Quand les nouvelles technologies permettent de faire renaître des photographies du XIXe siècle

Une photo avant après l’utilisation du daguerréotype.

Populaires pendant environ vingt-cinq ans seulement durant les années 1800, les daguerréotypes étaient des photographies uniques, dont il n’y avait pas de négatifs. Or, des chercheurs annoncent avoir développé une nouvellement technique d’imagerie permettant d’en restaurer les clichés les plus abîmés. Et ainsi, de dévoiler des détails précieux sur la vie d’il y a deux siècles.

Au XIXe siècle, le peintre français Louis Daguerre (1787-1851), inspiré par les travaux de son contemporain l’ingénieur Nicéphore Niépce (1765-1833), commercialise l’une des premières formes de photographie : le daguerréotype, consistant alors, comme l’indique le site L’histoire par l’image, “à fixer l’image positive obtenue dans la camera oscura [“chambre noire”] sur une plaque de cuivre enduite d’une émulsion d’argent et développée aux vapeurs d’iode”. Pour la toute première fois, le procédé permet d’obtenir une “reproduction directe et précise de la réalité”, d’une grande netteté.

Le daguerréotype est en revanche complexe, et nécessite des temps de pose relativement longs – d’une quinzaine de minutes par temps clair en 1839 à une minute par la suite –, rendant difficile la capture d’objets en mouvement. Rapidement, des techniques photographiques plus pratiques le remplacent. Et les clichés issus du procédé, stockés dans les greniers, ont progressivement perdu de leur superbe, jusqu’à ce que leur précieux contenu se retrouve presque effacé, semble-t-il à jamais.

Une approche nouvellement développée pourrait toutefois permettre de leur redonner, en quelque sorte, leur “fraîcheur” d’antan. Dans le Journal of Cultural Heritage de mai-juin 2024, les chercheurs de l’université Western Ontario (Canada) présentent une technique – “l’imagerie par synchrotron” – permettant de recréer des images à partir de photographies anciennes et gravement endommagées. Un procédé dont l’utilisation pourrait être étendue à d’autres artefacts historiques et fossiles, affirment-ils.

Révéler le non-visible : la puissance de l’imagerie par synchrotron

L’imagerie par synchrotron est une technique avancée d’imagerie, employant des rayonnements électromagnétiques produits par des accélérateurs de particules, les fameux synchrotrons. Ces derniers permettent de générer des faisceaux de rayonnement très intenses et très focalisés, qui permettent de sonder la structure et la composition de la matière à des échelles microscopiques, voire atomiques.

En ajustant la longueur d’onde et d’autres paramètres des rayonnements synchrotron, les chercheurs peuvent ainsi obtenir des informations détaillées sur la composition chimique, la morphologie et d’autres caractéristiques des échantillons qu’ils étudient. C’est ce qui fait de la technique un outil précieux dans tous les domaines scientifiques, de la recherche médicale à l’archéologie, “de l’observation des tissus à la science des matériaux”, notent les auteurs de la nouvelle étude dans un communiqué.

Ainsi, le professeur de chimie Tson-Kong Sham et ses collègues ont récemment développé, dans les laboratoires de la Canadian Light Source de l’université de la Saskatchewan (Canada), une nouvelle technique d’imagerie synchrotron. Elle s’est avérée précieuse pour la restauration et la présentation des daguerréotypes affectés par la corrosion – due, sans doute, à une détérioration naturelle et lente mélangée à des tentatives de nettoyage. Et ce, peu importe à quel point la surface de l’image était dégradée, tant que les particules d’image sous le ternissement étaient restées intactes.

Éclairer le passé tout en pensant la préservation future

Des photographies anciennes gravement détériorées, appartenant à des collectionneurs privés et à la National Gallery of Canada, ont ainsi été redécouvertes. Notamment, les images d’un homme et d’une femme habillés à la mode des années 1850 ; ou encore d’un bébé enveloppé dans des couvertures (cf. vidéo YouTube ci-dessous). “Révéler des images qui semblaient perdues pour toujours est ce qu’il y a de plus excitant, s’enthousiasme Tson-Kong Sham. Nous obtenons un aperçu de personnes vivant au XIXe siècle que nous n’aurions pas autrement et apprenons sur leur histoire et leur culture.”

Parce que les rayons X synchrotron sont très réglables, leurs capacités combinées pourraient permettre un “véritable changement de paradigme, surtout pour l’étude d’artefacts ou de fossiles présentant une détérioration de surface sévère”, est-il ajouté dans la publication. Pour cause, ils peuvent détecter n’importe quel élément, ainsi que sa place dans l’échantillon, même dans l’imagerie couche par couche. “Dans le cas d’un matériau déjà corrodé, vous pouvez apprendre quel est le produit de cette corrosion et sa distribution à la surface, puis vous pouvez réfléchir à la manière de prévenir cette corrosion.”

Comme seul point noir, ces nouvelles recherches montrent aussi que les précieux rayons X synchrotron aidant à “voir” à travers la corrosion peuvent aussi – indirectement – conduire à endommager les plaques des images. Pourtant, ils ne détériorent généralement pas visiblement les métaux. “Peut-être que les impuretés chimiques ou la corrosion elle-même sur le daguerréotype ont été chauffées et ont laissé une petite marque là où le faisceau de rayons X a traversé”, suppose le Pr Tson-Kong Sham.