Le Birobidjan, tentative soviétique de pourvoir une terre promise aux Juifs

le birobidjan, tentative soviétique de pourvoir une terre promise aux juifs

La menora dorée de la gare du Birobidjan.

En 1928, quelques centaines de Juifs s’installent au Birobidjan, un territoire hostile et lointain, situé en Sibérie orientale. Ils participent, avec ferveur, au projet stalinien de les doter d’une République autonome. Mais le projet n’a jamais vraiment émergé et n’a jamais rencontré le succès escompté.

Que reste-t-il de la communauté juive du Birodbidjan, celle qui jadis épousa, avec enthousiasme, le projet stalinien de doter les juifs soviétiques d’une République autonome en Extrême Orient sibérien ? A 9000 km de Moscou, ce territoire reculé et hostile d’environ 7000 km2 (30 000 km2 supplémentaires sont recouverts par l’épaisse taïga) abrite encore quelques vestiges en dur de cette ferveur juive socialiste organisée par l’Etat soviétique.

La gare centrale du Birobidjan, d’abord, vaste bâtiment en briques rouges sur lequel trône une enseigne en russe et en yiddish, la langue officielle des lieux. A l’extérieur, une imposante menora dorée, le chandelier à sept branches utilisé lors du Shabbat. Quelques sculptures en bronze de héros populaires complètent le décor, ainsi que deux synagogues, toujours en fonctionnement. Officiellement, 8000 juifs vivent encore dans ces ruelles froides, non loin de la frontière chinoise.

Une région en déclin

Si la création de l’Etat d’Israël, en 1948, a attiré des milliers de Juifs du monde entier, dont une partie issue de la République autonome du Birobidjan, ce n’est pas le seul facteur qui permette d’expliquer le déclin de la région. L’histoire des débuts de ce projet politique et colonial est éclairante à plusieurs égards. Elle révèle les rouages du système bureaucratique stalinien hors-norme, et certains des objectifs stratégiques et idéologiques du régime soviétique. Le recensement de 1897 dénombre plus de 5 millions de Juifs dans l’Empire des tsars. Jusqu’à la révolution de 1917, au moins deux millions d’entre eux ont émigré, à la recherche d’opportunités économiques.

Au début du 20e siècle, 90% des Juifs demeurent confinés dans une zone de résidence et subissent de multiples discriminations : interdiction d’accéder à la fonction publique, numerus clausus pour les métiers de l’enseignement, conditions floues d’accès à la terre. Ils sont victimes de pogroms (agressions violentes), ce que le gouvernement de Lénine finira par dénoncer publiquement et officiellement comme un crime. La création d’une république socialiste au Birobidjan n’est pas la première tentative soviétique de donner une terre aux Juifs. Un projet a déjà vu le jour au sud de l’Ukraine, dans l’actuelle Crimée occupée. Les deux initiatives portent une différence structurelle d’importance, qui tient au fait que le projet criméen a été délégué à un organisme extérieur.

Un projet stratégique au service de l’Etat soviétique

Dès le départ, en 1927, le Birobidjan est envisagé comme un projet stratégique au service de l’appareil d’Etat soviétique. Auteur d’un ouvrage sur le sujet intitulé Territoires de l’exil juif (Desclée de Brouwer, 2012), chercheur et enseignant à l’Institut d’Etudes politique de Paris, David Muhlmann insiste sur cette dimension tactique : “En premier lieu, il s’agissait de peupler les frontières extrême-asiatiques de l’URSS face au Japon, pour contenir l’impérialisme japonais en Union Soviétique, justement”. En d’autres termes, les Juifs sont utilisés pour garder la frontière entre l’Extrême orient sibérien et l’armée japonaise, qui a envahi la Mandchourie et instauré le Mandchoukouo. Le professeur voit deux autres motivations de la part du régime.

“On peut aussi y lire la volonté d’un affichage pro-juif, qui consiste à affirmer que l’on règle la question de l’antisémitisme, en offrant aux Juifs une patrie bien à eux, avec des droits, des règles etc. Mais, et c’est là tout le paradoxe, c’est aussi une tentative de parquer les Juifs. Une sorte de ghettoïsation des Juifs dans un monde totalement invivable”. Autre paradoxe, le principe de sélection des populations écarte d’emblée le prolétariat et la jeunesse juifs, qui se trouvaient sans doute parmi les plus désireux de participer à la conquête du Birobidjan. Avant même qu’il ne se concrétise, le projet semble volontairement tué dans l'œuf. A plusieurs milliers de kilomètres de la capitale et du centre de l’Union soviétique, quelques centaines de premiers immigrants débarquent dès l’année 1928, dans des conditions folkloriques. Après quatre semaines de voyage en train, rien n’a été prévu pour leur arrivée, pas la moindre isba, des petites maisons en bois propres aux paysans russes. Les terres marécageuses ne sont pas cultivables. 80% de la population vit de l’agriculture, et aucun investissement d’ampleur n’a été (et ne sera) impulsé par l’Etat pour remédier à ces difficultés. David Muhlmann indique que la moitié des 631 premiers colons repartirent avant la fin de l’année 1928, dépités par ces mauvaises conditions.

"Vanter la création d'un Etat juif-socialiste"

Pourtant, Joseph Staline espère l’installation de 100 000 Juifs, ce que la propagande officielle met habilement en scène. “Les brochures essayaient de comparer la situation du Birobidjan avec celle de la Palestine, en arguant qu’en Extrême Orient, il n’y avait pas de populations locales, ce qui n’était pas vrai d’ailleurs. Quelques milliers de Coréens, de Chinois et de tribus mongoles se trouvaient déjà sur le territoire. Ils insistaient sur le fait qu’il n’y ait pas de conflit. Le slogan consistait à vanter la création d’un Etat juif-socialiste, et non un avant-poste de l’impérialisme occidental, pour reprendre la terminologie socialiste”, se souvient le professeur Ber Kotlerman, directeur du centre Rena Costa d’Etudes yiddishes à l’Université israélienne de Bar Ilan. En plus d’être un spécialiste de la littérature juive, Kotlerman a passé une partie de son adolescence au Birobidjan. Chaque année, sa famille part en vacances à Vladivostok, sur la mer du Japon. L’hiver, les températures glaciales offrent aux enfants la possibilité de pratiquer divers sports de glisse.

Le caractère socialiste du projet peut aussi se lire comme une volonté de concurrencer les nouveaux arrivants en Palestine, depuis la fin du XIXe siècle, afin de planter les premières graines du projet sioniste théorisé par Theodor Herzl. Le yiddish, un mélange d’allemand et d’hébreu parlé en Europe de l’Est, devient la langue promue et officielle, afin de fabriquer une identité distinctive des Juifs du Birobidjan. “Les années 1930 sont celles de la Grande Dépression aux Etats-Unis, alors il fallait faire croire que la vie en Union Soviétique était meilleure. La littérature et les journaux abreuvaient les lecteurs d’une rhétorique prétextant que les Soviétiques étaient supérieurs. Cela peut paraître stupide aujourd’hui, mais ça a un peu fonctionné. Les gens arrivaient exaltés, emballés, ils chantaient des chansons”, poursuit Ber Kotlerman depuis Ramat Gan, en Israël.

Des objectifs démographiques jamais atteints

Malgré les ambitions staliniennes, la population juive du Birobidjan n’a jamais dépassé les 50 000 individus à sa plus haute affluence. En 1936, ils sont 8344 immigrants, ce qui paraît bien maigre au regard de la population soviétique de l’époque : 162 millions de personnes selon le recensement officiel de 1937, qui envoya ses artisans au Goulag (leurs résultats n’atteignaient pas les objectifs affichés du régime de 170 millions d’individus). A l’autre bout du pays, l’installation des Juifs sur les terres lointaines du Birobidjan ne les a pas non plus protégés des grandes purges staliniennes, organisées entre 1936 et 1939, apogée du totalitarisme stalinien.

“Staline n’a jamais vraiment eu envie que ça marche. De surcroît, à la fin des années 1930, on assiste à une exacerbation de son antisémitisme, parce que l’Union Soviétique aussi est en difficulté. Le Birobidjan a servi de parfait bouc émissaire, et Staline y a imputé l’idée d’une contre-révolution”, ajoute David Muhlmann, qui résume le paradoxe du Birobidjan ainsi : “C’est une pure production de l’Etat stalinien, et ça n’a jamais été une envie des Juifs. On a mis les Juifs en avant pour pavoiser face au fascisme et au sionisme, puis pour les accabler par la suite”.

En 1948, 30 000 Juifs sont recensés au sein de la République autonome du Birobidjan, dans un climat de terreur et de hausse des purges. La même année, le contexte international change, la guerre froide a déjà commencé. Tout en éliminant les Juifs sur son territoire, le gouvernement soviétique se déclare favorable à la création de l’Etat d’Israël, pour d’abord tenter de s’en faire un allié face aux Américains. Mettant un coup d’arrêt quasi-définitif à la Sion soviétique qui avait timidement émergé.

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