Manifestations contre l’extrême droite : à Marseille, «Voter Bardella, c’est voter Macron, expliquons-le autour de nous»
Le petit vent est parfait, ce samedi après-midi, pour rafraîchir l’atmosphère et faire voler la multitude de drapeaux déjà réunis sur le Vieux-Port. La dominante est rouge – CGT, PCF, SUD-Solidaire –, mais il y a aussi du vert écolo, du rose PS, du blanc FSU, du violet LFI, de l’orange CFDT, du bleu Unsa… La mobilisation lancée à l’appel d’une intersyndicale s’annonce prometteuse à Marseille. Il est 14h30, le carré de tête se met en ordre de marche derrière la toute nouvelle banderole : «Toutes et tous ensemble pour la paix, l’égalité, la justice sociale et la liberté.»
Une autre suit non loin, déjà bien écumée lors des mobilisations contre la réforme des retraites : «Contre le capitalisme et ses serviteurs fascistes, opposons l’unité des travailleurs pour imposer le progrès social.» «Celle-là, on la sortira tant qu’on n’aura pas obtenu satisfaction», sourit Olivier Mateu. Le score du RN n’est que le résultat de «décennies de politiques de casse sociale», répète depuis dimanche le secrétaire de l’UD CGT 13. «Il faut donc écarter l’extrême droite du pouvoir, mais aussi faire en sorte qu’on n’ait plus à l’œuvre des politiques qui entraînent ça.» Le leader syndical rejoint son poste, le cortège démarre, direction le Mucem en longeant les quais.
«On va continuer à se mobiliser»
Un vieux monsieur enroulé dans son drapeau interpelle Aurélien : «Mets plutôt un Tee-shirt rouge a lieu de ça», peste-t-il en montrant le logo de l’OM que le jeune militant arbore sur la poitrine. Le responsable de la mobilisation au sein des Jeunesses socialistes des Bouches-du-Rhône promet pour la prochaine fois, il n’a pas vraiment eu le temps d’y penser, occupé depuis dimanche à monter des réunions et rassembler les troupes au sein de la nouvelle coordination informelle créée avec d’autres jeunes militants des partis du Nouveau Front populaire. «On a l’espoir, assure-t-il, rien que cette semaine, on a été contactés par 300 personnes qui n’étaient pas militantes jusqu’à présent. On va continuer à se mobiliser et dès la semaine prochaine, organiser du tractage.» Derrière eux, plusieurs élus du Printemps marseillais, la coalition de gauche aux affaires à la mairie de Marseille, ont enfilé leurs écharpes pour défiler. Le maire Benoît Payan, lui, manifeste à Paris après avoir passé la semaine à accompagner les négociations à gauche, explique son entourage.
Lors de la manifestation ce samedi sur le Vieux-Port.
Dans le cortège, les partis politiques ont pris place derrière les groupes syndicaux. Le Parti communiste a été le plus réactif : ses militants arborent déjà des autocollants Front populaire et Rachid, 72 ans, l’a collé sur sa poitrine. Le sympathisant de toujours a bricolé un mot qu’il porte à bout de bras : «Bravo à l’unité des gauches», a-t-il écrit. Gagner, il y croit, «on en a les moyens en tout cas, pour peu qu’il n’y ait pas de bêtises comme ce matin»… Lui est «désolé» par la décision de LFI d’écarter certains de ses députés sortants dans des circonscriptions qui leur étaient pourtant attribuées. «J’espère que les efforts faits par les autres organisations de gauche aboutiront à la réintégration de ceux que l’on appelle déjà les purgés, quel spectacle navrant», souffle le retraité.
Juste derrière lui, les militants LFI n’évitent pas le sujet. Sophie, 64 ans, défend la décision de la tête du mouvement : «Vu de l’intérieur, cette décision est logique, c’est le terrain qui a fait remonter des problèmes avec ces députés, affirme-t-elle. On a besoin de gens fiables pour nous représenter. S’ils partent comme candidats dissidents, c’est eux qui en porteront la responsabilité !» Le député de la 5e circonscription, Hendrik Davi, victime de ces mises à l’écart – le mouvement a préféré présenter Allan Popelard, déjà présent sur les listes aux européennes –, a participé à la manifestation entouré de ses soutiens. Selon Marsactu, il n’exclut pas de se présenter mais «réserve [sa] réponse» jusqu’à dimanche 18 heures, espérant encore un changement de position de la direction nationale.
«Il ne s’agit pas de manifester comme des lions et de voter comme des cons»
Le cortège a déjà avalé l’ensemble des quais. Deux touristes fraîchement arrivés de Shanghai, un peu affolés, font la photo du ballon de la FSU qui a stoppé place de la Joliette, où le cortège marseillais a choisi de s’arrêter pour une prise de parole de l’intersyndicale. Tout le monde appelle à ne pas désarmer et c’est Olivier Mateu, cigarette à la main, qui conclut pour en appeler à la «responsabilité du camp des travailleurs» : «Il ne s’agit pas de manifester comme des lions et de voter comme des cons, insiste le leader syndical. Voter Bardella, c’est voter Macron, expliquons-le autour de nous, allons chercher tous les nôtres ! Le RN montre son vrai visage de capitaliste, l’extrême droite n’a jamais été aussi extrêmement de droite. Ils n’augmenteront pas les salaires, ils ne veulent plus de retraite à 60 ans, ils veulent limiter le pouvoir des syndicats… Face à cela, ce Front populaire, pour être populaire, doit être l’outil du camp des travailleurs pour gagner le changement de société. Ce n’est ni un chèque en blanc, ni une délégation de pouvoir. On va aller ensemble vers la gagne en ne renonçant à rien. Nous n’aurons que ce que nous prendrons !» La manifestation marseillaise a réuni 80 000 personnes selon les syndicats, 11 700 selon la préfecture de police. Une nouvelle mobilisation est d’ores et déjà programmée le 20 juin.