Narendra Modi : en Inde, des élections qui pourraient finir de faire basculer complètement le pays

narendra modi : en inde, des élections qui pourraient finir de faire basculer complètement le pays

Comment ces élections en Inde peuvent permettre à Modi de parachever son inquiétant projet

ÉLECTIONS – Près d’un milliard de citoyens appelés aux urnes ne suffisent plus pour qualifier l’Inde de plus grande démocratie au monde. Du 19 avril au 1er juin, le pays dirigé par le Premier ministre Narendra Modi choisir ses députés dans une élection géante. Au total, 15 millions d’agents électoraux sont mobilisés dans plus d’un million de bureaux de vote.

Mais les résultats qui devraient être dévoilés le 4 juin ne font guère de doute. Le parti nationaliste hindou de Modi, le BJP (Bharatiya Janata Party) devrait l’emporter assez largement. Et faire basculer résolument le pays ? Selon les derniers sondages le parti du peuple pourrait atteindre le seuil des 400 députés, ce qui lui donnerait toute latitude pour réformer la Constitution.

Une possibilité qui, comme nous vous l’expliquons dans notre vidéo en tête d’article, nourrit de nombreuses inquiétudes alors que Narendra Modi a sapé depuis dix ans les piliers de l’équilibre des pouvoirs. Au point que le chercheur spécialiste de l’Inde, Christophe Jaffrelot, n’hésite plus à parler dans un article d’autoritarisme électoral : « il y a des élections, certes, mais l’État de droit est en voie de disparition ».

Oppositions et justice affaiblies

De fait, depuis 10 ans, au service de son projet nationaliste, Narendra Modi a méthodiquement affaibli les contre-pouvoirs. Les partis d’opposition sont régulièrement visés par des enquêtes.

Arvind Kejriwal, l’un des responsables de la coalition d’opposition INDIA, formée pour rivaliser avec Modi, a même été arrêté en mars pour des soupçons de pots-de-vin. Rahul Gandhi, le chef du parti du Congrès, a déploré de son côté un gel de ses finances. À cela s’ajoute par exemple que 143 des 192 députés d’opposition ont été exclus du Parlement en décembre dernier.

Peu ou prou, les institutions font face à la même pression et des soupçons pèsent même sur la Commission électorale chargée de valider l’élection. Autre exemple, en 2017, la Cour suprême a cédé, malgré ses réticences, sur les obligations électorales, qui permettaient un système de financement occulte des partis. L’instance est finalement revenue en février dernier sur sa décision mais entre-temps le BJP aurait amassé jusqu’à 700 millions d’euros de donations anonymes. L’opposition dénonce, elle, un scandale mêlant des entreprises visées par des enquêtes financières pour blanchiment d’argent et des dons colossaux au BJP.

Fin du pluralisme

Du côté des médias, l’Inde est à la 162e place du classement de Reporters sans frontières, derrière, le Pakistan. Alors que le gouvernement n’hésite pas à demander la suppression de contenus qui le dérangent sur les réseaux sociaux, NDTV, dernière chaîne critique du gouvernement, a été rachetée en 2023 par Gautam Adani, proche du Premier ministre.

De quoi continuer à diffuser sans crainte la propagande gouvernementale sur la bonne santé économique du pays et ses 7 % de croissance. La réalité est moins chatoyante : le taux de chômage a atteint 8,3 % en décembre, son plus haut niveau depuis 1945 tandis que 800 millions d’Indiens vivent avec l’aide alimentaire. Quant aux éventuelles manifestations, elles sont réprimées.

En parallèle, Modi sature l’espace public avec son image, et une communication contrôlée. Il a même fait installer des cabines à selfie dans tout le pays pour se photographier à côté d’une reproduction carton grandeur nature de sa personne. Se plaçant « au-dessus », il ne donne aucune conférence de presse. Une aura quasi religieuse qu’il cultive à dessein. À cet égard, l’inauguration du temple d’Ayodhya en janvier a fait de lui l’une des plus grandes figures religieuses du pays.

Quant aux milices suprémacistes hindoues, elles continuent de s’en prendre violemment, et avec la tolérance des autorités publiques, aux musulmans, relégués au rang de sous citoyens. Des violences qui prennent aussi une forme politique, avec par exemple, la révocation en 2019, du statut d’autonomie du Cachemire indien, à majorité musulmane, ou plus récemment l’adoption d’une loi qui facilite l’accès à la citoyenneté de minorités confessionnelles mais en exclut les musulmans.

La Constitution concentre les craintes

Dans ce contexte démocratiquement affaibli, dont les exemples ci-dessus ne sont qu’une partie visible de l’iceberg, l’opposition fait campagne sur le thème de « sauver la démocratie ». Elle craint que Narendra Modi profite d’un éventuel blanc-seing par les urnes pour refonder la Constitution. Le leader dément mais des leaders et proches du BJP nourrissent la conversation.

«Ã‚ Il veut créer l’Hindu Rashtra, un régime sociopolitique où les minorités seront forcément des citoyens de seconde zone, où un État unitaire sapera définitivement le fédéralisme (…) où le Parlement sera la chambre d’écho du gouvernement et où le pouvoir judiciaire sera marginalisé (…) C’est la limite de cette autocratie : le dirigeant a besoin de la légitimité issue des élections pour l’emporter sur les autres centres de pouvoir, y compris le pouvoir judiciaire », analyse Christophe Jaffrelot dans The Diplomat.

L’idée circule par exemple de renforcer la centralisation et d’affaiblir les pouvoirs régionaux où l’opposition résiste mieux au BJP, notamment dans le sud du pays. Des proches du gouvernement parlent aussi la « décolonisation » de la Constitution héritée de l’indépendance de l’empire britannique. En creux surtout, l’opposition craint que le Premier ministre ne gomme les références à la laïcité et au multiculturalisme et fasse de l’Inde une République nationaliste hindouiste, en droit.

À voir également sur Le HuffPost :

En Inde, la BBC perquisitionnée après un documentaire critique sur Narendra Modi En Inde, un pigeon accusé d’espionnage a enfin été libéré

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