En Chine, un patron propose dix jours de «congés malheur» par an à ses salariés
Dans une entreprise de céramique chinoise, le 13 mai.
Certains jours, la souffrance psychique est telle que se sortir du lit et se rendre au travail relève de l’impossible. Mais en France comme ailleurs dans le monde, rien n’est prévu à ce sujet dans le code du travail. Seules solutions qui s’offrent aux salariés dans cette situation : poser un jour de vacances, ou demander à leur médecin un arrêt maladie. Si parler de santé mentale est aujourd’hui de moins en moins tabou, au travail, le sujet reste proche de l’impensé. Face à un supérieur hiérarchique, difficile d’évoquer la dépression, la déprime passagère ou le surmenage auquel on fait face. C’est en cela que l’initiative de Yu Donglai, fondateur de l’enseigne de supermarchés chinois Pang Dong Lai, dans la province chinoise du Henan, est inédite. Lors d’une conférence le mois dernier, celui-ci a annoncé que son personnel pourrait désormais prendre jusqu’à dix jours de «congés malheur», lorsque le besoin se ferait ressentir.
«Tout le monde connaît des moments difficiles, alors si vous n’êtes pas heureux, ne venez pas travailler», a-t-il précisé. Pour prendre ces congés, nul besoin de détailler le motif à son employeur, le secret prime. Spécificité : ces dix jours, qui s’ajoutent aux congés actuels des salariés de l’enseigne, ne peuvent être refusés par la direction ou par les managers. «Le déni est une violation», a-t-il martelé. Bien que séduisante, pas sûr que l’initiative fasse tache d’huile en France, à voir comme la gauche patine pour convaincre les parlementaires au sujet des congés menstruels.
Des cadences éreintantes
Si l’initiative est inédite, c’est aussi parce qu’elle vient de Chine, où le monde du travail tient encore largement en trois chiffres : 9-9-6. Largement controversé, ce système tacite désigne les cadences insoutenables des salariés, souvent contraints de travailler de 9 heures du matin à 9 heures du soir, et ce, six jours par semaine. Avec un total de soixante-douze heures de boulot par semaine, la pratique qui encourage le présentéisme est contraire au droit du travail chinois, qui définit la durée quotidienne de travail à huit heures maximum et une semaine de travail standard à quarante-quatre heures en moyenne.
Ces dernières années, le système est dans le viseur de la jeunesse et des salariés. Fin mars 2019, des travailleurs en informatique avaient créé un répertoire sur lequel dénoncer les employeurs qui imposent ce fameux «9-9-6». En moins de deux semaines, plus d’une centaine de noms d’entreprise avaient été inscrits sur la liste noire. En 2021, la justice se range du côté des travailleurs chinois, vent debout contre la pratique. La Cour suprême, la plus haute juridiction de Chine, ainsi que le ministère du Travail chinois ont donné raison aux dix salariés qui avaient attaqué en justice leur employeur pour non-respect du droit du travail. Bien qu’illégale, la pratique est toujours d’actualité dans certaines boîtes d’informatique ou quelques grands groupes comme Alibaba, Tencent, Huawei ou JD.com.