7 000 milliards de dollars pour fabriquer des puces : 5 minutes pour comprendre le pari fou de Sam Altman

L’investissement visé par Sam Altman pourrait aller jusqu’à 7 000 milliards de dollars. AFP/Andrew Caballero-Reynolds

Sam Altman voit loin, très loin. Et gros, très très gros. Le jeune patron d’OpenAI, la start-up californienne qui a lancé le logiciel ChatGPT fin 2022, se lance dans un pari fou pour construire une myriade d’usines de fabrications de semi-conducteurs. Les chiffres avancés font tourner la tête puisque selon le Walt Street Journal, l’investissement visé par Sam Altman atteindrait une somme mirobolante estimée entre 5 000 et 7 000 milliards de dollars.

Pour expliquer un tel besoin d’argent, l’entrepreneur américain met en avant l’impérieuse nécessité d’investir pour assurer l’avenir que mérite l’intelligence artificielle, une technologie qui révolutionne les habitudes de nombreux secteurs depuis un peu plus d’un an, mais qui en est encore à ses balbutiements.

D’après le Financial Times, les revenus annuels d’OpenAI ont dépassé les 2 milliards de dollars en décembre 2023 et devraient doubler d’ici 2025. De quoi classer la start-up au même rang que deux entreprises de la Silicon Valley, Google et Meta (Facebook, Instagram…) au destin fulgurant dans leurs premières années.

OpenAI porte à terme l’ambition de concevoir un système d’intelligence artificielle générale dont les capacités dépasseraient celles d’un humain. Un objectif atteignable à la seule condition d’avoir la très chère puissance de calcul que seules des dizaines de milliers de puces électroniques mises en réseau peuvent fournir.

« Sam Altman pense à son entreprise et toutes les autres »

Il a besoin pour cela de puces informatiques toujours plus performantes, celles indispensables pour faire tourner nos smartphones et ordinateurs, mais aussi et surtout les serveurs installés dans d’immenses datas centers, sans parler de nos réfrigérateurs et nos automobiles. Un marché qui, d’après l’institut Gartner, devrait peser autour de 721 milliards de dollars dès 2025.

« Sam Altman pense à l’avenir de son entreprise, mais aussi à celui de toutes les autres qui vont avoir de plus en besoin de puces, estime Thomas Husson, analyste spécialisé dans les nouvelles technologies au cabinet Forrester Research. Comme Facebook qui vient d’en commander pour 10 milliards de dollars à Nvidia, l’une des rares sociétés américaines spécialisées dans les semi-conducteurs. »

« Rééquilibrer les puissances de fabrication »

L’objectif est d’éviter tout risque de pénurie comme celle qui a frappé le secteur à la fin de la période de l’épidémie de Covid, et d’être moins exposé à la dépendance d’une poignée de fabricants, tous ou presque installés en Asie. Le marché des semi-conducteurs est largement dominé par une entreprise, le géant taïwanais TSMC, qui contrôle à elle seule près de 60 % des profits réalisés dans le monde sur cette spécialité, devant un autre mastodonte, le coréen Samsung.

« Le mouvement de Sam Altman est, à ce titre, aussi financier et industriel que géopolitique, poursuit Thomas Husson. Il s’agit de rééquilibrer les puissances de fabrication entre l’Asie et l’Occident en réindustrialisant des pays comme l’Allemagne ou les USA. À la différence que l’initiative vient non pas de ces états mais d’une entreprise aux moyens financiers qui se rapprochent de ceux de beaucoup de pays à travers le monde. »

Les compétences en Asie, les sous dans le Golfe

Cette recherche d’indépendance bute toutefois sur certains écueils. À commencer par le savoir-faire. « Sam Altman a besoin de l’expertise des meilleurs spécialistes de la conception et de la fabrication des puces, les fondeurs comme on les appelle, et TSMC est indispensable en la matière, tance Thomas Husson. Voilà pourquoi le patron de ChatGPT imagine un montage dans lequel il offrirait à la société taïwanaise la maîtrise de la construction et de l’exploitation de ses futures usines. » Une sorte de leasing qui affaiblirait d’autant toute velléité, dans un premier temps, d’accéder à une vraie souveraineté industrielle.

L’énorme besoin d’argent pousse également Sam Altman à frapper à la porte d’investisseurs aux capacités financières assez confortables pour pouvoir mordre à l’hameçon. C’est ainsi qu’il a approché, à l’occasion de nombreuses rencontres, de riches hommes d’affaires et des représentants des gouvernements des Émirats arabes unis qui cherchent depuis quelques années à se diversifier et anticiper la fin de l’ère du pétrole à foison et du gaz naturel.

Toujours selon le Wall Street Journal, il a également rencontré le directeur général du groupe japonais SoftBank, pour « évoquer l’idée de construire des dizaines d’usines de fabrication de puces dans les prochaines années avec l’argent provenant d’investisseurs du Proche-Orient ».