standard, lui qui compte, dans son club de Manchester City, parmi les meilleurs joueurs de la planète. Quant à Domenico Tedesco, un Italo-Allemand jeune (38 ans) et méconnu, il passe de plus en plus mal outre-Quiévrain.
«L’ambiance n’est pas bonne»
Jeudi, au lendemain de la «parodie de match» de Stuttgart (dixit le quotidien le Soir), le défenseur Thomas Meunier avait fait part aux journalistes de sa déception vis-à-vis de l’attitude de ses supporteurs. «Se taper six heures de route pour venir insulter les joueurs, je ne pense pas que ce soit une finalité. […] Je trouve dommage les réactions un peu disproportionnées. Les gestes obscènes, les insultes sur les réseaux sociaux, c’est allé trop loin», avait déploré l’ancien du Paris Saint-Germain.
«Clairement, l’ambiance n’est pas bonne, commente le journaliste Florent Malice, rédacteur en chef du site wallon Walfoot. Une partie de la presse, notamment la presse néerlandophone qui est plus critique, est déjà prête à sortir les couteaux contre Domenico Tedesco en cas d’élimination contre la France. Du côté des supporteurs, il y a eu une réaction très émotionnelle. Les fans ont eu peur de revivre le traumatisme de 2022.»
Cette année-là, au Qatar, les Diables rouges avaient quitté la Coupe du Monde dès le premier tour, la tête basse. A Stuttgart, un seul but ukrainien aurait condamné les coéquipiers de Romelu Lukaku au même sort, et tout le pays a retenu son souffle lorsque Ruslan Malinovskyi a osé, à dix minutes de la fin, un improbable corner direct, repoussé in extremis par le gardien Koen Casteels. Mais la Belgique a tenu bon, elle reste dans la course et peut toujours rêver d’un parcours à l’Euro 2024. Ainsi va le football : si tout n’est pas perdu, tout devient possible. Et tout va très vite.
France-Belgique, classique historique
Avant de rater leur entame de compétition, les Diables rouges avaient réussi une phase de qualifications quasi-parfaite : six victoires, deux nuls, aucune défaite (et encore : le match nul contre la Suède avait été entériné par l’UEFA alors que la rencontre n’était pas allée à son terme, en raison d’un attentat contre des supporteurs scandinaves à Bruxelles, le 16 octobre). Arrivé à la tête de la sélection début 2023, Domenico Tedesco avait développé un style rapide et vertical et rajeuni une équipe orpheline d’Eden Hazard, idole du football belge partie en retraite internationale. «Nous sommes à un moment de transition, avec une génération qui est seulement en train de se mettre en place. En conséquence, ici, personne ne s’attend à gagner l’Euro 2024. On pense plutôt à la prochaine Coupe du Monde, ou à l’Euro 2028», souligne Florent Malice.
Avant, il y a un huitième de finale d’Euro à disputer contre l’Equipe de France, «adversaire idéal», selon le journaliste, tant la rivalité entre les deux voisins est propice à la mobilisation générale et à l’union sacrée autour de la sélection nationale. Ce France-Belgique sera le soixante-seizième du genre en cent vingt ans d’histoire footballistique, et nul n’a oublié le soixante-quatorzième, une victoire des Bleus en demi-finale de Coupe du Monde par une soirée de juillet 2018 à Saint-Pétersbourg, qui avait alimenté la rancœur d’un côté de la frontière et les plaisanteries interminables de l’autre. En Belgique, on se dit sans doute qu’une victoire en forme de revanche contre la bande à Kylian Mbappé, elle-même pas tout à fait fringante, permettrait de réconcilier tout le monde. «Nous pouvons défier les meilleures équipes. Nous sommes prêts», a promis Domenico Tedesco.