« Ne laissons pas le contenu de nos champs et de nos assiettes à la merci du RN » : la tribune de 370 professionnels de la gastronomie
«Ã‚ Ne laissons pas le contenu de nos champs et de nos assiettes àla merci du RN » : la tribune de 370 professionnels de la gastronomie
Puisque l’acte de manger revient à « voter » trois fois par jour, nous, agriculteurs, restaurateurs, scientifiques, journalistes, entrepreneurs, professionnels de l’alimentation, ne pouvons pas nous résigner à laisser le contenu de nos champs et nos assiettes à la merci du Rassemblement national. Le 30 juin et le 7 juillet prochain, nous en appelons à voter massivement en faveur du Nouveau Front populaire, afin d’être à la hauteur de l’urgence politique, sociale et environnementale.
Notre alimentation représente la première cause de perte de biodiversité et un tiers des émissions de gaz à effet de serre. Un tiers, c’est aussi le chiffre de la production qui part à la poubelle chaque année, tandis que la précarité alimentaire progresse. Notre façon de nous nourrir constitue le principal risque pour la santé à l’échelle mondiale, selon l’Organisation mondiale de la Santé. Du côté du monde agricole, le mal-être est tristement incarné par un taux de suicide particulièrement élevé, qui peut s’expliquer par de faibles revenus, une incitation à l’endettement et l’absence de reconnaissance d’un travail essentiel pour la société. C’est dans ce contexte, peu encourageant pour la génération suivante, que la moitié des agriculteurs prendra sa retraite d’ici 2030, posant un immense défi pour notre capacité à nous nourrir.
Ces constats, ces chiffres, doivent être rappelés encore et encore. Nous, professionnels de l’alimentation, nous les vivons au quotidien. A travers les changements climatiques dans nos champs qui détruisent, font geler, sécher nos productions. A travers les maladies professionnelles et auto-immunes qui ne font qu’augmenter. A travers les études qui montrent, encore et toujours, que les écosystèmes vont de plus en plus mal et se dégradent de plus en plus vite. A travers des prix qui augmentent, une difficulté à recruter.
Pourtant, la transition alimentaire n’est toujours pas une priorité. Qu’ont fait les gouvernements successifs ces dernières décennies pour contrer ces constats maintes fois répétés, étayés de faits sociaux et environnementaux incontestables ? Rien, ou si peu. En mettant le plan Ecophyto en pause en février 2024, le gouvernement actuel a fini de démontrer son inaction en la matière.
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Du côté du Rassemblement national, ce serait un bond en arrière majeur. Si son programme nous promet « de développer les circuits courts et de lutter contre la concurrence déloyale », il n’affiche aucune mesure concrète. Pire encore, à chaque fois qu’il a fallu voter en faveur d’une évolution de notre modèle alimentaire, le parti a choisi l’opposition ou l’abstention. Le parti a fait campagne contre le Pacte vert de l’Union européenne et l’initiative « De la ferme à la table » qui prévoit de réduire les pesticides, d’augmenter les surfaces en bio et de rendre accessible une alimentation saine. Leur seule vision est de lutter contre une soi-disant « écologie punitive », revenant à démanteler les quelques mesures ayant apporté des progrès ces dernières années.
De plus, leur politique migratoire – en partie reprise par la majorité présidentielle avec la loi immigration – est irresponsable, en plus d’être moralement répréhensible. Elle est inconciliable avec le concept même de cuisine, de gastronomie, qui puise sa richesse dans le métissage et la rencontre. Elle est irréconciliable avec les valeurs de partage et d’humanité, indispensables au travail et à la vie dans nos champs, nos cuisines, nos cantines, nos entreprises. Et elle est enfin irréaliste économiquement quand on sait que 50 % des cuisiniers en Ile-de-France sont issus de l’immigration et que le secteur agricole ne peut et ne pourra se passer de ces travailleurs.
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Nous, professionnels de l’alimentation, ne pouvons nous résigner. Notre devoir est d’appeler à la conscience de toutes et tous. D’autant que les solutions à ce péril environnemental et climatique, nous les connaissons. Elles sont rappelées par les scientifiques depuis des années. Il s’agit, entre autres, de réformer la formation des agriculteurs, des restaurateurs, pour intégrer les enjeux écologiques, de soutenir massivement l’agriculture paysanne et biologique, de réformer la politique agricole commune européenne, d’interdire des pesticides d’origine chimiques dont la nocivité est démontrée, de créer une Sécurité sociale de l’alimentation…
Or, une partie de ces solutions est aujourd’hui portée par le Nouveau Front populaire. Contre la monoculture intensive, intrinsèquement dépendante des pesticides et engrais chimiques, il prévoit, entre autres, de rétablir le plan Ecophyto et d’interdire le glyphosate, de soutenir la filière bio et l’agroécologie. Contre notre modèle d’élevage, intensif au point de déséquilibrer durablement les écosystèmes, comme le rappellent tous les ans les algues vertes en Bretagne, il propose de sortir des fermes-usines et d’interdire l’élevage en cage, faisant ainsi un pas décisif vers le bien-être animal. Contre l’accaparement des ressources, le programme rend à l’eau sa place centrale dans les enjeux écologiques et de justice sociale, notamment par sa démarchandisation avec une gestion 100 % publique en régies locales, et une tarification progressive et différentielle selon les usages.
Le programme du Nouveau Front populaire constitue de loin le projet de société le plus démocratique, juste et désirable. Ne laissons pas le pays aux mains d’un parti dont les valeurs reposent sur un discours politique d’exclusion, avec des données erronées, que ce soit sur le plan migratoire ou environnemental. Au contraire, saisissons l’opportunité de faire vivre des mesures constructives, à la hauteur des enjeux.
Votons Nouveau Front populaire !
La Communauté Ecotable et le collectif En cuisine contre la loi raciste
Parmi les 370 signataires : Manon Fleury, Chloé Charles, Alessandra Montagne, Bérangère Fagart, Jennifer Hart-Smith, Justine Pruvot, Bertrand Grébaut, Fanny Giansetto et Camille Delamar (Ecotable), Alexandre Coing (Fooding), Vanessa Krycève et Alix Gerbet (Recho), Marine Mandrila et Louis Martin (Refugee Food), Marie Gérin-Jean (Ernest), Laurène Petit, Elisabeth Debourse, Emilie Laystary, Céline Maguet…