Présidentielle en Iran : un « réformateur » en tête du premier tour malgré une abstention record
Le candidat à la présidence iranienne Massoud Pezeshkian, alors qu’il vote vendredi 28 juin 2024 à Téhéran.
Le « réformateur » Massoud Pezeshkian a viré en tête au premier tour d’une élection marquée par une faible participation. Il affrontera le candidat ultraconservateur Saïd Jalili, favori, vendredi.
Une première depuis 2005. Alors que les présidents de la République islamique sont habituellement élus dès le premier tour, il en faudra un second cette année pour trouver un successeur à Ebrahim Raissi, décédé le mois dernier dans un accident d’hélicoptère.
Comme les sondages l’avaient imaginé, Massoud Pezeshkian, seul représentant du camp pro-réforme, a viré en tête à l’issue du scrutin organisé vendredi 28 juin 2024 avec 42,5 % des voix. Il est suivi par son concurrent ultraconservateur Saïd Jalili (38,6 %) qui fait toujours figure de favori pour accéder à la fonction présidentielle.
Une faible participation
Mais la donnée chiffrée la plus marquante de ce scrutin est le taux de participation d’environ 40 % seulement. Un taux annoncé par les autorités que certains Iraniens, contactés sur place, mettent sérieusement en doute, évoquant un taux encore plus bas. Il n’empêche que jamais depuis la révolution et la mise en place du régime en 1979, l’abstention n’avait atteint un tel niveau. Déjà, lors des législatives de mars dernier, le déplacement aux urnes était resté historiquement bas (40,6 %).
En réponse aux appels à voter des dirigeants, de nombreux collectifs d’activistes et d’étudiants avaient appelé à boycotter cette élection. Sur les réseaux sociaux, le hashtag « cirque électoral » a par exemple été beaucoup repris par des internautes iraniens pour signifier leur défiance envers le pouvoir.
Une fossé entre le régime et la population
Le fossé s’est un peu plus creusé entre le régime et une majorité de sa population, notamment sa jeunesse, depuis la violente répression des manifestations qui ont suivi la mort de Mahsa Amini en septembre 2022. « Je n’ai participé à aucune élection depuis dix ans et je ne voterai pas non plus vendredi (prochain), témoigne une Iranienne d’environ 30 ans basée dans le nord du pays. Peu importe le candidat, je ne veux pas de ce système. »
Massoud Pezeshkian, qui a porté un discours d’ouverture tant en direction de l’Occident que de la société civile, parviendra-t-il à rallier une partie de ces électeurs désabusés ? Sans quoi, une victoire face au représentant du camp d’en face paraît peu probable. L’ancien négociateur du dossier nucléaire Saïd Jalili devrait bénéficier du report de voix des autres candidats conservateurs, dont celles de Mohammad Ghalibaf, arrivé en troisième position.
Le retour du courant réformateur
Reste que ce premier tour marque le retour du courant réformateur sur le devant d’une scène politique monopolisée par les forces conservatrices depuis des années. « En gros, les opposants qui avaient appelé au boycott ont gagné. Les réformistes également, car leur candidat est en tête devant deux poids lourds de leur mouvement, résume un observateur basé dans la capitale. Pezeshkian est un simple député, loin d’être une figure de son courant. » Et il n’a rien non plus d’un homme en mesure de faire bouger les lignes. Durant la campagne, l’ancien ministre de la Santé du président réformateur Mohammad Khatami n’a cessé d’évoquer sa loyauté envers le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei.