Brûler leurs anciens rois, le rituel des Mayas d'Ucanal pour marquer l'avènement d'une nouvelle dynastie

brûler leurs anciens rois, le rituel des mayas d'ucanal pour marquer l'avènement d'une nouvelle dynastie

Un pendentif sculpté représentant une tête humaine, retrouvé dans le temple-pyramide maya d’Ucanal (Guatemala).

À Ucanal, site maya ancestral du Guatemala, la découverte des restes de potentiels anciens souverains (et de leurs trésors) suggère qu’ils auraient été brûlés, bien après leur mort, lors d’un rituel de profanation destiné à marquer la transition vers un nouveau régime politique.

Moins connue que sa contemporaine Tikal, avec qui elle entretenait des liens étroits, la cité d’Ucanal (département du Petén, nord du Guatemala) était pourtant autrefois la capitale du royaume maya appelé K’anwitznal. Elle comporte ainsi encore quelques autels et stèles, témoignant de son dynamisme passé, avant son effondrement il y a un millénaire. Mais aussi, un temple-pyramide, dans lequel les archéologues ont récemment fait une curieuse découverte.

Dans une étude de la revue Antiquity publiée le 18 avril 2024, ils révèlent y avoir identifié un important dépôt carbonisé, contenant après analyses des restes humains royaux et des ornements. Selon leurs résultats, il s’agirait des restes d’un rituel de profanation, une démonstration publique de pouvoir pour marquer, au IXe siècle, la transition vers nouveau régime politique – dont les exemples sont particulièrement rares dans les archives archéologiques.

Les points clés de basculement de l’histoire sont rarement directement trouvés dans le registre archéologique, ne serait-ce que parce que la signification d’un événement réside souvent dans la perception des participants.

Des ossements et leurs trésors, exhumés pour être brûlés

Des fouilles sur le site, les archéologues ont rapporté des sacs dont le contenu a été soigneusement tamisé. C’est ainsi qu’ils ont décelé, dans un mélange de suie, de carbone et de cendres, des morceaux d’os humains brûlés, dont l’étude a révélé qu’ils appartenaient à quatre individus âgés entre 21 et 60 ans.

Ont aussi été retrouvés près de 1 500 fragments d’ornements personnels, fabriqués à partir de matériaux précieux et de dents de mammifères ; une dizaine d’objets en obsidienne ; plus de 10 000 perles complètes et fragmentées de coquillages marins…

Les scientifiques n’ont pas de suite compris à quoi ils étaient confrontés. C’était avant que les restes d’un masque fait de jade – et similaire à d’autres déjà retrouvés –, accompagné de deux pièces d’obsidienne lui servant autrefois de pupilles, ne soient rassemblés. “Seules des personnes royales auraient porté quelque chose comme cela”, raconte à LiveScience Christina Halperin, professeure d’anthropologie à l’université de Montréal (Canada) et auteure principale de l’étude.

Des datations au radiocarbone des charbons de bois et des os ont été réalisées. Or, curieusement, alors que les échantillons des premiers ont été datés à la fin de la période mésoaméricaine classique tardive, entre environ 773 et 881 apr. J.-C., les seconds ont été datés de quelques décennies plus tôt, “suggérant que la tombe a été réouverte spécifiquement pour brûler les restes royaux, qui ont ensuite été déposés [au hasard, est-il précisé] dans la construction d’une nouvelle phase d’un temple-pyramide”, est-il indiqué dans un communiqué, repris par LiveScience.

Des rites mayas classiques liés à un évènement plus exceptionnel

En outre, aucun soin n’a été apporté pour protéger les restes. Des matériaux de construction ont même été jetés par-dessus, provoquant la dispersion de fragments d’os et d’ornements pendant le processus d’inhumation. Les auteurs de l’étude soutiennent ainsi que la combustion des restes d’Ucanal faisait partie d’un acte politique de profanation, marquant la destruction symbolique et littérale d’une ancienne dynastie K’anwitznal et ouvrant la voie à un nouveau système.

D’autant que les datations du rite coïncident, dans les traces écrites, avec celles d’un changement de régime dans la cité-État. Et de l’introduction d’un nouveau dirigeant connu sous le nom de Papmalil, qui y a semble-t-il régné entre 814 et 859 apr. J.-C. – et “aurait pu être un étranger”, est-il souligné dans la publication. Il aurait ainsi pu être une figure clé de cette crise politique.

La cérémonie en elle-même ne semble pas s’être déroulée dans le temple-pyramide, puisqu’aucun dégât causé par le feu n’y a été découvert. Mais d’après les spécialistes, le fait que les restes aient été déposés dans un bâtiment cérémoniel se trouvant sur l’une des principales places publiques d’Ucanal, suggère que les habitants étaient probablement au courant des événements liés au retrait du contenu du tombeau royal. Christina Halperin développe dans le communiqué :

La combustion du dépôt funéraire était probablement une affaire publique théâtral. Parce que l’incendie lui-même avait le potentiel d’être hautement cérémoniel, public et chargé d’émotion, il pourrait avoir marqué de façon spectaculaire le démantèlement d’un ancien régime.

Sur la Place des sept temples d’une autre cité maya, la fameuse Tikal, les preuves de rituels en public impliquant du feu ont déjà été révélées. Et des actes similaires de profanation des tombes chez les Mayas sont déjà connus grâce à leurs textes hiéroglyphiques. Il est en revanche rare de trouver des preuves de tels rites, correspondant à un épisode majeur de crise politique et sociale.

À cette même période par ailleurs, durant les XVIII et IXe siècles, de nombreux systèmes politiques mayas s’effondraient, laissant leurs colonies partiellement abandonnées. Tous les royaumes n’ont toutefois pas connu le même sort.

Ces nouvelles recherches montrent en effet comment certains d’entre eux, à l’image de K’anwitznal, ont cherché à se réinventer. “Les anciens Mayas remaniaient toujours leur société pour le meilleur ou pour le pire”, conclut l’anthropologue.

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