En Irlande, une compagnie de liquidation traque les avions russes pour les clouer au sol

Un avion de la compagnie aérienne Aeroflot (image d’illustration)

La rupture des liens entre Moscou et l’Occident a causé des pertes considérables à de nombreux investisseurs étrangers. Une compagnie irlandaise a entrepris d’exploiter les défauts de paiements d’entreprises de fret russes pour saisir leurs navires et avions à l’étranger.

Traquer la position des avions est devenu une arme redoutable ces dernières années. Plusieurs internautes s’en sont servis afin, entre autres, de vérifier la position de l’avion d’Elon Musk pour pointer du doigt ses micro-déplacements (comme un vol de 9 minutes en 2022) ou encore surveiller les déplacements du yacht de Bernard Arnault dont le bilan carbone en un mois (1250 tonnes) équivaut à la consommation de 125 Français par an.

Mais traquer des appareils peut aussi s’avérer utile face à la Russie, soumise depuis son invasion en Ukraine à une interdiction de survol de l’espace aérien de l’Union Européenne pour ses avions immatriculés comme russes, rappelle le Conseil Européen. Ces derniers ne peuvent par ailleurs pas atterrir dans les aéroports des pays de l’UE.

Des actifs accessibles en Occident

C’est ici que Teneo entre en scène : selon Bloomberg, cette compagnie de liquidation basée à Londres et Dublin s’est spécialisée dans la traque des avions russes, qu’elle tente d’immobiliser afin de rembourser les créanciers des compagnies propriétaires.

Ses clients ? Des créanciers occidentaux de la compagnie russe GTLK, une entreprise d’État qui achète avions, navires, camions…. Pour les louer à des compagnies aériennes ou de fret. L’entreprise possède deux branches succursales européennes en Irlande, qui elles-même détiennent certains des nombreux contrats de location de GTLK, auprès de transporteurs tels qu’Aeroflot, EasyJet et Emirates.

Et c’est une chance, pour les créanciers clients de Teneo, car les dettes contractées par les entreprises russes auprès de compagnie occidentales sont devenues difficiles à se faire rembourser, depuis l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine en 2022 : les entreprises russes qui paient leurs dettes ne le font qu’en rouble sur comptes en Russie, inaccessibles à cause des sanctions. Faute de mieux, de nombreux investisseurs ont vendu leurs obligations à perte.

Donc le fait que GTLK possède des actifs hors de Russie, accessibles, change la donne. Une sacrée donne : la compagnie doit 1 milliard 64 millions d’euros à ses créanciers occidentaux.

Localiser les avions à liquider : la chasse au trésor

Dans un ingénieux calcul, Attestor Ltd, une entreprise anglaise, a racheté les obligations impayées de GTLK, et, en compensation des dettes non remboursées, a demandé la liquidation des actifs de l’entreprise “accessibles” (situés hors de Russie) : des avions, des navires, des camions. Pari gagnant : en 2023, un tribunal de Dublin a désigné deux membres de l’équipe de Teneo comme liquidateurs des filiales en Irlande de GTLK, selon Reuters.

La Cour a listé les actifs à liquider : 70 avions et 19 navires avec 21 preneurs dans 13 pays… Encore faut-il les trouver ! C’est ce à quoi s’emploient Teneo. Jusqu’à présent, les enquêteurs ont réussi à retrouver 30 avions dans plus d’une douzaine de pays, dont la Chine, le Qatar, l’Espagne et les États-Unis. Ils ont également localisé trois navires de croisière dans l’Arctique, dont un amarré en Uruguay et deux qui ont été vendus alors qu’ils étaient en construction dans un chantier naval d’Helsinki, avant que les liquidateurs ne soient nommés, ce qui a permis aux créanciers de toucher une partie du produit de la vente. Reste maintenant pour Teneo à vendre les appareils en sa possession, ce que l’entreprise fera au second semestre 2024 d’après Bloomberg.