Non, les inondations dans le Golfe ne prouvent pas l’existence des "chemtrails"

Sur les réseaux sociaux, des internautes proches des sphères complotistes partagent un article de Bloomberg sur les inondations dans le Golfe, affirmant que cela prouve l’existence des “chemtrails”

Dans un article de Bloomberg, une technologie utilisée par les Émirats arabes unis est mise en cause dans les inondations qui ont touché les pays du Golfe mardi et mercredi : l’ensemencement de nuages. Pour des comptes proches des sphères complotistes, ces précipitations confirmeraient même la théorie des “chemtrails”. Mais si certaines techniques de géo-ingénierie font l’objet de controverses, elles ne prouvent en rien l’existence des “chemtrails”.

La vérification en bref 

• L’ensemencement des nuages, une technique qui permet, entre autres, de faire tomber la pluie et qui est utilisée par les Émirats arabes unis, est accusée d’avoir aggravé les inondations que connaît le pays.
• Pour certains comptes complotistes, cette technologie, parfois controversée, prouverait même que la théorie du complot des “chemtrails” est vraie.
• Mais selon Andrea Flossmann, chercheuse au CNRS, la technique d’ensemencement des nuages est très locale et vise des nuages très bas : elle ne prouve donc en rien l’existence de “chemtrails”. 
• Enfin, elle estime qu’il est “peu crédible” que l’ensemencement des nuages ait aggravé les inondations à Dubaï.

La vérification complète

Entre le mardi 16 et le mercredi 17 avril, les pays du Golfe ont connu des pluies égales à deux ans de précipitations. Sur les réseaux sociaux, des internautes ont partagé de nombreuses vidéos, illustrant l’impressionnant phénomène dans une région connue pour sa désertification croissante.

Des comptes complotistes ont également profité de l’actualité pour mentionner l’une des théories du complot les plus populaires : les “chemtrails”, ou traces chimiques. Selon cette théorie, les traînées blanches laissées par les avions dans le ciel seraient composées de produits chimiques. Certains évoquent une volonté de répandre le cancer, d’autres un biocide obligeant les agriculteurs à acheter des OGM, d’autres encore un projet de contrôle psychique de la population…

Sur son compte X, le Français Silvano Trotta, notoirement proche des sphères complotistes, partage ainsi une capture d’écran d’un article de Bloomberg au titre accrocheur. On lit : “Dubaï s’immobilise alors que l’ensemencement des nuages aggrave les inondations”. Ce titre fait référence à une technologie utilisée par les Émirats arabes unis depuis plus de 20 ans, qui permet, entre autres, de faire pleuvoir.

Selon lui et d’autres internautes, l’ensemencement de nuages, et le fait que Bloomberg évoque cette technologie, prouverait l’existence des chemtrails. Mais il n’en est rien.

Ensemencement de nuages

Les techniques d’ensemencement des nuages peuvent prendre différentes formes : généralement, des avions s’approchent des nuages et, à l’aide de fusées fixées sur leurs ailes, y projettent des substances permettant d’agréger l’eau présente dans ceux-ci. Des gouttes d’eau plus lourdes sont alors formées, ce qui déclenche une précipitation.

Cette technique s’apparente à de la géo-ingénierie, puisqu’elle permet de modifier le climat. Mais elle n’est pas sans controverse. Certains scientifiques remettent régulièrement en cause son efficacité, décrite comme dérisoire par rapport au coût d’un vol.

Ces controverses permettent également à des groupes complotistes de calquer leurs théories sur ces pratiques scientifiques, parfois difficiles à comprendre.

Chercheuse au CNRS et co-responsable du groupement d’experts sur la modification du temps pour l’Organisation météorologique mondiale (OMM), Andrea Flossmann, contactée par notre rédaction, assure que les techniques d’ensemencement des nuages sont bien différentes de la représentation complotiste des “chemtrails”.

Dans la théorie complotiste, “les ‘chemtrails’ se forment très haut dans l’atmosphère, alors que si on ensemence des nuages, on va viser des nuages le plus bas possible pour obtenir de meilleurs résultats”, souligne-t-elle.

De plus, si les chemtrails seraient, selon les complotistes, un phénomène global, l’ensemencement des nuages est au contraire “très local : il faut viser une zone et voler pratiquement dans le nuage”, selon Andrea Flossmann.

L’ensemencement de nuages ne prouve donc en rien l’existence des chemtrails.

À Dubaï, la thèse de l’ensemencement des nuages facteur d’inondations est “peu crédible” 

Mais des opérations d’ensemencement de nuages ont-elles tout de même aggravé les inondations, comme l’affirme Bloomberg ?

Andrea Flossmann explique que cette affirmation est “peu crédible” : “Clairement, c’est une situation complètement anormale, il y avait une situation météorologique avec un influx d’humidité important. S’il faut chercher un coupable, ce sera plutôt du côté d’El Niño.”

De plus, depuis la parution de l’article, le Centre National de Météorologie des Émirats arabes unis a nié, auprès de la chaîne américaine CNBC, avoir mené des opérations de modification du climat dans les jours qui ont précédé la tempête.

Ce n’est pas la première fois que les Émirats arabes unis et d’autres pays du Golfe sont victimes d’inondations importantes. Les infrastructures de ces pays étant peu adaptées à recevoir des précipitations importantes, ce genre d’évènement est généralement spectaculaire.