Dati, Dupond-Moretti, Lescure… Ces ministres qui possèdent la binationalité
Dati, Dupond-Moretti, Lescure… Ces ministres qui possèdent la binationalité
S’il devait être nommé Premier ministre à l’issue des législatives, Jordan Bardella voudrait empêcher les Français binationaux d’accéder à certains « postes stratégiques ». Quels postes ? Le président du Rassemblement national est resté vague, alors qu’il présentait son programme à la presse, lundi 24 juin. Il a seulement précisé que cela concernerait un certain nombre de postes dans « les secteurs liés à la sécurité et la défense ».
Binationaux : les lourdes ambiguïtés du RN
Un argumentaire qui se heurte d’abord au fait que, quel que soit le nombre de nationalités, les plurinationaux sont Français. Et heureusement, être binational n’a jamais empêché personne d’accéder à des postes à responsabilités. Plusieurs ministres actuellement en poste, ou présents dans les précédentes administrations, possèdent plusieurs nationalités.
Dati, Zacharopoulou ou Dupond-Moretti
C’est par exemple le cas de Roland Lescure, homme politique franco-canadien, ministre délégué chargé de l’Industrie et candidat de la majorité dans la circonscription des Français d’Amérique du Nord. Le Garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti est, lui, franco-italien. La gynécologue et secrétaire d’État chargée du Développement et des Partenariats internationaux, Chrysoula Zacharopoulou, est pour sa part née à Sparte et possède donc la nationalité grecque.
La liste se poursuit. Rachida Dati, en fonction au ministère de la Culture depuis janvier, possède aussi la nationalité marocaine du fait de ses parents. Quant à sa prédécesseure, Rima Abdul-Malak, elle est franco-libanaise. Née à Beyrouth, elle a été forcée de fuir son pays en 1989, à l’âge de dix ans, pendant la guerre. Le secrétaire d’Etat à la Mer, Hervé Berville, a lui aussi dû quitter son pays d’origine, le Rwanda : orphelin tutsi né en 1990, il est évacué par l’armée française au début du génocide des Tutsis au Rwanda, en 1994, avant d’être adopté par un couple de Bretons.
Avec le Rassemblement national, une xénophobie d’Etat
Dans les précédents gouvernements Hollande, on peut citer plusieurs personnalités : Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale de 2014 à 2017, marocaine de naissance naturalisée française en 1998 ; le franco-espagnol Manuel Valls (ministre de l’Intérieur dans le premier gouvernement Ayrault) ; ou encore Fleur Pellerin, secrétaire d’Etat chargée du Commerce extérieur puis ministre de la Culture en 2014 sous François Hollande, née à Séoul, en Corée du Sud.
« Les binationaux sont nationaux »
«Â Le Conseil constitutionnel a déjà eu plusieurs fois l’interprétation de dire qu’il n’y a pas de distinction entre les nationaux en fonction qu’ils soient naturalisés, de naissance, de sol ou de sang. Quand on est national français, on est national français. Les binationaux sont nationaux », explique au « Nouvel Obs » Anne-Charlène Bezzina, maîtresse de conférences en droit public à l’université de Rouen (Seine-Maritime).
Interdire certains emplois aux binationaux poserait donc un problème vis-à-vis du principe d’égalité. En plus de son aspect « anticonstitutionnel », la mesure ouvrirait, selon le professeur de droit public Serge Slama, la possibilité d’un recours devant la Cour européenne des Droits de l’Homme ou le Conseil d’Etat.
Patrick Weil, historien : « Même Vichy n’avait pas osé remettre en cause le droit du sol ! »
Une telle mesure n’a d’ailleurs été instaurée que sous le régime collaborationniste de Vichy, quand la fonction publique était réservée aux personnes d’ascendance française. « Le but était d’empêcher les médecins juifs ou les avocats juifs d’exercer en France. C’était une mesure ouvertement antisémite à l’époque. »