« J’y vais tôt, pour limiter les risques » : les ficelles du RN pour coller ses affiches dans les quartiers sensibles
Mantes-la-Jolie, mardi midi. "Il y a 15 ans, ça n'aurait sans doute pas été aussi aisé", témoigne Laurent Morin, candidat aux législatives et qui colle lui-même ses affiches dans les quartiers sensibles.
À deux pas de la mosquée, en bord de Seine ou au beau milieu du secteur des Aviateurs… le Rassemblement national est partout. Depuis le début de la campagne officielle des élections législatives, les habitants du quartier du Val-Fourré, à Mantes-la-Jolie (Yvelines), ont eu la surprise de voir fleurir des affiches du RN au pied de leurs immeubles.
Ce n’était pourtant pas une évidence : s’il ne fait plus l’objet, comme dans le passé, d’un rejet radical, le parti de Marine Le Pen n’est pas forcément le bienvenu dans les quartiers populaires où il est régulièrement accusé de véhiculer des idées racistes. « Et pourtant, il faut y aller », sourit Cyril Nauth, qui se présente pour le RN dans la huitième circonscription des Yvelines.
Le candidat, ancien maire de Mantes-la-Ville (2014-2020), assure cette opération… tout seul. Une brosse à encoller dans une main, un paquet d’affiches dans l’autre, le quadragénaire ne met que quelques minutes à placarder le portrait de Jordan Bardella sur les panneaux officiels.
« À 7 heures du matin, je ne croise que des gens sympas »
« Cela demande un peu de technique, de l’expérience et de la disponibilité. Ce n’est pas forcément le cas de tous les militants qui travaillent avec moi. Donc j’y vais bien souvent tout seul, confie-t-il. Je n’ai pas peur, mais cela ne m’empêche pas d’être prudent. Je prends quelques précautions : si je vois deux ou trois personnes qui peuvent me chercher querelle, je fais semblant de téléphoner pour passer inaperçu. Et j’y vais tôt, pour limiter les risques. À 7 heures du matin, je ne croise que des gens sympas, les gens dangereux dorment ! Je n’ai jamais eu de problèmes. »
L’enseignant, qui milite depuis ses 18 ans, n’en est pas à sa première opération. Lors des élections municipales de Mantes-la-Ville, il collait lui-même son propre portrait sur les panneaux dédiés, battant la campagne avec sa vieille Citroën break.
Son collègue de la neuvième circonscription a, lui, hérité des Mureaux, une commune elle aussi « délicate » pour son parti. Et pourtant, il n’hésite pas à « coller » au cœur de La Vigne Blanche ou des Musiciens, deux cités où il ne passe pas forcément inaperçu.
« Je m’y suis rendu pas plus tard qu’en fin de semaine dernière, témoigne Laurent Morin. Nous y allons àdeux, vers minuit. Nous ne prenons pas de précautions particulières, nous n’avons jamais été embêtés. Cela correspond, je pense, àune évolution de l’électorat : on sent bien que dans toutes les couches, il y a de plus en plus d’adhésions ànos idées. Cela n’aurait peut-être pas été aussi aisé pour nous il y a quinze ans. »