Législatives : à Paris, une guerre surréaliste entre Rachida Dati, Gilles Le Gendre et LR
Législatives : à Paris, une guerre surréaliste entre Rachida Dati, Gilles Le Gendre et LR
Fidèle de la macronie ? « depuis 2016 », rappelle-t-il à dessein ?, le député Renaissance Gilles Le Gendre a eu la sensation d'une douche froide en découvrant que son nom ne figurait pas sur la liste des investitures du bureau exécutif de son parti pour ces législatives. La direction lui a en effet préféré Jean Laussucq, inconnu au bataillon, qui a pour lui d'être conseiller de Paris et surtout adjoint de Rachida Dati, redoutable maire du 7e arrondissement parisien.
«Ã‚ On ne m'a rien dit, j'ai découvert la nouvelle lors d'une réunion avec des militants », soupire Gilles Le Gendre, qui voit dans cette trahison de sa famille politique la signature évidente de l'actuelle ministre de la Culture, Rachida Dati, qui cherche àétendre son domaine d'influence. « Elle a une vision tribale de la politique, elle ne pense qu'aux municipales de 2026 », s'agace l'ex-député, qui juge inconcevable d'avoir choisi un candidat issu des rangs LR àson détriment.
À LIRE AUSSI Législatives 2024 : alliances et dissidences? Tour de France des candidaturesQu'à cela ne tienne : le parlementaire en campagne s'échine à se battre pour regagner son siège. Ce jour-là, devant le Lutetia, un grand Hôtel parisien, l'élu distribue des tracts à qui vient l'interpeller.
Un membre de la majorité voit « une blessure d'orgueil » dans cette volonté d'aller jusqu'au bout. Selon lui, Gilles Le Gendre avait déjà été mis de côté par sa famille politique avant même la dissolution. « Il disait à tout le monde que 2022 était son dernier mandat, donc personne ne s'attendait à le voir repartir », explique le même.
Un soutien de plusieurs cadres de la majorité
Dans cette circonscription, la deuxième de Paris, l'enjeu se trouve au centre droit de l'échiquier politique. Entre Gilles Le Gendre, Jean Laussucq et Félicité Herzog, la candidate des Républicains, la tension est forte pour savoir qui, de ces trois nuances de droite, se hissera au deuxième tour face à, probablement, la candidate du Nouveau Front populaire, Marine Rosset.
Déterminé à ne rien lâcher, Gilles Le Gendre s'est donc lancé « librement », en dissidence avec son parti. « Je suis le sortant, je suis le seul capable d'assurer le maintien dans la majorité », veut croire l'ex-député. « Il faut un macroniste d'origine, ce que je suis », pour rallier le plus possible au second tour.
À LIRE AUSSI Législatives : à Paris, la guerre des droitesChez Renaissance, en dépit de cette non-investiture qui en a surpris plus d'un, ils sont nombreux à voir en lui l'homme providentiel de la circonscription. Plusieurs poids lourds, tels l'ex-président de l'Assemblée Richard Ferrand, sa successeure Yaël Braun-Pivet, les ex-ministres Florence Parly et Agnès Buzyn, sont venus ou prévoient de venir tracter aux côtés du candidat dissident.
Mais, sur le terrain, le pari n'est pas gagné d'avance. « On n'y comprend rien », « je ne sais plus quoi penser », « trop d'étiquettes différentes », se plaignent plusieurs passants en regardant les tracts d'un air insatisfait. Des doutes et des interrogations que les équipes du candidat s'évertuent à dissiper tant bien que mal. Selon eux, la stratégie est simple : pour faire la différence, il faut mobiliser et occuper le terrain. « Il y a un regain d'attention sur Gilles, cela crée un sentiment d'attachement », veut croire Rohman Boumlih, ex-attaché parlementaire. « Sur les boucles, on est plus de 120, c'est du jamais-vu », positive même le jeune homme.
Alors, quand des militants de Jean Laussucq traversent le trottoir et arrivent à quelques mètres à peine de l'équipe du député sortant pour tracter face à elle, l'ex-collaborateur joue le pacifiste. « On s'en moque, d'eux, on a des ?illères et on bosse sur notre campagne. » À l'écouter, personne ne parle de la trahison, même pas Gilles Le Gendre, qui se dit même prêt à siéger avec Renaissance en cas de réélection. « Tout cela n'aura été que des péripéties, je fais davantage partie de la famille que la personne investie face à moi », glisse le candidat, non sans malice.
Des méthodes de voyou.Un conseiller de Félicité Herzog, candidate Les Républicains
Les proches de Jean Laussucq, eux, assument. « Le bureau exécutif l'a investi en connaissance de cause, les chefs ont décidé, Rachida n'a rien fait », balaie l'un des militants, agacé de voir les autres équipes de campagne parler autant de la patronne du 7e arrondissement. « Nous, on fait campagne sur le programme de la majorité, mais avec des couleurs locales », euphémise-t-il d'un sourire.
N'empêche que ce samedi, sur le marché Maubert, la posture passe mal. Avec Félicité Herzog, candidate Les Républicains, le ton est même monté face aux provocations d'une militante de Jean Laussucq. « Vous n'avez pas le droit de tracter ici », interpelle cette dernière. « C'est de l'intimidation à la Rachida Dati », rétorque Félicité Herzog, qui publie, quelques minutes plus tard, la scène sur ses réseaux sociaux. « Laussucq, ce n'est que la marionnette de Dati, il ne m'a même pas serré la main », regrette l'intéressée. Une honte, dénonce le candidat (fraîchement) macroniste. « Ce sont nos militants à nous qui se font agresser, pas l'inverse. » Ambiance.
À LIRE AUSSI Municipales à Paris : Rachida Dati favorite, Anne Hidalgo distancée, selon un sondageMais la défense de l'ancien membre des Républicains sonne creux dans la circonscription. Depuis deux semaines, tous ont fait les frais sur le terrain des « datistes » et de leur agressivité. « Ce sont des méthodes de voyou », cingle même un conseiller de Félicité Herzog. Venu prêter main-forte, ce dernier est surpris mais satisfait de voir la ministre de la Culture et son protégé aussi fébriles. « Elle comprend le danger. Si jamais son candidat est battu, ce sera un désaveu », présage-t-il.
Les barons de la droite en renfort
Malgré sa posture d'outsider, Félicité Herzog, écrivaine et directrice de la stratégie et de l'innovation chez Vivendi, n'en est pas moins scrutée de près. « Avec Le Gendre, tout est courtois, mais, avec Laussucq, c'est différent. Même le NFP est plus cordial », ironise la candidate.
Recueillant le soutien de plusieurs barons de la droite, encore meurtris par l'aventure personnelle de Dati ? exclue des Républicains après avoir rallié Emmanuel Macron ?, tels que François Baroin, Gérard Larcher, François-Xavier Bellamy ou encore Valérie Pécresse, la candidate y voit un trou de souris pour accéder au second tour. « Ma candidature est un peu sacrificielle, je n'ai que des coups à prendre, mais je ne peux pas rester les bras croisés », confie cette novice de la politique.
Des patrons de presse menacés
«Ã‚ Elle n'est même pas officiellement investie par le parti, cingle Jean Laussucq. Les électeurs ne doivent pas s'y méprendre, il n'y a pas de candidat LR dans la circonscription. » « Tout est fait en accord avec la direction du parti », contredit Félicité Herzog, qui avoue ne pas être officiellement investie pour des raisons purement administratives en raison des événements récents au sein de la direction LR. « C'est du détail, les électeurs ne regardent pas cela », estime la candidate, surprise de voir un tel argument émanant d'un transfuge LR?
Jean Laussucq candidat évacue les polémiques. « L'heure n'est pas aux atermoiements, l'heure est à l'unité et à l'union de tous les républicains et démocrates », dit-il, face à « une gauche unie ».
Avec toutes ces querelles à droite, on aurait presque oublié que la gauche était présente. En 2022, elle s'était pourtant hissée au second tour. Au regard de ses divisions, pas sûr que le « bloc central » et au-delà s'en souvienne?