Monique Olivier, manipulée ou manipulatrice? La question au cœur du procès de l'ex-femme de Fourniret

Monique Olivier, 75 ans, comparaît pour sa participation dans trois meurtres commis par Michel Fourniret. Depuis la mort de ce dernier en 2021, elle seule peut encore livrer ses derniers secrets. Les familles des victimes n’attendent pas grand chose de celle qui s’est toujours présentée sous l’emprise du tueur en série.

Monique Olivier (c), l’ex-femme du tueur en série Michel Fourniret, sur le banc des accusés de la cour d’assises des Ardennes, le 29 mai 2008

Michel Fourniret aurait-il pu avoir le parcours criminel qu’on lui connaît sans Monique Olivier? Sa troisième femme lui a-t-elle délivré le “permis de tuer” comme certains le qualifient? Au contraire, cette dernière a-t-elle été sous l’emprise du mal, entre les mains d’un tueur en série comme l’histoire judiciaire française n’en a quasiment jamais connu? Pour la troisième fois depuis 2008, ces questions seront posées à la justice.

Monique Olivier, 75 ans depuis quelques jours, comparaît à partir de ce mardi 28 novembre devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine, à Nanterre. Elle y sera jugée pour sa participation dans trois meurtres, avoués par Michel Fourniret: celui d’Estelle Mouzin en 2003, de Joanna Parrish en 1990 et de Marie-Angèle Domece en 1988. Depuis la mort en 2021 de celui qui a été surnommé “l’ogre des Ardennes”, la septuagénaire est désormais la seule à pouvoir livrer les derniers secrets de ce couple inédit dans l’univers de la criminalité.

“Permis de tuer”

L’histoire de Michel Fourniret et Monique Olivier repose sur un pacte diabolique. Leur première rencontre est épistolaire. Alors âgée de 38 ans, et séparée de son deuxième mari, elle répond au début de l’année 1987 à une petite annonce passée dans le magazine Le Pèlerin, sur laquelle elle tombe par hasard chez son employeur, d’un homme détenu cherchant à échanger.

Lui est alors incarcéré à Fleury-Mérogis pour sept agressions sexuelles et un viol. Il lui explique la raison de sa présence en prison, ils s’échangeront près de 700 pages manuscrites. Il lui promet de la venger de ses deux premiers maris, elle s’engage à lui fournir des jeunes filles vierges, des “membranes sur patte”, l’obsession du tueur.

Michel Fourniret sort de prison en octobre 1987. Deux mois plus tard, il enlève, viole et tue Isabelle Laville, 17 ans. C’est son premier meurtre alors que le couple est installé à Saint-Cyr-les-Colons, près d’Auxerre.

En août 1988, enceinte de leur fils Selim, Monique Olivier, longs cheveux noirs lui tombant sur les épaules, mettra en confiance Fabienne Leroy pour la faire monter dans la camionnette du couple. Michel Fourniret violera et tuera la jeune femme de 20 ans. Le scénario se répète, entre autres, en décembre 1989 avec Élisabeth Brichet. Cette fois-ci, Monique Olivier prétexte que son fils est malade pour attirer la fillette belge de 12 ans. Il a été établi que la complice du tueur réalisait les toilettes de certaines victimes avant que Michel Fourniret ne les viole.

“C’est terrible d’imaginer un couple assassin en série”, estime Francis Nachbar, ancien procureur de Charleville-Mézières qui a requis contre le duo lors de leur premier procès en 2008.

Jean-Luc Ployé, expert judiciaire et psychologue auprès des tribunaux, est convaincu qu’à cette époque Monique Olivier fournit un “permis de tuer” à Michel Fourniret.

Dans son réquisitoire prononcé en 2008 devant la cour d’assises de Charleville-Mézières, Francis Nachbah, alors avocat général qualifie Monique Olivier de “sorcière machiavélique”, d'”araignée gluante”, une femme “à gerber”. La justice la condamnera à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de 28 ans pour sa complicité pour cinq meurtres et deux assassinats.

Présente lors des trois meurtres

Concernant les faits pour lesquels elle va comparaître plus de deux semaines devant la cour d’assises, Monique Olivier a reconnu avoir gardé Estelle Mouzin quelques heures après son enlèvement à Guermantes, en Seine-et-Marne, le 9 janvier 2003 alors que la fillette, la plus jeune victime du couple, rentrait de l’école. “Elle ne pouvait pas ignorer comment ça allait finir pour Estelle”, martèle Eric Mouzin. Son avocat, Me Didier Seban, parle de “meurtres à quatre mains”.

La juge d’instruction note dans son ordonnance de mise en accusation que Monique Olivier s’est rendue complice de Michel Fourniret “en l’aidant ou en l’assistant sciemment dans la préparation” de ces trois meurtres “sachant le sort mortel” qui était réservé aux jeunes victimes.

Monique Olivier était également présente le 8 juillet 1988 et 16 mai 1990 quand Michel Fourniret enlève sur une route direction Auxerre et près de la gare routière de la ville Marie-Angèle Domèce, âgée de 19 ans, et Joanna Parrish, une Britannique de 20 ans. Le corps de la première n’a jamais été retrouvé. La seconde victime a été violée, battue et étranglée à l’arrière du véhicule du couple. Monique Olivier a indiqué être restée à sa place, sans regarder ce que son mari faisait subir à ses victimes.

“Vous ne pouvez pas discuter avec elle. Vous ne pouvez parler de rien, vous ne pouvez pas l’interroger, vous ne pouvez pas lui poser des questions”, se souvient Francis Nachbar, qui se remémore les longues minutes pendant lesquelles Monique Olivier gardait le silence “enkystée dans une inhumanité”. En 2003, quand Michel Fourniret est interpellé en Belgique après une tentative d’enlèvement, Monique Olivier mettra un an avant d’avouer tous les crimes du couple.

Sous emprise?

Pendant les longues années d’instruction, Michel Fourniret donne à sa femme un rôle de “gamine”. Lors du procès devant la cour d’assises de Versailles pour le meurtre de Farida Hammiche, il la qualifie d'”idiote”, “sans autonomie propre”. Mais même libérée de la présence de Michel Fourniret dont elle est divorcée depuis 2010, Monique Olivier ne parle toujours pas. Pendant l’instruction, elle assure ne pas avoir menti “sciemment”, notamment pour l’enlèvement et le meurtre d’Estelle Mouzin, mais avoir “enfoui ce souvenir qui (lui) faisait mal”.

“Je n’étais pas d’accord avec ce qu’il a fait (…) elle était très jeune et j’étais en colère après lui d’avoir enlevé une si petite”, dit-elle à la juge.

Il aura fallu la persévérance et le travail acharné de la juge d’instruction Sabine Khéris, qui s’est entourée notamment d’une experte comportementaliste, pour la faire avouer pour les meurtres de Marie-Angèle Domece, Joanna Parrish et Estelle Mouzin en 2019. Des aveux confiés au terme de plusieurs jours d’auditions, au cours desquels elles ont parlé de tout et de rien avant de finir par évoquer ces crimes. Peut-elle aujourd’hui en dire davantage, notamment sur la localisation des corps d’Estelle Mouzin et de Marie-Angèle Domece?

Plusieurs expertises psychologiques et psychiatriques de Monique Olivier ont été réalisées. Elle est décrite comme effacée, passive, sans aucune considération pour elle-même et soumise à Michel Fourniret, ayant subi des violences de la part de son premier mari. Elle “n’aurait pas connu de passage à l’acte sans la dualité qu’elle formait avec Michel Fourniret, devenant une autre”, note la juge d’instruction dans son ordonnance de mise en accusation.

“Lui, c’est un pervers, ses monstruosités, on les explique. Elle, c’est un cas psychiatrique et psychologique extrêmement difficile à cerner”, note Francis Nachbar.

“Je ne me place pas dans une position d’attente, prévient Eric Mouzin, le père d’Estelle, au sujet du procès. J’ai beaucoup de mal à comprendre la perversité de ce couple, ce degré de méchanceté.”

Le procès de sa culpabilité

Une nouvelle expertise a remis en cause dernièrement l’intelligence présumée supérieure de Monique Olivier, longtemps dépeinte comme surdouée et manipulatrice. Monique Olivier dispose d’un QI de 92, soit un niveau d’intelligence situé dans la zone basse de la moyenne. Un chiffre bien loin des 131 relevés par une expertise de 2005 présentée aux jurés du procès de Charleville-Mézières en 2008. Les conclusions mettent aussi en lumière une personnalité évitante, un sujet effacé, faisant néanmoins la différence entre le bien et le mal.

“Si elle ne rencontre pas Michel Fourniret, Monique Olivier aurait eu la même vie identique jusqu’à sa mort”, tranche Me Richard Delgenes, son avocat.

“Ce n’est pas elle qui manipule, c’est vous qui la manipulez”, poursuit le conseil qui suit sa cliente depuis le début des années 2000. “Il faut bien comprendre sa psychologie, vous pouvez lui induire des réponses. Elle a tellement besoin d’exister pour quelqu’un, elle n’a tellement pas d’estime pour elle-même que si vous lui apportez une existence, elle va essayer de vous satisfaire.”

En l’absence de Michel Fourniret dans le box des accusés, Monique Olivier doit “prendre ses responsabilités”, pour le père d’Estelle Mouzin. “Ce procès, c’est celui de sa culpabilité”, poursuit-il. Avant d’ajouter: “C’est la dernière fois, a priori, que Monique Olivier sera aux assises, il faut être efficace. Trois familles sont là, dont certaines attendent des réponses depuis plus de trente ans.”

“L’objectif, c’est qu’elle soit condamnée à la hauteur du crime commis”, conclut Éric Mouzin.