Manque de données, risque de contaminations, divergences politiques… Les NGT, nouveaux OGM, divisent l’Europe

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Libération

En plein mouvement de colère des agriculteurs, une nouvelle aberration environnementale mène sa barque dans les instances européennes. Les membres de la commission Environnement du Parlement européen ont voté mercredi 24 janvier en faveur d’un assouplissement des règles sur les biotechnologies génétiques, pour favoriser l’émergence des «nouveaux OGM». Semences plus résistantes à la sécheresse, aux insectes ou aux maladies, blé pauvre en gluten… autant d’horizons ouverts par ces végétaux modifiés, dont les risques sur la santé et l’environnement sont encore mal connus. On fait le point sur ce sujet.

Les NGT, c’est quoi ?

Sobrement appelées «nouvelles techniques génomiques» (NGT), celles-ci recouvrent une myriade d’outils modifiant le matériel génétique des plantes sans ajout extérieur – contrairement aux organismes génétiquement modifiés (OGM) «transgéniques».

Concrètement, Bruxelles propose de distinguer deux catégories de NGT. Le premier groupe serait constitué des végétaux ayant subi moins de vingt modifications génétiques. Ces plantes présentant des modifications susceptibles de se produire naturellement ou via des croisements traditionnels seraient considérées comme équivalentes aux végétaux conventionnels, et simplement enregistrés dans une base publique, sans plus de surveillance.

L’obligation d’étiquetage spécifique ne concernera que les semences. Les députés souhaitent tout de même que la Commission européenne rende compte de la perception de cette catégorie de produits génétiquement modifiés par les consommateurs et les producteurs… sept ans après leur entrée sur le marché. Les plantes modifiées selon d’autres modalités, elles, entreraient dans la deuxième catégorie et seraient soumises à la même législation que les OGM, beaucoup plus drastique (longue procédure d’autorisation, études d’impact sanitaire, traçabilité, étiquetage, surveillance…)

Qui est pour, qui est contre ?

La simplification de ces règles est réclamée par la puissante organisation agricole Copa-Cogeca, soutenue par le parti européen de droite, le PPE. Ce texte «est une étape significative pour rendre notre agriculture plus durable, compétitive et résistante aux conditions météo extrêmes, avec moins de pesticides et d’engrais», a estimé Jessica Polfjärd, du PPE et rapporteure du texte.

En revanche, les ONG environnementales demandent que les NGT restent soumis à la même réglementation que les OGM. Pour Greenpeace, le texte pourrait enfreindre des règles juridiques fondamentales de l’UE sur le principe de précaution, la nécessité de protéger la santé et l’environnement, les droits des cultivateurs non-OGM… «Le vote d’aujourd’hui est une gifle envoyée aux agriculteurs et consommateurs, ignorant les droits basiques des citoyens» à la transparence et à la sécurité sanitaire, s’insurge de son côté Mute Schimpf, de Friends of the Earth.

Quels points crispent ?

Jugeant les garde-fous insuffisants, les eurodéputés socialistes et Verts appellent à renforcer les mesures isolant les cultures de ces nouveaux OGM, à durcir les exigences de traçabilité et les méthodes de détection, et réclament l’étiquetage systématique des produits NGT.

En effet, le manque de données scientifiques sur ces produits crispe les détracteurs de ces végétaux modifiés. L’agence sanitaire française Anses a même alerté en décembre : «Ces techniques peuvent conduire à des modifications des fonctions biologiques des plantes» non prises en compte par le projet législatif, «dont on ne peut pas écarter qu’elles puissent induire des risques pour la santé et l’environnement».

Si le texte voté précise qu’aucun produit NGT ne pourra être labellisé «bio», les semences modifiées risquent malgré tout de contaminer les autres cultures. «Qu’arrivera-t-il si des champs bio sont contaminés (par les cultures environnantes) : il n’y aurait aucune compensation» et la confiance du public serait écornée, a soulevé l’élu Vert allemand Martin Haüsling, fustigeant «une catastrophe pour l’environnement». «Le consommateur ne saura pas ce qu’il mange, ni l’agriculteur ce qu’il a dans son champ», a aussi averti le socialiste Christophe Clergeau. S’il reconnaît qu’il peut s’agir d’un «outil utile pour améliorer leurs performances agronomiques», il dénonce une «fuite en avant techno-solutionniste» et un «calendrier précipité».

Alors que Bruxelles proposait d’évaluer ultérieurement les questions de propriété intellectuelle, tous les groupes parlementaires sont tombés d’accord pour «interdire totalement» les brevets sur ces nouvelles techniques génomiques, afin d’éviter de «nouvelles dépendances pour les agriculteurs».

Quelle est la position des Etats membres ?

Alors que le temps presse avant les élections européennes de juin, le projet législatif divise aussi les Etats membres, incapables d’arriver à une position commune. Si une quinzaine d’Etats, dont la France, soutiennent «un outil important» pour affronter aléas climatiques et transition écologique, d’autres, comme l’Allemagne ou l’Autriche, s’alarment vivement de la coexistence avec l’agriculture bio.

D’autres encore, notamment les pays de l’Est, s’inquiètent pour leurs marchés à l’export et redoutent la multiplication des brevets. «Il faut être très prudent, s’assurer qu’il n’y aura pas d’oligopole» sur les semences au détriment des cultivateurs, martelait mi-janvier la secrétaire d’Etat polonaise de l’Environnement Urszula Zielinska.

Un vote en plénière début février est encore nécessaire avant les négociations avec les Etats membres, mais l’UE recense déjà 90 demandes d’autorisation pour des cultures NGT au stade de la recherche. Quelques tests en plein champ se déroulent actuellement, notamment de maïs en Belgique, ou de pommes de terre en Suède. De quoi relancer le mouvement des Faucheurs volontaires ?

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