Puppy yoga : « C’est du cirque »… Derrière le côté mignon de la pratique, des risques pour la santé des chiots

Faire une séance de yoga entouré(e) de jeunes chiens. La pratique séduit mais s’avère néfaste pour ces animaux, alertent plusieurs professionnels

Puppy Yoga

Témoignages – Faire une séance de yoga entouré(e) de jeunes chiens. La pratique séduit mais s’avère néfaste pour ces animaux, alertent plusieurs professionnels

Dans la droite ligne des bars à chats, le puppy yoga étend son territoire. Bien aidés par les réseaux sociaux et les médias, les cours proposés voient leur nombre grandir à Paris, mais aussi dans le reste du pays. Le concept est simple : faire du yoga entouré(e) de petits chiens (puppies en anglais) présents dans la pièce. Quoi de plus propice au bien-être qu’un moment de relaxation avec de petites boules de poils ?

Un cocktail alléchant… en apparence. Car loin des publications idylliques sur les réseaux sociaux, des témoignages recueillis par 20 Minutes de professeurs, de participants ou de professionnels de la protection animale alertent sur les risques que cette pratique pour les animaux.

Trop de sources d’anxiété pour les chiots

Pour s’assurer d’un instant « tout mignon-craquant », il faut que les chiens soient petits. Très petits. Selon la responsable d’une structure contactée par nos soins, ils sont âgés de huit à douze semaines. Les structures les plus « souples » pousseraient jusqu’à cinq mois. Cette limite de huit semaines n’est pas choisie au hasard : c’est l’âge auquel un chiot commence à être sevré et peut être vacciné.

«Р’В MГЄme vaccinГ©s, des chiots de huit semaines restent trГЁs vulnГ©rablesР’В Р’В», prГ©vient LoГЇc Dombreval, docteur-vГ©tГ©rinaire et prГ©sident du Conseil national de protection animale. Selon lui, rien dans le puppy yoga ne peut convenir Г  ces animauxР’В : environnements inconnus, lumiГЁres, sons, odeurs corporelles. « Ce sont autant de sources dРІР‚в„ўanxiГ©tГ© intense pour des chiots qui ne sont encore que des bГ©bГ©s, alerte-t-il. Et je ne parle mГЄme pas du transport.Р’В Р’В» Les chiots nРІР‚в„ўappartiennent en effet pas aux structures de yoga et sont le plus souvent louГ©s Г  la journГ©e Г  des Г©leveurs et des particuliers.

Un rythme incompatible

Les structures mettent en avant – sur leurs sites internet ou dans leur communication – « le bien-être » de ces animaux et leur « sociabilisation ». Des arguments battus en brèche par le vétérinaire. « C’est une fumisterie. La sociabilisation d’un chiot, elle se fait d’abord par sa mère. Or, les demi-journées à enchaîner les séances de yoga sont justement des séparations extrêmement longues. »

Pire, ces séances seraient dangereuses : « Des chiots de huit semaines ont besoin de 16 à 20 heures de sommeil par jour, comme des bébés humains. Parce que leur cerveau est encore en pleine croissance et c’est à ce moment que se forment les connexions nerveuses. » Un rythme incompatible avec les séances d’autant que selon les professeurs contactés, la plupart des participants viennent pour avoir la chance de caresser et de jouer avec les chiots plus que pour la pratique du yoga en elle-même.

Des risques de troubles comportementaux

Ces mêmes professeurs avec lesquels 20 Minutes s’est entretenu évoquent des cas de chiots réveillés et stimulés pour faire plaisir aux participants, qui paient plusieurs dizaines d’euros pour en profiter. Certaines structures éviteraient même de nourrir et de donner à boire aux jeunes animaux pour éviter qu’ils ne fassent leurs besoins pendant les séances.

De quoi, selon Lorène Jacquet, responsable Campagnes et Plaidoyer à la Fondation Brigitte Bardot, provoquer des troubles comportementaux : « On risque de voir des chiots développer des troubles comportementaux d’anxiété, de propreté, d’hyperattachement à l’humain ou même de propreté. »

Les risques de l’adoption « coup de cœur »… qui mène à l’abandon

Et la santé n’est pas seule en jeu, selon cette spécialiste de la condition animale. Car pour les « loueurs » de chiens, c’est aussi une formidable opportunité de business. Quoi de mieux qu’une belle séance de yoga avec une petite boule de poils pour forcer l’adoption/achat ? « Cela permet aux éleveurs de créer le coup de cœur chez des personnes qui ne sont pas dans une démarche d’achat », explique-t-elle. Avant de mettre en lumière le principal risque qui en découle : l’abandon. « Encore une fois, l’animal est vu comme un objet. Un actif pour faire des affaires ».

Loïc Dombreval y voit plus qu’une simple coïncidence avec l’interdiction, depuis le 1er janvier 2024, de la vente de chiens et chats en animalerie : « C’était une invention marketing de professeurs de yoga qui peinent à émerger dans leur secteur. C’est devenu une formidable arnaque pour des éleveurs qui essaient qui poussent à “consommer de la mignonnerie” pour vendre leurs animaux. » Au passage, la Fondation Brigitte Bardot met en garde les éleveurs et leur rappelle que la législation les oblige à sécuriser la vie et le parcours de leurs chiots.

Aucun contrôle pour le moment

Contacté sur ce sujet, le ministère de l’Agriculture répond que le puppy yoga « est assimilable à une activité de présentation de chiots au public qui entre dans le cadre du code rural et de la pêche maritime (CRPM) ». Ce qui oblige les structures à se conformer à des règles sanitaires et de protection animale. Par exemple, au moins une personne en contact direct avec les animaux doit justifier d’une certification professionnelle reconnue par le ministère.

Mais le puppy yoga étant une activité récente, aucun contrôle n’a encore eu lieu, précise le ministère. « Le problème, c’est que le règlement ne peut pas anticiper autant d’absurdité », fulmine Loïc Dombreval. Lui comme la Fondation Brigitte Bardot appellent les amateurs de yoga et d’animaux à ne pas mélanger les choses : « Si vous aimez les animaux, ayez conscience que même dans les meilleures conditions possibles, ce type d’activité ne peut pas être bon pour eux. Si vous voulez voir des animaux, allez dans un refuge, faites une formation de soigneur. Mais ne participez pas à ce cirque. »

Et le yoga, dans tout ça ? Parmi les professeurs ayant participé à ce type de séances que 20 Minutes a contacté, les avis sont unanimes : la présence des chiots et la durée des séances (en moyenne 20 minutes avant de se concentrer sur les animaux) sont incompatibles avec la pratique du yoga, qui demande intériorisation et concentration. La Fédération française de Yoga est plus laconique : « Ce n’est pas du yoga. »

TempoPuppy Yoga : On a testé le yoga avec des chiotsTempoLe beer-yoga, la tendance insolite où l’on enchaîne des positions de yoga en buvant des coups