A Bordeaux, Thomas Cazenave en quête d’un «sursaut républicain»
Le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, à Labège (Haute-Garonne), le 24 mai 2024.
«Ah, c’est le ministre ? Eh bien bon courage, car les gens sont un peu dГ©boussolГ©s ces temps-ci…» LancГ©e par un homme Г vГ©lo, cette phrase rГ©sume assez bien la situation. Samedi matin, sur le marchГ© de CaudГ©ran, un quartier bourgeois de Bordeaux, Thomas Cazenave et son Г©quipe alpaguent les Г©lecteurs un Г un. Et surtout, les Г©coutent.
Car ils ont besoin de parler : dans ce quartier résidentiel, on vote à droite. Mais aujourd’hui, beaucoup se sentent perdus. «Je pense que je vais voter blanc pour la première fois de ma vie», s’attriste Virginie, 65 ans, agent immobilier, en posant son panier à ses pieds, car la discussion va durer. «Je suis de droite, et je le resterai. J’ai voté Macron en 2022 pour faire barrage à Le Pen. Mais aujourd’hui, je ne sais plus.» En cause, la personnalité du président, «imbu de sa personne et assoiffé de pouvoir», et une politique sociale qu’elle ne lui pardonne pas : «Il y a des gens malheureux, même ici. Sur la place du marché, quatre ou cinq personnes dorment dans leur voiture tous les soirs. Ça ne devrait pas exister.»
«Ah, je pense que je voterai pour vous»
Pourtant, à Caudéran, Thomas Cazenave part avec un atout : tout le monde le connaît. Habitué du terrain, le ministre-candidat jongle entre Bercy et la Gironde et fait les allers-retours aussi souvent que possible. D’ailleurs, il était à Bordeaux quand il a appris la dissolution de l’Assemblée nationale : «J’étais au stade pour le match France-Canada. On a tous été surpris, il faut le reconnaître. Mais on savait qu’on devrait repartir devant les électeurs à un moment ou à un autre.» Pris de court eux aussi, les militants de Renaissance ont pourtant commencé à tracter dès lundi, et de nouvelles recrues rejoignent les rangs chaque jour. «J’ai eu une centaine de nouvelles adhésions en une semaine, et plus de 800 procurations. Contrairement aux européennes, on sent que là, ça prend», témoigne Aziz Skalli, président de Renaissance en Gironde, venu tracter aux côtés du candidat ce samedi.
Si les militants sont au rendez-vous, sur les marchés, les électeurs alternent entre colère et soutien. «C’est Cazenave ? Ah, je pense que je voterai pour vous», sourit Line, 74 ans, retraitée. Aux européennes, elle a voté Renaissance, et fera de même aux législatives. «On vient d’acheter à Caudéran. Mais si le RN passe, on quittera la France, on l’a toujours dit.» Même discours du côté de Virginie, qui veut «quitter la France si le RN arrive au pouvoir. Mais où aller ?» Philippe, 90 ans, hésite encore. Il votera «peut-être Cazenave», qu’il connaît. Ce dont il est sûr, c’est que «Macron a fait une énorme bêtise avec cette dissolution».
Le Nouveau Front populaire et le RN, les vrais ennemis
D’autres ne font pas de manière : «Le parti de Macron ? Ah non ! C’est une horreur ce qu’il a fait ! Je suis trop en colère pour vous parler», lance une passante en refusant le tract qu’on lui tend. Pour Monique, 73 ans, la colère passera par les urnes, le 30 juin : «Je ne sais plus ce qu’il faut faire, soupire-t-elle. Tout va trop vite, dans ces élections.» Comme la plupart des personnes interrogées, elle ne comprend «pas du tout» la décision de dissoudre l’Assemblée. «Macron ? C’est un fou furieux qui nous met dans une belle situation.» Aux européennes, elle a voté Bellamy. Et aux législatives, elle en est convaincue, Thomas Cazenave ne passera pas le premier tour. «Entre deux maux, RN et LFI, il va falloir choisir. J’éviterai le pire, donc je voterai RN.»
Face à des électeurs de droite inquiets et au score historique de l’extrême droite aux européennes, Thomas Cazenave se place en figure rassurante, et choisit ses ennemis : «On ne traite pas un extrême par un autre. On est une terre de modérés, et on doit le rester.» Un adage qui se vérifie de moins en moins : aux européennes, Renaissance n’affichait qu’une légère avance dans la première circonscription de Gironde (19,65 %), devant la gauche (19,59 %) et le RN (17,51 %). Mais face aux «extrêmes», les militants de la majorité présidentielle croient surtout au dialogue : «Quand on fait du porte-à-porte et qu’on dit “le diable, c’est pas Macron. C’est LFI et le RN”, il y a une prise de conscience», affirme Julie, 41 ans, militante depuis 2019. «Il faut croire au sursaut républicain. Moi, j’y crois.»