«Une consultation, un motif», cette nouvelle pratique des médecins qui dérange

«une consultation, un motif», cette nouvelle pratique des médecins qui dérange

Face à l’afflux de patients, certains médecins limitent les consultations à un seul motif médical, reléguant les autres à des rendez-vous ultérieurs.

DECRYPTAGE – Face à l’accroissement de la demande de soins, certains médecins reçoivent les malades en consultation de manière expéditive… Une habitude qui agace les patients.

«C’est cliché mais c’était vraiment mieux avant», se lamente Patricia*. A 46 ans, cette Parisienne enchaîne les médecins de la capitale pour le suivi de sa sclérose en plaques. «Il y a un véritable turn-over, j’ai changé quatre ou cinq fois de médecin traitant», soupire-t-elle. Elle peine à trouver le docteur qui lui accordera le temps nécessaire pour l’écouter. «Le mois dernier, j’ai consulté pour un renouvellement d’ordonnance et j’avais une autre demande. Mais le médecin m’a dit de reprendre rendez-vous», s’agace-t-elle. Et ce n’est pas la première fois qu’elle a affaire à un docteur qui lui dicte la règle suivante : «Une consultation, un motif.»

Une pratique qui se développe de plus en plus selon Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l’Union nationale des syndicats autonomes (Unsa). «Quand vous êtes atteint d’une affection longue durée, il arrive souvent d’avoir besoin d’un certificat médical pour la voiture, ou la carte mobilité réduite en plus de consulter pour une prise de sang», rappelle-t-il. Mais sur Doctolib, plusieurs docteurs affichent les règles du jeu : «Chaque consultation est consacrée à un seul motif, à un seul problème médical et à un seul patient», précise un médecin généraliste installé dans le 20e arrondissement de Paris. Et cette fâcheuse habitude ne se limite pas à la capitale. «Le temps de la consultation est consacré à un seul problème. Si le patient évoque plusieurs problèmes en dehors des urgences vitales, le médecin lui propose un deuxième rendez-vous», avertit un autre généraliste exerçant à Bordeaux.

Des consultations au rabais faute d’augmentation des tarifs ?

«Voilà la preuve que ces médecins ont perdu le sens de leur métier ! Ils ne considèrent la maladie que comme un moyen de gagner de l’argent», fustige Gérard Raymond, président de France asso Santé, une association représentative des patients. «Quand on met des créneaux de 10 ou 15 minutes, il est forcément impossible de faire le tour des sujets, abonde Patricia. Il y a quelques années, je passais 30 minutes avec le médecin et il me demandait même comment ça allait au travail.» Cette patiente soupçonne les docteurs «de faire payer aux malades le fait qu’ils n’aient pas obtenu la consultation à 50 euros».

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Beaucoup de médecins grincent en effet des dents à l’idée de facturer 26,50 euros à la fois une consultation de 10 minutes pour un simple renouvellement d’ordonnance et une autre de 40 minutes pour déclarer une affection longue durée du patient à l’Assurance maladie et remplir le dossier pour la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Syndicat majoritaire parmi les médecins généralistes libéraux, MG France réclame un tarif de 60 euros dédié aux consultations longues. «Il faut que le rôle du médecin traitant soit conforté», insiste sa présidente, Agnès Giannotti. Face au manque d’attractivité du métier, cette dernière n’est pas surprise de cette dérive consistant à limiter les consultations à un seul motif. «Cela se pratique surtout dans les centres de soins non programmés ou à horaires élargis car leur but n’est pas de suivre les patients au long cours», explique-t-elle.

Une mauvaise habitude des jeunes médecins ?

En matière de consultations expéditives, les jeunes médecins sont souvent pointés du doigt par leurs aînés qui étaient, selon eux, moins à cheval sur les horaires. Président du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR), Raphaël Dachicourt invite à ne pas comparer deux époques bien différentes : «Aujourd’hui, on se retrouve avec de plus en plus de demandes alors que l’offre de soins diminue. Il y a moins de médecins, les délais d’attente s’allongent, et, avec le vieillissement de la population, nous avons à traiter des patients polypathologiques», se défend-t-il.

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La jeune génération de médecins est aussi plus attachée à un meilleur équilibre entre vie privée et professionnelle, ce qui se ressent sur les horaires des cabinets. «Si on prévoit une consultation de 20 minutes, on ne peut pas décemment passer une heure. Par respect pour ceux qui attendent derrière et pour nous, qui avons aussi une vie en dehors du travail», considère le jeune généraliste installé dans une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) dans le Nord. Il invoque l’importance, pour les patients, d’être libres de choisir le médecin traitant qui leur convient. «Dans mon cabinet, on fait le pari de l’heure. Si un patient vient avec de nombreux motifs, on les hiérarchise et on prévoit d’autres consultations pour ceux qui sont moins urgents. Mais je comprends parfaitement que certains patients préféreront passer une heure avec leur docteur quitte à ce qu’il ait une heure et demi de retard sur son planning…»

Reste qu’un médecin qui consacre plus de 20 minutes à ses patients au tarif de 26,50 euros demeure une denrée rare. Excédés par l’absence de revalorisation, certains se risquent à facturer des dépassements d’honoraires sauvages. D’autres se sont carrément déconventionnés de l’Assurance maladie pour offrir «une médecine de qualité» et «redonner du sens à leur métier»… Au détriment du portefeuille des patients.

*Le prénom a été modifié

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Assurance maladie : secteur 1, 2, 3… De quoi parle-t-on ?

Dans le jargon de la Sécurité sociale, les médecins libéraux sont répartis en trois catégories distinctes. Le secteur 1, majoritairement représenté par les généralistes, regroupe les docteurs qui facturent leurs consultations au tarif servant de base de remboursement à la Sécurité sociale : 26,50 euros pour les généralistes, 31,50 euros (sauf cas particuliers) chez les spécialistes. Le secteur 2 autorise les médecins spécialistes à pratiquer des dépassements d’honoraires, avec «tact et mesure». Par exemple, un gynécologue peut facturer 90 euros au patient qui sera remboursé par l’Assurance maladie à hauteur de 70% de 31,50 euros (moins un euro de participation forfaitaire). Enfin le secteur 3 rassemble des médecins qui ont choisi de ne pas se conventionner avec l’Assurance maladie. Ces derniers fixent alors librement leurs tarifs de consultation et leurs patients ne sont presque pas remboursés. Ils perçoivent seulement un «tarif d’autorité», fixé à 0,61 euro pour une consultation chez un généraliste et à 1,22 euro pour un rendez-vous chez un spécialiste.

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