La Russie est en difficulté, depuis que l’Union Européenne se sèvre de son gaz naturel.
L’invasion russe en Ukraine a marqué un coup d’arrêt aux importations européennes de gaz russe. Une perte que Moscou tente de compenser en se tournant vers Pékin – mais la manne chinoise n’est pas à la hauteur des revenus tirés de l’Europe autrefois.
Le fracas de l’invasion russe en Ukraine n’a pas tardé à laisser émerger cette question : quid de la sécurité énergétique en Europe, alors que le gaz russe dominait jusqu’alors le marché des importations (et dans une large mesure) ? Force est de constater que sur le papier l’Union européenne a plutôt bien relevé le défi : entre 2021 et 2023, la part russe dans les importations de gaz sur le Vieux continent est passée de 40% à 8%, selon les chiffres de la Commission européenne.
Un effort colossal qui, certes, continue de donner de sacrées sueurs froides aux dirigeants occidentaux craignant des coupures massives l’hiver, mais pénalise également la Russie, et le joyau de son économie, Gazprom. Ainsi, les revenus russes liés au gaz ont diminué de 45% entre les cinq premiers mois de 2022 et les cinq premiers mois de 2023, analyse Eurostat. Un bilan inquiétant pour la Fédération.
Un partenariat chinois peu lucratif
Assez inquiétant pour que la Russie cherche un autre partenaire pour remplacer l’Union européenne, et elle n’a pas eu à chercher bien loin.
“En peu de temps, la Chine a remplacé l’Union européenne en tant que premier acheteur d’énergie et fournisseur de biens de la Russie, donnant à cette dernière à la fois des liquidités et les produits manufacturés dont elle a besoin pour survivre”, notaient les analystes Yanmei Xie et Thomas Gatley dans une note pour la société d’études économiques Gavekal en février, que nous rapportions.
Si la Russie fournissait seulement 16,5 milliards de mètres cubes de gaz naturel à la Chine en 2021, ce chiffre a grimpé à 22 milliards en 2023, rapporte Le Grand continent sur des données de Bruegel. Mais, note le média, cela ne suffit pas à combler le vide laissé par la chute des exportations vers l’Union européenne (de 155 milliards de mètres cubes en 2021 à 27 milliards).
D’autant que cette nouvelle alliance paye mal. L’augmentation des exportations de gaz naturel vers la Chine s’avère ainsi bien moins lucratif pour Moscou que ses anciennes ventes à l’Ouest.
Cette année, le ministère de l’Économie russe, dans des perspectives consultées par Bloomberg, prévoit que le prix des exportations de gaz vers la Chine sera de 257 dollars pour 1 000 mètres cubes. En comparaison, les quelques flux de gaz russe qui continuent d’irriguer les marchés occidentaux se chiffrent à 320,30 dollars les 1 000 mètres cubes. Les prix du gaz pour le pays asiatique devraient rester jusqu’à 28 % inférieurs à ceux des autres clients européens de la Russie, et ce au moins jusqu’en 2027.
Une solution pour renflouer les comptes de Gazprom consiste dans l’augmentation progressive du gaz vendu au voisin chinois, fût-il moins rémunérateur. Ainsi, le gaz russe, acheminé vers la Chine par le biais du gazoduc Power of Siberia, augmentera en 2025 son débit jusqu’au maximum prévu : 38 milliards de mètres cubes.
Les deux pays discutent également d’une nouvelle liaison Power of Siberia 2 qui porterait les livraisons de Gazprom à un total de 98 milliards de mètres cubes par an. Toutefois, note Bloomberg, même si les projets se concrétisent et que les trois gazoducs fonctionnent à pleine capacité, ils ne transporteront qu’environ la moitié de ce que la Russie envoyait vers l’Europe avant la guerre en Ukraine.
GNL : les coupes de Biden et l’inquiétude américaine
Pour compenser la perte de revenu liée à l’opération de sevrage de l’Union Européenne en gaz russe, Moscou entend également s’appuyer sur les exportations de Gaz naturel liquéfié (GNL), dont l’acheminement se passe de gazoducs. Selon l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA), les livraisons de GNL russe à l’Europe ont augmenté de 11 % entre 2021 et 2023.
Et le plus gros importateur de ce gaz est… la France. Ainsi rapporte Politico, d’après les données du Center for Research on Energy and Clean Air (CREA), au cours des trois premiers mois de 2024, les livraisons de GNL russe en France ont augmenté plus que vers tout autre pays de l’UE. Au total, Paris a versé plus de 600 millions d’euros au Kremlin pour des livraisons de gaz depuis le début de l’année.
Forte de cette nouvelle poule aux œufs d’or, Moscou compte bien jouer à fond la carte du GNL, notamment via la construction de son projet Arctic LNG 2, censé permettre à la Russie d’atteindre 15 à 20% de la production mondiale de GNL d’ici 2035, face à ses concurrents américains, qataris et australiens.
Assez pour devancer les États-Unis, plus grand exportateur de GNL vers l’Europe (47% du volume de GNL total selon Statista) ? Peut-être, craignent les détracteurs des annonces de Joe Biden en janvier, actant le gel des octrois de permis pour de nouveaux terminaux américains d’expédition de GNL vers l’Europe. Une décision au nom de l’environnement, décriée par ceux qui s’inquiètent de voir l’Europe forger envers la Russie une nouvelle dépendance au GNL.
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