« Kremlin Leaks » : ce que l’on sait du vaste plan de propagande russe dont les détails ont fuité

Le média estonien Delphi a révélé ce lundi 26 février des documents de l’administration russe. AFP

Un milliard pour manipuler l’opinion ? Selon le média estonien Delphi, qui a travaillé en collaboration avec un consortium international de journalistes d’investigation, les autorités russes auraient mobilisé une enveloppe de 1,1 milliard d’euros pour constituer un vaste réseau de propagande. Le projet viserait trois axes majeurs : l’élection présidentielle russe, la guerre de l’information et la propagande dans les territoires occupés d’Ukraine. L’enquête s’appuie sur la fuite d’une série de documents de l’administration russe, dont les plus récents datent de décembre 2023.

Enjeu majeur pour le Kremlin, la réélection de Vladimir Poutine le 17 mars prochain est au cœur de ce projet de propagande. Ce ne sont pas moins de 740 millions d’euros qui auraient été déboursés en vue de l’échéance électorale. Ce budget aurait notamment servi à la commande d’ « études sociologiques » tenues secrètes et destinées à sonder au mieux la société avant l’échéance électorale.

VIDÉO. « Nous aussi avons des armes capables d’atteindre des cibles sur votre territoire », menace Vladimir Poutine

L’un des documents prévoit, sur ordre de Poutine, la surveillance des employés du ministère russe de l’Éducation et l’identification parmi eux de « leaders d’opinion ». D’autres documents préconisent l’organisation de concours « pour stimuler la participation des enseignants aux élections » ou encore un club de « dialogue ouvert » qui permettrait aux leaders d’opinions de rencontrer des étudiants et des enseignants.

Une grande attention au divertissement

Le soutien à Vladimir Poutine passerait également par des sommes importantes investies dans le secteur du divertissement afin de mettre en avant « les valeurs traditionnelles du pays » au cinéma, à la télévision ou sur Internet.

Une quinzaine d’organisations auraient ainsi reçu près de 600 millions d’euros après de produire des contenus en ce sens. C’est notamment le cas de l’Institut du développement de l’Internet (IRI), qui aurait reçu plus de 400 millions d’euros depuis 2023.

Cet organisme fondé en 2015 produit notamment des films, des séries, des applications ou des jeux mobiles à destination des jeunes. Selon les Kremlin Leaks, l’IRI aurait préparé un document intitulé « contenu créatifs de campagne », qui détaille la douzaine de film, séries, pièces de théâtre, émissions et projets musicaux qui « créeront un contexte émotionnel propice à l’élection présidentielle ». Parmi ces productions, la série « République démocratique allemande », qui met en scène un officier des services de renseignements russes durant la Guerre froide, serait directement inspirée du passé de Vladimir Poutine.

Au-delà des contenus de divertissement, la propagande russe se fait aussi à travers un soutien conséquent à certaines figures médiatiques. Selon l’un des documents, le propagandiste russe Vladimir Soloviev aurait perçu 15 millions d’euros en 2023 et pourrait recevoir 30 millions d’euros pour l’année 2024. En janvier 2023, ce présentateur télé et radio avait appelé à mener « des frappes préventives contre la France » en raison de l’envoi par l’État français de matériel militaire en Ukraine.

Contrôle des territoires occupés

Dans les territoires ukrainiens occupés, le contrôle de l’opinion passe par une censure sur Internet. D’après les Kremlin Leaks, le gouvernement de Vladimir Poutine financerait un système de blocage d’Internet nommé « système automatisé de sécurité d’Internet » (ASBI). Ce système doit permettre de « résister à la diffusion d’informations interdites (…) dans les nouveaux territoires ».

En parallèle, un organisme contrôlerait plus de 52 millions de profils issus des réseaux sociaux de résidents des zones occupées. Selon l’enquête, 1,6 million de ces profils seraient considérés comme dangereux par le Kremlin et placés sous surveillance constante.

Ces révélations interviennent alors que le président russe s’est vanté, ce jeudi lors de son discours, de l’avancée de ses troupes en Ukraine.