SNCF: pourquoi l'accord sur la cessation progressive d'activité avant la retraite fait polémique

Une paix sociale achetée à prix d’or? Alors que les syndicats contestataires de la SNCF faisaient planer des menaces de grève pour les ponts de mai, voire pendant les Jeux olympiques, un accord sur la cessation progressive d’activité des cheminots a été trouvé.

Et il semble très généreux. La preuve? Il a été validé par les quatre syndicats représentatifs de la compagnie ferroviaire, même le plus radical (Sud-Rail), chose très rare dans l’histoire de la SNCF.

Mais si le consommateur peut se réjouir que le spectre des grèves s’éloigne, le salarié du privé pourra dans le même temps s’interroger sur les mesures accordées aux cheminots, qui semblent en contradiction avec la récente réforme des retraites qui oblige à travailler deux ans de plus pour obtenir une pension complète.

sncf: pourquoi l'accord sur la cessation progressive d'activité avant la retraite fait polémique

Les cheminots sur les voies de gare de Lyon, le 28 mars 2023

Que contient cet accord?

La question de la cessation anticipée de l’activité, notamment pour les conducteurs et les contrôleurs (chefs de bord) était au cœur des revendications depuis plusieurs années déjà, l’accord en place datant de 2008 étant jugé obsolète à la suite de différentes réformes des retraites adoptées depuis.

De fait, aujourd’hui, l’âge moyen de départ d’un salarié SNCF est de 59 ans et 7 mois, mais il recule de plus en plus sous l’effet des différentes réformes. Un scandale pour les syndicats compte tenu de la pénibilité de la plupart des métiers de l’entreprise.

Concrètement, l’accord qui s’appliquera l’an prochain, prévoit entre autres une amélioration du dispositif de retraite anticipée, en particulier pour les cheminots ayant occupé des postes à la pénibilité avérée.

Ces derniers, dont font partie les conducteurs, pourront entamer une “cessation anticipée d’activité” 30 mois avant leur retraite avec 15 mois travaillés rémunérés à 100% et 15 mois non travaillés rémunérés à 75% avec une sur-cotisation de l’entreprise permettant de ne pas perdre de trimestres.

Pour les contrôleurs, le dispositif est encore plus avantageux avec une cessation d’activité s’étalant sur 36 mois dont 18 mois non travaillés rémunérés à 75%.

D’autres dispositions dans l’accord sont prévues sur le temps partiel de fin de carrière, rémunéré 10% de plus que le temps réellement effectué. La direction a également proposé la création d’un échelon d’ancienneté supplémentaire pour améliorer la rémunération des cheminots en fin de carrière.

Le dispositif s’applique à condition d’avoir 15 ans minimum dans l’entreprise.

Une victoire pour les syndicats à double titre

Le rapport de force est aujourd’hui clairement du côté des syndicats, notamment à cause de la perspective des JO et à la suite des récentes grèves massives qui ont fait beaucoup de dégâts. La direction de la SNCF devait obtenir la paix sociale, coûte que coûte.

C’est également une victoire face au gouvernement qui a fait adopter dans la douleur sa réforme des retraites. L’accord permet “de compenser en partie les effets néfastes de la réforme des retraites”, se félicite auprès de l’AFP le secrétaire fédéral de SUD-Rail, Erik Meyer.

“Ils (les cheminots, NDLR) se sont massivement mobilisés contre cette réforme. Ils ont ainsi contraint le gouvernement à enjoindre aux employeurs d’ouvrir des négociations sur les fins de carrière”, ajoute la CGT Cheminots, qui parle de “victoire”.

Un scandale pour l’opposition

La signature de cet accord apparaît comme une forme d’injustice vis-à-vis des actifs du privé et du public qui sont concernés par la réforme des retraites, même si la pénibilité spécifique et avérée de nombreux cheminots (horaires décalés, de nuit, travail le week-end, pendant les vacances, absence du foyer, responsabilités…) doit être prise en compte.

Mais pour l’opposition, il s’agit clairement d’un privilège catégoriel accordé aux cheminots, alors que la réforme des retraites avait également pour but de liquider les fameux régimes spéciaux et de faire des économies.

“À défaut d’avoir instauré une culture du dialogue social avec les syndicats, le gouvernement cède sur tout. Dans le cas de la SNCF, cela remet en cause les efforts de la dernière réforme des retraites”, lance Jean-François Husson, rapporteur du budget au Sénat (LR).

“C’est une issue lamentable”, tonne Bruno Retailleau, le chef de file des sénateurs LR. “C’est un accord qui détricote consciencieusement les acquis de la réforme des retraites. C’est envoyer un très mauvais signal. Celui qui consiste à dire qu’on peut partir, être payés pour ne rien faire dans une entreprise publique sous l’autorité de l’État.”, poursuit-il.

La droite pointe également le coût de cette mesure. “Ça va se chiffrer en dizaines de millions d’euros: un coût que va encaisser la SNCF et qui va se répercuter sur le coût du train. Il ne faut pas s’étonner si, aujourd’hui, les billets de train sont chers”, estime Bruno Retailleau.

Pour la direction, un investissement

Au contraire, pour la direction de la SNCF en général et son PDG, Jean-Pierre Farandou en particulier (qui joue également son renouvellement à la tête de la maison), cette signature prouve que sa nouvelle méthode de dialogue social fonctionne.

“Ce lundi 22 avril, nous avons collectivement démontré que cette culture du compromis peut être une réalité à la SNCF, que le dialogue social y est porteur de droits nouveaux pour tous”, explique-t-il.

Traduction: en discutant, les syndicats obtiennent des mesures, en faisant la grève avant même de négocier, la marge de manœuvre sera plus réduite.

Au lieu de parler de coûts, Jean-Pierre Farandou met en avant les bénéfices sur le long terme d’un tel accord: moins d’absentéisme, plus d’engagement. Il rappelle que “l’absentéisme demeure tributaire de l’environnement de travail et de la pénibilité ressentie”.

Cet accord peut également constituer un argument pour recruter des jeunes (point délicat à la SNCF) refroidis par la disparition des avantages liés au recrutement au statut.

Enfin, comme le rappellent nos confrères de “Ville, Rail et Transports”, la signature de cet accord ne préfigure en rien son utilisation effective par les cheminots. La cessation progressive d’activité de l’accord de 2008 n’était utilisée que par 12% environ des cheminots.

D’ailleurs, l’accord “ne me choque pas”, estime François Delétraz, le nouveau président de la FNAUT (Fédération nationale des associations d’usagers de transports).

“Cela diminue la conflictualité, et pour ces métiers pénibles, la SNCF a des problèmes de recrutement. Son intérêt, c’est que les gens travaillent un peu plus, de faire travailler les gens 18 mois de plus quitte à ce qu’ils soient payés 18 mois derrière pour partir en retraite doucement à cause de la difficulté du métier”.

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