Le froid, le vent, la fonte de congères : des conditions météo difficiles en haut du Galibier
Le 23 juin, la chaussée était encore encombrée par de gros blocs de neige. (X @Jajalo_/twitter)
En haut du col, balayé par la grêle et le vent, la voirie départementale dégageait, lundi encore, des murs de neige susceptibles de déborder sur la route que le peloton va emprunter dans le froid.
Avec ses chaussettes lie-de-vin sanglées dans des sandalettes en cuir de chameau, forcément, on s'apprêtait à se payer la tête d'Uwe, un Allemand originaire de Leipzig, parvenu tout en haut du Galibier avec sa compagne Elisa. Surtout que le couple a grimpé, lundi, le col qui sera emprunté tout à l'heure par le peloton « avec des vélos de ville. On avait envie de le faire, c'est un beau challenge ! »
Au moins, Uwe n'a pas eu froid, au contraire de Gil, Arnaud et Eloi, trois Belges grelottant dans leur petit maillot de corps. Ces cyclos - plutôt en forme - ont également escaladé le « col des Guerriers » en provenance de Briançon mais ils n'avaient pas prévu les aléas climatiques. « Le véhicule qui nous accompagne est tombé en panne, nos vestes sont dedans. De vrais touristes ! », riait malgré tout Arnaud, basé à Liège. Comme tout le monde, le trio a été piégé par la pluie et le vent : « On est passé de 22 à 8 °C. » Et même moins, un peu après midi, quand une terrible averse de grêle a baissé le rideau sur toute visibilité à plus de cinq mètres. « On a été obligés de s'arrêter avec d'autres coureurs, confirme Thierry, de Surgères (Charente-Maritime). C'était trop dangereux, on ne voyait rien, il faisait 2 °C. Je n'étais pas prêt à cet orage de grêle de merde ! Je préfère les bordures de La Rochelle (rires). »
Son copain Laurent, de La Ravoire (Savoie), s'en est mieux sorti « malgré des conditions un peu apocalyptiques. On ne va pas faire la descente à fond car c'est glissant, on risque de voler. » Au pied du panneau mythique qui annonce les 2 642 mètres d'altitude, Paul et son père Stefan, barbe et maillot Molteni de dandy, ont « souffert. Tout allait bien jusqu'aux trois derniers kilomètres et la grêle. Là, c'était vraiment dur. Et j'ai tellement froid maintenant ».
Au moins, la route était dégagée, les cols du Lautaret et du Galibier annoncés « ouvert » au niveau de Serre-Chevalier. Une évidence ? Pas forcément. Il y a un mois, il neigeait encore sur le sommet et, la semaine passée, le dernier kilomètre était encore enseveli sous deux à huit mètres de neige selon les endroits. Il n'a été ouvert que le 23 juin et les flancs de colline portaient toujours les morsures des fraises à neige - les machines chargées d'ouvrir la voie. Reste de vrais murs de quatre mètres de haut et dans lesquels des supporters belges avaient planté leur drapeau, (avant sûrement de le décrocher vers 20 heures).
Vigilance particulière sur la fonte des congères
Aucun danger pour Michel et Fred (« les murs sont apposés dans le talus, ça fondra tout seul vers la mi-juillet »), deux employés de la voirie départementale qui, lundi encore, chassaient plutôt les congères plus petites et instables, transformées en coulées susceptibles de glisser sur l'asphalte. Michel gérait la circulation des voitures et des cyclos, Fred était au volant du tractopelle, effectuant des allers-retours pour creuser la neige posée sur la roche puis déverser la neige souillée et crasseuse en contrebas : « Demain (ce mardi), on sera en vigie, prêts à intervenir en cas de coulée. On va surveiller ça car le matin, on annonce un temps de merde, de la pluie. »
Le soleil devrait en revanche être de retour au passage des coureurs, qui vont devoir gérer un choc thermique décroissant vers la France : après une semaine de grand beau et des températures caniculaires en Italie, les coureurs n'auront pas besoin de gilet de glaçons, juste à tendre la main pour gratter les murs de neige endurcie. Après le torrent de la Roche-Noire, niché dans un beau camaïeu vert, le thermomètre dégringole doucement à l'approche du Souvenir Henri-Desgrange. Les risques de voir, comme à Cesenatico lors de la deuxième étape, des fans en slip de bain rouge et autres tenues minimalistes, sont limités, même si Jojo Le Clown et l'adepte de la Terre plate avaient déjà pris position au milieu des camping-cars posés sur des cales.
En revanche, Fred, après avoir raclé la route « jusqu'à zéro », a révélé les noms de « Pogi » et « Vingegaard », peintures rupestres contemporaines à peine estompées par la vigueur d'un hiver où la température est descendue jusqu'à - 15 °C. Elles rappellent leur duel de 2022 quand, lors de la 11e étape du Granon, l'équipe du Danois avait refroidi Tadej Pogacar.