Rencontre avec les Libertines : “La scène, c’est un lieu très intense, une libération immense”

Régénéré et réconcilié, le groupe le plus fiévreux du rock anglais actuel revient avec un quatrième album prenant, à la hauteur de son panache. Retrouvailles avec Carl Barât et Peter Doherty, chanteurs, guitaristes, songwriters et amis qui aiment terminer les phrases de l’un et l’autre.

Harper’s Bazaar : Il y a toujours un côté très britannique dans votre musique, comme chez The Clash et The Kinks. Etes-vous conscients de cette forte identité ?

Peter Doherty – Je ne sais pas si c’est une malédiction ou un super-pouvoir avec lequel on est nés.

Carl Barât – Le hasard de ta naissance dicte toute ton existence. Pour moi, l’anglicité, c’est d’abord mon vocabulaire. C’est à travers cette langue que j’ai appris à m’exprimer, à réfléchir, à être confronté au monde. Mais je ne voudrais pas paraître trop hautain et existentialiste.

PD – Non, c’est une belle réponse !

Le livre et le documentaire qui viennent de sortir au sujet de Peter se focalisent beaucoup sur les frasques. La musique passe-t-elle parfois au second plan de votre vie ?

PD – Oui. Ça m’arrive de ne pas écouter beaucoup de musique pendant des semaines, ou de ne pas en jouer. Après une période comme ça viennent en général deux ou trois jours intenses, où je suis complètement immergé dans mon obsession pour la musique, nouvelle ou ancienne. C’est une phase très inspirante qui finit par passer. Je ne me suis jamais considéré comme musicien : je ne sais pas déchiffrer une partition. À l’exception des moments où je suis en contact direct avec la musique ou entouré de musiciens, je peux facilement en être détourné par ma vie, surtout depuis que j’ai un bébé (une petite fille née en mai 2023, ndlr) et des chiens qui me prennent tellement d’énergie ! Et toi, Carl ? C’est une bonne question.

CB – En un sens, la musique est ma foi et on peut parfois se détacher de nos croyances. Quand on y revient enfin, ces retrouvailles sont splendides ! On se demande alors pourquoi on n’a pas continué à faire ça pendant tout ce temps, mais je pense que ça fait aussi partie du processus. Les pauses sont nécessaires pour maintenir un tel niveau de passion.

Votre carrière musicale de plus de vingt ans vous rend-elle fiers ?

CB – Je crois que je ne me suis jamais autorisé à être fier, ce qui ne veut pas dire pour autant que je ne le sois pas. Si je dois y réfléchir, je suis bien sûr fier de la musique qu’on a réussi à faire depuis tout ce temps.

PD – Peut-être que cette idée de ne pas pouvoir voir ou ressentir cette fierté, ou d’attacher beaucoup de valeur à ce que tu fais, c’est justement ce qui te nourrit en permanence en tant qu’artiste. Ne pas se sentir complètement épanoui, ça te pousse toujours à aller de l’avant. A ton avis, de quoi on devrait être fiers ? Il y a quand même des choses qui me remplissent de chaleur et de tendresse : par exemple, quand je rencontre des gens qui ont été inspirés par des morceaux qu’on a écrits. C’est vraiment important pour moi et ça me touche profondément. Mais la fierté est un péché ! (sourire) Si j’y cédais trop, je deviendrais une horrible personne vaniteuse, du genre : “Je suis tellement génial, mec !”.

CB – Ça doit être agréable, non ? (rires)

rencontre avec les libertines : “la scène, c’est un lieu très intense, une libération immense”
Les membres de The Libertines, en concert au Barfly Club de Cardiff, dans le cadre de leur toute première tournée en Angleterre, en juin 2002. Rob Watkins/Alamy/Abaca

Vous pouvez être fiers d’avoir perduré en tant que groupe et de continuer à composer de nouveaux morceaux au lieu de vous contenter de tourner sur votre ancien répertoire. Sur votre nouvel album, vous avez inclus un vieux trésor caché, Songs They Never Play on the Radio, tout comme vous aviez fait sur l’album précédent avec la chanson You’re My Waterloo. Pourquoi avez-vous eu envie de donner une deuxième chance à ces raretés restées inédites ?

PD – Pour moi, elles n’ont jamais été dissimulées. Je les trouvais si belles, si importantes à mes yeux, que j’ai toujours espéré trouver le moyen de les mettre en valeur pour qu’elles brillent enfin.

CB – C’est comme si elles s’étaient enfin échouées sur la plage après une marée. Sur Shiver, il y a plusieurs phrases qu’on voulait mettre en chanson depuis des années. Parfois, on sent que c’est le bon moment.

PD – Oui. Les toutes premières strophes de Shiver : “The last dream of every dying soldier / I’ve seen you there / Flowers in your hair”. Ces paroles viennent de la toute première fois où on s’est assis ensemble pour composer, le même jour où on a écrit une partie de The Good Old Days et une chanson intitulée Albert qui n’a jamais été enregistrée ni terminée. (A Carl) C’est aussi ce soir-là que tu m’as joué France la première fois.

CB – Et The Domestic.

PD – Oui. Donc réussir à concrétiser un morceau comme Songs They Never Play on the Radio, c’est très puissant émotionnellement.

Les autres morceaux de votre nouvel album sont-ils beaucoup plus récents ?

CB – Oui, des bébés d’un an à peine.

PB – I Have a Friend, Be Young et Mustangsont vraiment très récents. The Last Feel-Good Song of Summer est une chanson qui n’a finalement pas trouvé sa place mais qui sera en bonus sur une édition japonaise.

Comment vous sentez-vous sur scène ces temps-ci ?

PD – Je te mets au défi de me regarder droit dans les yeux quand je joue et de me dire ce que je ressens, parce que je n’en sais rien. J’essaie d’exprimer ces paroles qui sont ma vie, toutes mes envies, tous mes amours…

Vous sentez-vous encore connectés à tous vos anciens morceaux ?

PD – Trop, même ! Je ne peux pas les jouer avec indifférence, comme si c’était une simple performance.

CB – J’ai besoin de vivre chaque mot que je chante, sinon j’aurais l’impression de tricher vis-à-vis du public. La scène, c’est un lieu très intense.

PD – Une libération immense. Après avoir chanté un genre de monologue shakespearien sur Time for Heroes, je peux me lancer dans un super solo à la guitare et ça me procure une sensation incroyable, meilleure que n’importe quelle drogue. Meilleure que tout, en fait.

rencontre avec les libertines : “la scène, c’est un lieu très intense, une libération immense”
Virgin Records

Album All Quiet on the Eastern Esplanade

(Virgin/Universal), disponible.

En concert le 17 mai à Saint-Brieuc (Festival Art Rock), le 28 juin à Clermont-Ferrand (Festival Europavox) et le 17 août à Charleville-Mézières (Festival Cabaret Vert).

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