"Sous la Seine" sur Netflix : est-ce qu'on pourrait vraiment retrouver un requin dans la Seine ?

“Sous la Seine” sur Netflix : est-ce qu’on pourrait vraiment retrouver un requin dans la Seine ?

Béluga, orque, rorqual… On a déjà vu des mammifères marins qui n’avaient rien à y faire s’aventurer dans la Seine. Et si c’était un requin qui s’incrustait dans les eaux parisiennes, pour semer la terreur ? C’est le point de vue du film à suspens “Sous la Seine”, un genre de remake français des “Dents de la Mer”, qui sortira sur Netflix le 5 juin prochain. On a demandé à une experte des requins si ce scénario catastrophe était possible.

Une compétition de natation dans la Seine, à Paris. Ça ne vous rappelle pas quelque chose ? Si la principale peur, à l’approche des Jeux olympiques de l’été 2024, est que des nageurs soient infectés à cause d’une eau contaminée par une bactérie, le film “Sous la Seine”, qui sortira le 5 juin sur Netflix, propose un autre scénario terrifiant. Un requin géant et féroce, qui se serait faufilé dans le fleuve, menacerait de transformer l’épreuve de triathlon en bain de sang. La plateforme de streaming a dévoilé les premières images du thriller du réalisateur Xavier Gens, un expert des films d’action (Hitman, Gangs of London), qui promet de faire sursauter les spectateurs, façon “Les Dents de la Mer” à la française. Mais au fait, un requin dans la Seine, est-ce vraiment possible ? Nous avons posé la question à Fabienne Rossier, présidente de Shark Mission France, une association de protection des requins.

Un requin pourrait-il survivre dans la Seine ?

On retrouve toute sorte de gros poissons dans les eaux floues de la Seine. Les plus massifs restent les silures, ces poissons à la taille colossale (les plus gros ayant été pêchés dans le fleuve font plus de 2 mètres) qui sont réputés dangereux parce qu’ils se peuvent se nourrir de tout, tant d’oiseaux d’eau que de rongeurs… ou de petits chiens. Mais on retrouve aussi parfois dans le fleuve des animaux marins, qui n’ont rien à y faire. Souvent, ce sont des phoques qui se perdent dans l’Estuaire de la Seine, entre Le Havre et Honfleur, en Normandie, et qui remontent le cours d’eau trop loin. On se souvient aussi de la découverte, en 2022, d’une orque, d’un rorqual mais aussi d’un béluga, qui avaient succombé à leur aventure loin de leur environnement naturel. La pollution sonore due à un chantier marin fait partie des pistes pour expliquer pourquoi leur capacité à se repérer dans l’espace a été perturbée. En tout cas, les malheureuses bêtes, adaptées à un habitat marin uniquement, ont été retrouvées désorientées, et ne sont de toute façon jamais remontées jusqu’à Paris même, du fait des nombreux barrages et obstacles.

L’hypothèse du requin bouledogue

Il semble ainsi peut probable qu’un requin puisse fait le voyage depuis l’Estuaire normand jusqu’à Paris. Encore moins d’être suffisamment en forme pour créer des incidents, nous explique Fabienne Rossier. “Il y a plus de 500 espèces de requins qui existent, et on continue à en découvrir, mais il y a très peu d’espèces capables de vivre dans l’eau de mer, et dans l’eau douce. Le plus emblématique, c’est le requin bouledogue.” Ce dernier, présent un peu partout dans les eaux chaudes du monde, est à l’origine de plusieurs accidents, notamment à la Réunion, dans l’océan Indien, ou en Nouvelle-Calédonie, dans l’océan Pacifique. Avec ses 4 mètres de long en moyenne et ses 300 kg, ce requin est apparenté au requin-tigre et au requin blanc. Ces trois espèces sont d’ailleurs à l’origine de la majorité des attaques mortelles.

Ce sont des requins qui peuvent vivre en haute mer, mais aussi se rapprocher des côtes. “Les femelles bouledogues vont donner naissance dans des rivières, en eau douce, car il y a moins de prédateurs, ce qui améliore la survie des petits, détaille la présidente de l’association. Une fois qu’ils ont grandi, après plusieurs mois, les petits ont la capacité de retourner en mer, car ils peuvent réguler leur taux de sel selon s’ils se trouvent dans l’eau salée, ou dans l’eau douce.” On n’en trouve cependant pas en Méditerranée, ni dans l’Atlantique, selon l’experte. “Même s’il y a un réchauffement des océans, pour des raisons géographiques, je vois mal comment ce requin pourrait atterrir dans la Seine. Le dérèglement climatique a un impact sur la migration de certaines espèces, mais ça reste dans la même zone, sur quelques centaines de kilomètres tout au plus, mais pas sur des milliers et des milliers de kilomètres”, explique-t-elle.

Existe-t-il des requins d’eau douce ?

Dans le film de Xavier Gens, le requin recréé par des effets spéciaux ressemble plutôt au grand requin blanc que l’on voit souvent dans ces films de genre. Mais sa survie dans la Seine “serait tout bonnement impossible” affirme Fabienne Rossier, du fait de son absence de capacité d’osmose, ou de régulation de la salinité. Un autre requin des mers capable de s’adapter à l’eau salée est le requin du Groenland. “On retrouve dans le fleuve du Saint-Laurent, au Canada, par exemple, ou en Arctique, dans des eaux très froides, rien à voir avec la Seine.” Mais il y a bien un requin qui serait capable de vivre uniquement dans la Seine, et pourquoi pas à Paris. Petit problème, il se trouve… en Inde. Il s’agit du requin du Gange. Mais cette espèce reste rare et très menacée. “Alors à moins d’en prélever un et de le mettre dans la Seine, je ne vois pas bien comment on peut faire”, ajoute la spécialiste.

Y a-t-il des requins dans la Manche ?

En France métropolitaine, il y a bien des requins. Il en existe une cinquantaine d’espèces différentes, surtout en Méditerranée, mais il y en a aussi bien sûr dans l’Atlantique, et dans la Manche. Il y a des roussettes, ces mini-squales de moins d’un mètre qui se retrouvent parfois au menu des cantines scolaires et sur les étals des poissonniers. Mais aussi des mastodontes, comme le requin-pèlerin, qui peut atteindre plus de 10 mètres de long, et que l’on retrouve surtout sur les côtes bretonnes, même s’il est sur la liste rouge des espèces menacées. Plus au sud de la France, des baigneurs peuvent apercevoir des requins peau bleue, qui peuvent faire jusqu’à 4 mètres. Enfin, le requin-taupe (maximum 3,5 mètres), qui préfère les eaux chaudes, semble de plus en plus se rapprocher de la Bretagne. Si elle ressemble au requin blanc, cette espèce menacée n’a jamais causé d’incident.

Les requins ne sont pas dangereux : ils sont nécessaires à notre survie, et il faut les protéger

Si vous ne voyez pas beaucoup de requins sur les côtes françaises, ce n’est donc pas parce qu’il n’y en a pas. “Oui, ils se raréfient, notamment à cause de la pêche (la France est le 13eme pays qui pêche le plus de requins au monde) et des accidents de filets ou de palangre, mais ils sont surtout très craintifs vis-à-vis de l’humain”, explique encore l’experte. “Ils nous perçoivent très bien grâce à leurs sens incroyables, notamment grâce aux ondes, et vont se tenir à distance. Quand on les voit, ce sont des animaux malades, désorientés, ou parfois de petits juvéniles qui s’aventurent de manière fugace près des côtes méditerranéennes.” Ainsi, même s’il vaut mieux éviter de s’approcher de cette espèce sauvage, car on ne sait jamais comment un animal en mauvais état pourrait réagir, les requins ne sont pas agressifs. “On ne court aucun risque à croiser un requin. Ils peuvent vous confondre avec une proie si vous êtes un plongeur qui se balade avec des poissons à l’agonie autour de la taille, mais c’est tout. Si on était vraiment un mets de choix pour eux, il y aurait beaucoup plus d’incidents qu’il y en a actuellement”, ajoute-t-elle, tout en déplorant les choix des fictions qui surfent sur cette peur ancestrale des hommes pour les requins.

Il s’agit bien évidemment d’une fiction. Mais elle rappelle qu’il existe une véritable méconnaissance du public vis-à-vis des requins, qui tuent en moyenne seulement dix personnes par an dans le monde, et qui donc restent moins dangereux que les chiens (40 000 décès par an) ou que les moustiques (700 000 morts via des maladies). Même les guêpes et les abeilles, qui tuent une quinzaine de personnes par allergie chaque année, sont plus mortelles.

Ce qui nous permet de respirer sur Terre, c’est toute cette chaîne alimentaire des océans, dont le requin est le premier maillon.

Aujourd’hui, pourtant, ces créatures qui vivent sur Terre depuis 400 millions d’années, et qui ont survécu à cinq extinctions de masse, sont en train d’être petit à petit disséminés, à cause de la pêche intensive. La population mondiale des requins et des raies océaniques a diminué de 71 % entre 1970 et 2018, selon WWF. Un requin doit en effet attendre minimum une dizaine d’années pour pouvoir se reproduire, ce qui rend difficile la préservation des espèces, la plupart du temps incapables de s’accoupler en captivité. Les requins, selon Shark Mission, sont pourtant absolument nécessaires à l’équilibre de l’écosystème, et même à notre vie sur Terre. “Ce grand prédateur des océans a non seulement un rôle d’éboueur, car il débarrasse l’environnement des cadavres, des poissons malades, mais il régule des espèces qui proliféreraient sans lui. Ces dernières se nourrissent d’autres proies, jusqu’à arriver au phytoplancton, qui produit 70% de l’oxygène que l’on respire. Ce qui nous permet de respirer sur Terre, c’est toute cette chaîne alimentaire des océans, dont le requin est le premier maillon. S’il n’y en a plus, les prochains, c’est nous.” C’est pourquoi des associations œuvrent sensibiliser la population et défendre ces espèces contre la pêche, et notamment le “finning”, le commerce des ailerons. Une pratique controversée qui perdure dans l’Union européenne, puisque cette dernière est l’une des premières importatrices.

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