Une ancienne élève en prépa Saint-Cyr dénonce “la misogynie ambiante et l’omerta” du monde militaire

L’Académie de Saint-Cyr Coëtquidan fait face à plusieurs accusations d’abus sexuels et de misogynie depuis plusieurs mois. Trois enquêtes ont été confiées à la gendarmerie après des signalements effectués par l’école elle-même. RMC a pu recueillir le témoignage d’une ancienne élève d’un lycée militaire, qui dénonce plus globalement le sexisme ambiant de ce monde.

Agressions sexuelles, harcèlement et misogynie ambiante…. L’école militaire de Saint-Cyr (Morbihan) a récemment été épinglée par FranceTV. Trois enquêtes ont été confiées à la gendarmerie après des signalements effectués pour des “faits de nature sexuelle commis au sein de l’institution”, a indiqué le parquet de Rennes ce jeudi 18 avril 2024.

Des membres de l’école militaire de Saint-Cyr défilent le 14 juillet 2017 sur les Champs-Elysées (photo d’illustration).

Alors que la parole se libère, RMC a pu s’entretenir avec Annie (dont le prénom a été modifié), une ancienne élève d’un des six lycées militaire français qui dispose d’une prépa pour intégrer Saint-Cyr. Elle dénonce globalement la réalité du monde militaire. Un monde qu’elle décrit comme sexiste.

“Ce qui se passe à Saint-Cyr, c’est le reflet de l’ensemble de l’armée”, ressent celle qui décidera plus tard de ne pas intégrer l’Académie. De 2017 à 2019, dans son lycée, la jeune femme a vécu un “harcèlement quotidien de la part des garçons de sa classe”.

“Je me suis reconnue dans l’enquête (de FranceTV, ndlr) et dans ce que les victimes décrivent. C’est exactement ce que moi, j’ai vécu: la misogynie ambiante et l’omerta qui a autour”, précise Annie.

Des valeurs problématiques

“Ça pouvait devenir vraiment méchant avec des remarques et une réputation de filles faciles, de ‘pute’. Mais ce qui ne me pesait le plus au quotidien, c’était qu’on me dénigre scolairement parlant et qu’on refuse d’accepter que j’étais la meilleure de ma classe”, poursuit-elle.

Mais la goutte d’eau viendra en fin d’année, lorsqu’elle est supposée, avec quatre autres filles, faire partie de la garde au drapeau: un honneur réservé aux meilleures élèves.

“Pour le lycée, cette Garde est constituée de six personnes issues des trois meilleurs de chaque classe de première année, et j’en faisais partie”, explique-t-elle.

“Mon année, il s’avère qu’on était quatre filles parmi ces six personnes, et notre chef de corps, qui était particulièrement misogyne, a dit a notre commandant de compagnie qu’il ne voulait qu’une seule fille à la prochaine cérémonie. Là, je me suis dit que je voulais absolument partir, je ne voulais plus vivre ça. C’est complètement injuste, on a toutes mérité d’être là”.

La hiérarchie militaire lui demande alors de se taire, pour ne pas briser les carrières des élèves harceleurs. À cause de tout cela, Annie a rapidement décidé de ne pas intégrer Saint-Cyr à la fin de la prépa, bien qu’admissible. La jeune femme dénonce aussi des valeurs et des mentalités problématiques, au-delà de la misogynie.

“Un jour, en classe, un des garçons, très croyant et tradi, a dit que si jamais il avait un enfant homosexuel, il le tuerait de ses propres mains. Voilà le genre d’idée qui circule. Il y avait également un suprémaciste blanc et aujourd’hui ces gens-là sont peut-être lieutenant, voir plus”, conclut-elle. Si, elle, a dû renoncer à son rêve, ses harceleurs, eux, ont intégré l’Académie de Saint-Cyr Coëtquidan.