« On a évité le pire » : à Paris, les ailes du Moulin Rouge se sont décrochées

Les Parisiens les plus lève-tôt ont eu la surprise de découvrir ce jeudi, à l’aube, le Moulin Rouge sans ses célèbres ailes. La structure métallique du cabaret parisien du boulevard de Clichy, dans le XVIIIe arrondissement, s’est effondrée pendant la nuit, vers 1h45 du matin, alors que « les spectateurs du second spectacle étaient tous déjà repartis », selon un communiqué de l’établissement. Les trois premières lettres de l’enseigne, « MOU », situées sur la façade, ont aussi été emportées dans cette chute d’une dizaine de mètres.

Par chance, l’incident n’a fait aucun blessé, précisent les pompiers, qui n’ont mobilisé qu’une poignée d’intervenants sur place et avaient quitté les lieux ce jeudi matin. Selon eux, le bâtiment n’est pas menacé d’effondrement et la zone est sécurisée. Auprès de l’AFP, la direction a exclu la piste d’un « acte malveillant ».

« Perturbant de le voir sans ses ailes »

Sur une vidéo réalisée pendant la nuit, on aperçoit les quatre ailes du moulin, toujours reliées entre elles, tordues et étalées sur le trottoir et la rue. La structure a ensuite été ramenée contre la façade du bâtiment, placée sous des bâches vertes et ceinturée par des barrières de sécurité. Les pales ont ensuite été déblayées. Un entrepris par l’équipe du Moulin Rouge avant même l’arrivée des forces de l’ordre qui, une fois sur place, ont demandé de stopper l’opération pour « figer les lieux » et effectuer les constatations d’usage.

Les ailes ont été entreposées sur le trottoir, sous une grande bâche, le long du bâtiment.

L’enquête devra déterminée l’origine exact de l’incident, peut-être dû « aux conditions climatiques combinées à une possible vétusté » de l’édifice, d’après une source policière. Les causes de cet incident ne sont pas encore connues, soulignent de leur côté les pompiers et la Ville de Paris. Kevin Havet, adjoint à la sécurité du XVIIIe, précise qu’un périmètre de sécurité a été établi et que des policiers municipaux ont été dépêchés sur place. Le préfet de police de la capitale, Laurent Nuñez, a pour sa part indiqué sur TF1 que « des architectes de sécurité de la préfecture de police » se sont également rendus devant l’établissement, sans autre précision dans l’immédiat.

La Ville en soutien

« Le Moulin Rouge est un élément de notre patrimoine culturel, un bâtiment célèbre dans le monde entier et surtout dans le cÅ“ur des Parisiennes et des Parisiens », a réagi ce jeudi matin la maire (PS) de Paris, Anne Hidalgo, qui a « vu avec beaucoup de peine ce qui s’est passé ». Les équipes municipales « sont déjà au contact pour offrir une aide technique », indique l’élue, qui promet d’« apporter toute l’aide nécessaire » à cet établissement – privé – pour « faire en sorte que les ailes reviennent le plus vite possible. »

Le maire (PS) du XVIIIe arrondissement, Éric Lejoindre, s’est lui aussi ému de la situation. « C’est assez frappant de voir que le Moulin Rouge déclenche d’aussi vives réactions dans le monde entier et c’est beau de voir l’élan de soutien de la part des Parisiens et particulièrement des habitants du XVIIe. Dans quelques mois, nous regarderons cet épisode comme un des moments de la vie de ce lieu historique qui continuera toujours d’illuminer les nuits parisiennes », relativise l’édile.

La maire de Paris, Anne Hidalgo (PS), a renouveler son soutien sur Instagram envers les équipes du Moulin Rouge qui a vu ses ailes tomber après que ses pales se sont désaxées dans le nuit de mercredi à jeudi. /Capture d’écran Instagram

Pour Frédéric Hocquard, adjoint à la mairie de Paris en charge du tourisme et de la vie nocturne, « plus de peur que de mal ». « Le risque zéro n’existe pas malheureusement, mais on peut dire que notre chance c’est que le club La Machine, juste à côté du moulin, n’était pas ouvert ce soir-là », souligne l’élu. Selon ses informations, l’accident ne devrait pas entraver le bon fonctionnement du lieu, qui doit rouvrir ses portes dès ce jeudi soir.

Rachida Dati engagée « pour l’éclat » du Moulin

La ministre de la Culture et maire du VIIe arrondissement, Rachida Dati, a elle aussi témoigner de son soutien à la structure, assurant que la réhabilitation de ce lieu emblématique et plus généralement du patrimoine faisait partie de ses priorités. « La protection et la restauration de notre patrimoine est une de mes priorités, le ministère de la Culture se tient aux côtés du Moulin Rouge, pour que son éclat si particulier soit rétabli », a-t-elle déclaré.

La chute de la structure métallique intrigue en tout cas les habitants du quartier, venus ce matin au pied du moulin qui se retrouve dorénavant nu. Tout le monde s’est agglutiné sur le trottoir pour prendre des photos au moment de la levée des ailes, qui ont été entreposées dans une benne. « C’est assez perturbant de le voir sans ses ailes, c’est quand même un symbole à Pigalle et même dans tout Paris. Mais le principal, c’est qu’il n’y a pas eu de blessé », commente Raphaël, un riverain.

Vice-président de l’association des commerçants Lepic Abbesses, Stéphane Cachelin a d’abord « cru à une fake news » : « C’est un symbole de Montmartre, de Paris et du monde qui vient de s’effondrer, estime-t-il. On pourrait en rire car ce n’est que du matériel et que les ailes sont faites pour voler, mais c’est extrêmement choquant. On a évité le pire. Je sais que la famille Clérico (qui dirige l’établissement, NDLR) fera tout pour les réparer au plus vite ».

« Paris sans son moulin, c’est comme Paris sans sa tour Eiffel » réagit André Duval, maître d’hôtel au Moulin dans les années 1980 et habitant du quartier depuis 50 ans. « J’attends de voir la réaction des milliers de touristes qui viennent chaque jour pour le voir. Pas une personne ne vient visiter Paris sans venir le prendre en photo ». Sur les causes de cet accident, André est perplexe : « C’est quand même très étrange, il n’y avait pas de tempête hier soir, j’espère qu’on saura vite ce qu’il s’est passé et que des caméras ont pu capturer la scène ».

Le mécanisme vérifié « une fois par semaine »

Fanny Rabasse, responsable presse du Moulin Rouge, indique au Parisien « ne pas avoir d’explications sur ce qui s’est passé pour le moment ». « Les ailes sont très entretenues, en plus d’un organisme extérieur qui vient faire des vérifications tous les deux mois, nos équipes techniques passent une fois par semaine pour regarder leur structure et le mécanisme », assure-t-elle. Le spectacle donné ce soir-là au cabaret avait pris fin avant la chute des ailes, et « logiquement, il n’y avait plus personne à l’intérieur, à part la sécurité », ajoute-t-elle par ailleurs.

Auprès de l’AFP, le directeur général du cabaret a exclu la possibilité d’un « acte malveillant ». « Sur le site en lui-même, on a une surveillance 24 heures sur 24, notamment sur les toitures, avec présence humaine », justifie Jean-Victor Clerico, estimant que « c’est évidemment un problème technique ».

« Les ailes sont régulièrement entretenues : on a des visites tous les deux mois par un organisme extérieur, et nos équipes techniques les vérifient toutes les semaines. On est un peu stupéfait », développe-t-il aussi sur TF1. « Il semblerait que les ailes ne tournaient pas à ce moment-là. L’établissement était fermé, il n’y avait plus de public » et par chance, « il n’y avait plus grand monde sur le trottoir », précise-t-il également.

Les pales du Moulin Rouge ne s’étaient jamais décrochées jusqu’alors, souligne aussi le patron des lieux, promettant de « vite faire le clair sur la situation ». Le bâtiment n’a quant à lui « pas du tout été endommagé », ce qui permettra de rouvrir la salle dès ce jeudi soir. « Ce sera une soirée particulière, mais le spectacle continue, ce sera le plus important », commente-t-il.

« À ce stade, on n’a aucune réserve mentionnée sur nos rapports de visites périodiques, et les équipes techniques en interne n’ont également relevé aucune anomalie visuelle. C’est un peu l’énigme », a-t-il aussi réagi sur BFMTV, précisant que « les ailes sont tombées d’un seul bloc » et que le « souci » se trouverait « au niveau de l’axe même des ailes ». Ces pales « ont été changées au début des années 2000, ce ne sont pas les ailes historiques », a-t-il ajouté. Faites d’une structure « en aluminium et en bois », elles sont bien plus « allégées » qu’auparavant.

Installé au 82, boulevard de Clichy, dans le 18e arrondissement de la capitale, le Moulin-Rouge, ici avec ses ailes, veille sur la place Blanche depuis 1889.

Le cabaret historique, inauguré en 1889, avait connu d’importants travaux lors de la crise sanitaire. Après 17 mois de fermeture, il avait rouvert ses portes en septembre 2021. De toute son histoire, il n’avait jusqu’alors connu qu’un seul accident grave : un incendie dû à des travaux en 1915, entraînant une fermeture de neuf ans, a précisé l’établissement à l’AFP.

L’établissement doit fêter ses 135 ans le 6 octobre. Ouvert tous les jours, il accueille 600 000 spectateurs par an, à raison de deux représentations chaque soir.