Panel de consommateurs, lieux dédiés, suivi… Où en est la « légalisation du cannabis » que Bègles veut expérimenter ?

« 20 Minutes » a interrogé le maire écologiste de Bègles (Gironde), Clément Rossignol-Puech, sur les contours que prendrait l’expérimentation d’une légalisation encadrée de la consommation de cannabis dans sa ville

INTERVIEW – « 20 Minutes » a interrogé le maire écologiste de Bègles (Gironde), Clément Rossignol-Puech, sur les contours que prendrait l’expérimentation d’une légalisation encadrée de la consommation de cannabis dans sa ville

A l’heure où plusieurs pays franchissent le pas d’une légalisation – encadrée – du cannabis, la ville de Bègles, dans la banlieue de Bordeaux (Gironde), se positionne pour tester une expérimentation en la matière. La réflexion a été lancée par le maire de cette commune de 30.000 habitants, l’écologiste Clément Rossignol-Puech, il y a maintenant plus d’un an.

Il y a quelques jours, il a présenté, lors d’une réunion publique, les résultats d’une étude et les contours que pourrait prendre cette expérimentation. Il faudra toutefois qu’elle soit validée au plus haut niveau de l’Etat, ce qui est, pour l’instant, loin d’être acquis. Le maire de Bègles a répondu aux questions de 20 Minutes.

panel de consommateurs, lieux dédiés, suivi… où en est la « légalisation du cannabis » que bègles veut expérimenter ?

Clément Rossignol-Puech, mairie EELV de Bègles, a présenté les contours de l’expérimentation aux habitants. – Mickaël Bosredon/20Minutes

Vous aviez lancé dès 2023 l’idée d’une expérimentation sur la légalisation du cannabis à Bègles. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Pendant un an, nous avons travaillé avec un comité citoyen béglais – composé d’habitants volontaires et tirés au sort, de professionnels (médecins, addictologues, sociologues…) et d’élus locaux et nationaux. L’objectif était de réfléchir ensemble à ce que pourrait être cette expérimentation territoriale de la légalisation encadrée de la consommation de cannabis. Le 10 avril, nous avons présenté les contours de cette expérimentation.

Quelle forme pourrait-elle donc prendre ?

Ce serait très encadré. Un panel de cent Béglais, représentatifs de la sociologie béglaise et des types de consommateurs – du gros consommateur à l’occasionnel – serait recruté pour une période de cinq ans, et serait autorisé à consommer du cannabis dans des lieux dédiés, en ville, discrets, ou à leur domicile. Mais pas dans l’espace public. Ils n’auraient ni le droit de revendre, ni le droit de donner. Dans ce lieu dédié, ils achèteraient [à un prix inférieur à celui du marché] des fleurs de cannabis, produites en Nouvelle-Aquitaine.

Une quantité maximum de cannabis serait allouée à chaque personne, en fonction de leur profil, et la consommation se ferait sous forme de vaporisation, donc sans tabac, pour limiter les méfaits sur la santé liés à la combustion. Un suivi médical de ce panel serait mis en place pour étudier les pratiques de consommation, par une équipe pluridisciplinaire. En parallèle, des campagnes de prévention pédagogique seraient mises en place dans les collèges, les lycées, les espaces publics, pour éviter la consommation.

Pourquoi souhaitez-vous mener cette expérimentation à Bègles ?

L’objectif de ma démarche est bien d’encadrer la consommation, pour en réduire les risques et, in fine, la faire baisser, en particulier chez les plus jeunes. L’enjeu est aussi de casser les trafics. La façon dont on aborde le cannabis en France depuis les années 1970, uniquement via la répression, est un constat d’échec. La France est le premier consommateur européen, avec un million de consommateurs quotidiens, cinq millions de réguliers. Plus d’un Français sur deux a déjà consommé du cannabis. C’est une substance qui apparaît dans la vie des Français très tôt, dès le collège. La consommation se développe et alimente les trafics, auxquels nous, les maires, sommes confrontés, y compris à Bègles.

Parallèlement, les consommateurs ne maîtrisent pas les produits (traçabilité, nocivité…) notamment la quantité de THC [molécule responsable des effets psychotropes] qu’ils contiennent. Alors, soit on continue à dire que la solution c’est la répression, mais force est de constater que depuis cinquante ans ça ne fonctionne pas, soit on se dit qu’on essaie autre chose. Ce qui a donné ses preuves pour l’alcool et le tabac.

On entend quand même des craintes que Bègles n’attire les consommateurs avec ce dispositif…

Les gens ne souhaitent pas que Bègles devienne un lieu touristique autour du cannabis, type Amsterdam, et je les comprends. Ce n’est pas du tout ce que je souhaite, donc on les rassure. Même s’il y a des gens qui ne sont pas d’accord, on vient essentiellement m’en parler avec curiosité, il n’y a pas d’agressivité sur le sujet.

Quelle est la suite désormais pour votre proposition d’expérimentation ?

Il y a encore des éléments à finaliser, et nous continuons de collecter des soutiens à notre démarche. J’ai même des élus locaux qui sont intéressés pour reproduire cette expérimentation dans leur commune. Puis je solliciterai le président de la République d’ici à cet été.

Quand on voit la communication en ce moment autour des opérations « place nette », contre les trafics de stupéfiants, on se dit que le timing n’est pas très favorable pour votre proposition ?

Emmanuel Macron s’était montré plutôt ouvert sur la question d’un débat sur le cannabis lors de sa campagne en 2017, il est vrai qu’aujourd’hui il est davantage sur la ligne du ministre de l’Intérieur, qui est celle de la répression. Ce qui est caricatural. A un moment donné, il faut de la répression pour casser des trafics quand cela devient intenable, mais tous les rapports nationaux produits sur la question concluent à une légalisation du cannabis.

L’Allemagne a d’ailleurs légalisé la consommation du cannabis le 1er avril, de manière très encadrée. Comment regardez-vous ce qui se fait outre-Rhin ?

Beaucoup de pays franchissent le pas. La Suisse a également ouvert une expérimentation dans certaines agglomérations depuis le 1er janvier. En Allemagne, le dispositif est différent de ce que je propose, puisqu’il faut d’abord s’inscrire dans un club ce qui permet de cultiver, soit dans ce club, soit à domicile, jusqu’à trois plants. On est autorisé à acheter du cannabis, de manière limitée, dans ces clubs, et à en détenir sur soi une petite quantité.

Cela pose une question à la maire de Strasbourg, sachant qu’elle a un tramway transfrontalier qui relie sa ville à la ville allemande de Kehl, située juste de l’autre côté du Rhin, où le cannabis est donc désormais légal. C’est une situation intenable. C’est pourquoi elle aussi demande, à juste titre, d’expérimenter une légalisation sur son territoire, mais davantage sur le modèle allemand.

Vous n’êtes pas le premier élu en France à vouloir mener une expérimentation sur le cannabis. Qu’est-ce qui peut faire pencher la balance en votre faveur, cette fois-ci ?

C’est la première fois qu’un élu local rend un rapport complet après consultation d’habitants et d’experts, et propose quelque chose clés en mains. Il y a eu effectivement des prises de position de certains maires par le passé, mais sous forme de tribunes. Là c’est concret, même si le projet serait certainement revu par l’Agence régionale de santé. S’il devait voir le jour, ce serait d’ailleurs à l’Etat de financer une telle expérimentation, que j’estime à environ un million d’euros par an. Mais tout cela va prendre du temps, j’en ai bien conscience…

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