Législatives : Jordan Bardella met au clair le programme du RN, ce qu’il faut retenir de sa conférence de presse
Jordan Bardella, ce lundi 24 juin aux Salons Hoche, a présenté les priorités de son programme lors d'une conférence de presse. REUTERS/Gonzalo Fuentes
Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup, disait Martine Aubry. Taxé de changements de cap dans plusieurs domaines, le président du Rassemblement national et chef de file des candidats RN ou pro-Ciotti pour les élections législatives des 30 juin et 7 juillet, Jordan Bardella, a tenu une conférence de presse pour préciser son programme et réclamer une fois de plus aux électeurs, comme il l’avait fait dans le Parisien-Aujourd’hui en France une semaine plus tôt, d’accorder à son parti la majorité absolue à l’Assemblée.
Plus question de promettre l’irréalisable à six jours du premier tour : sur bien des sujets, le président du RN dit vouloir parer à l’urgence tout en respectant les cadres, notamment juridiques, imposés à la France. Depuis les Salons Hoche, un lieu d’évènementiel situé dans le VIIIe arrondissement à Paris, Jordan Bardella a, après un court propos politique, citant le Général de Gaulle - « La cour suprême, c’est le peuple » -, déroulé le menu des deux années et demie qu’il espère passer à Matignon pendant près de 40 minutes avant de répondre aux questions des journalistes. « Je suis le candidat de la vérité, celui qui ne promettra pas ce qu’il ne peut pas tenir », a-t-il affirmé.
Le chef de la campagne a dessiné un « premier temps », celui de « la gestion des urgences », avec la relance du pouvoir d’achat, et la reprise en main de la sécurité et de l’immigration. « Dès les premières semaines nous agirons », « la démagogie et les bonnes intentions n’ont jamais fait une politique réaliste », a-t-il prévenu, confirmant tout d’abord vouloir réduire la TVA sur l’énergie, carburant, fioul, gaz et électricité. Il n’a pas parlé d’un taux à 5,5 % mais de l’aligner sur celle des voisins de la France. Cette mesure, prise après l’élection, coûtera, a-t-il estimé, « sept milliards » d’euros jusqu’à la fin de l’année. Il a aussi annoncé le rétablissement d’un « prix français » de l’électricité, en dérogation des règles de fixation européennes. Il a aussi redit son intention d’exonérer d’impôt sur le revenu, dans le cadre du cumul emploi-retraite, les médecins qui reprendraient une activité « ,dès cet été ».
Retraite à 62 ans avec 42 annuités, sauf pour les carrières longues
Évoquant ensuite le rétablissement de l’ordre républicain « partout et pour tous les Français », Jordan Bardella a annoncé l’instauration de « peines minimales et peines plancher pour casser la récidive », de la suppression des allocations familiales aux parents d’enfants délinquants. Dans un second temps, le gouvernement fera voter la fin de l’excuse de minorité, et des centres fermés dédiés aux mineurs seront créés.
Abordant ensuite « les réformes qui ont vocation à redresser la France sur le temps long », Jordan Bardella a placé en priorité le « nécessaire projet de loi contre les idéologies islamistes ». Le droit du sol, qui veut qu’un enfant né en France de parents étrangers puisse devenir Français non pas automatiquement à la naissance mais à 13, 16 ou 18 ans, « ne se justifie plus », a-t-il redit, et il serait supprimé pour permettre une meilleure « maîtrise de l’immigration », sujet sur lequel il n’a pas annoncé d’autre mesure concrète. Dans ce chapitre, il a déroulé un peu plus tard que « certains postes dans les secteurs stratégiques liés à la sécurité ou à la défense, seront réservés aux citoyens français », et les binationaux « contractuels » en seront exclus. Cette exclusion ne concerne que « quelques postes » et est « symbolique », a-t-il reconnu après une question d’une journaliste israélienne. « Nous n’entendons pas remettre en cause la binationalité », lui a-t-il dit.
Très attendu sur le sujet des retraites, le RN ayant varié depuis la campagne présidentielle de 2022, le président du parti a précisé que sa priorité, « ce sont les carrières longues ». À partir de l’automne, a-t-il daté, ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans et pendant 40 annuités pourront partir à la retraite. « La France qui se lève tôt a droit à une retraite en bonne santé », a-t-il justifié. Pour les autres, l’âge légal sera de nouveau fixé à 62 ans, à condition d’avoir effectué 42 annuités.
Il a également annoncé deux mesures qui figuraient déjà dans le programme de Marine Le Pen pour la présidentielle de 2022, à savoir accorder une « part fiscale pleine pour le deuxième enfant » et supprimer les droits de succession pour les familles modestes.
Collège « modulaire », téléphone portable interdit dans tous les établissements à la rentrée
Afin d’« augmenter le taux d’activité des jeunes en poussant plus tôt et plus vite vers l’emploi », un « collège modulaire » sera instauré à la place du collège unique, et les « résultats du brevet pris en compte pour orienter vers l’apprentissage ». Dans le cadre du « big bang de l’autorité » qu’il souhaite, « les téléphones portables seront interdits dans les établissements scolaires dont les lycées dès la rentrée ». « On ne peut pas minimiser son impact dans les difficultés de concentration et les effets mimétiques », a-t-il reproché. De même, les professeurs devront tous être vouvoyés, et l’expérimentation du port de l’uniforme sera poursuivie. « Je suis, à titre personnel, favorable à son instauration à l’école primaire, mais aussi au collège », a-t-il ajouté.
Des « sanctions plancher » seront instaurées dans les conseils de discipline. « Nous renouerons avec le principe de la loi Ciotti de 2010, abrogée par François Hollande, de suppression des allocations et bourses en cas de perturbations graves et répétées » de la part des élèves. « Des centres spécialisés » seront réservés aux « élèves perturbateurs ou harceleurs ».
Soucieux de favoriser la croissance des entreprises alors que « la productivité du travail diminue depuis 2019, un fait sans précédent dans l’histoire de notre pays », un gouvernement piloté par Bardella lancerait « dès l’automne des États généraux de la simplification » et, « avant même leur conclusion », instaurerait une « pause dans les surtranspositions des normes européennes ». Le RN veut poursuivre l’objectif de « fiscalité de croissance » lancé par Bruno Le Maire, en rendant notamment « les impôts de production équivalents à nos partenaires européens ». La création d’un fonds souverain permettra aux Français « d’investir directement dans l’économie française ».
Il a confirmé vouloir alléger les contraintes de la loi ZAN, zéro artificialisation nette, et l’interdiction de louer ou vendre des logements avec un mauvais diagnostic de perfrormance énergétique (DPE). « Le Parlement travaillera dessus, les élus locaux travailleront, on peut envisager une rencontre avec le président de l’Association des maires de France et les exécutifs régionaux ». « Ces deux dispositions vont permettre en partie de fluidifier le marché de l’immobilier ».
La baisse des « impôts de production » se poursuivra pour favoriser la croissance
Le président du RN veut aussi permettre aux entreprises « d’augmenter les salaires sans peser sur le coût du travail et sur la compétitivité », en leur consentant des exonérations de charges pour qu’elles augmentent de 10 %, sur la base du volontariat, les salaires jusqu’à trois fois le smic (soit 4 196 euros net par mois).
À l’adresse des fonctionnaires, alors que le RN a toujours historiquement critiqué la « technocratie », notamment européenne, éloignée des réalités du terrain, Jordan Bardella a annoncé sa volonté de supprimer les agences régionales de santé, de confier la gestion sanitaire aux préfets, à l’échelle des départements, et de rétablir « la haute fonction publique », sans dire comment il ferait.
Jordan Bardella a, en réponse aux questions des journalistes, annoncé que les Outremers seraient pilotés par un ministère d’État. Favorable au dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, que le RN a voté dans l’hémicycle tout en critiquant vivement la réforme, il a affirmé que « le rétablissement de l’ordre, de la sécurité sur place, est fondamental. Nous serons amenés à un dialogue avec les différentes parties dès notre arrivée au pouvoir ».