« Mon petit renne », les dessous de la série phénomène de Netflix

«Ã‚ Mon petit renne », les dessous de la série phénomène de Netflix

C’est le carton surprise de Netflix. Sorti le 11 avril en toute discrétion, avec peu (voire pas) de promotion, Mon petit renne est devenu, en l’espace de quinze jours, un phénomène sur la plateforme, n° 1 dans le monde et en France.

Cette mini-série en sept épisodes avait connu un démarrage timide, mais le bouche-à-oreille a fait exploser les compteurs. Selon la newsletter Netflix & Chiffres, Mon petit renne a enregistré une augmentation de 408 % des heures vues entre la première et la deuxième semaine. Du jamais vu. Cette semaine se place également comme la douzième meilleure période d’une nouvelle série de l’histoire de la plateforme. Comment expliquer le succès inattendu de Mon petit renne ?

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Ce drame réinvestit un canevas bien connu des amateurs de true crimes (documentaires criminels, NDLR). La série suit Donny (Richard Gadd), barman d’une trentaine d’années et aspirant humoriste. Quand il rencontre Martha (Jessica Gunning), une cliente du pub dans lequel il travaille et à laquelle il offre par gentillesse une tasse de thé, sa vie tourne au cauchemar. Pendant plusieurs années, il subit le harcèlement constant de Martha, persuadée d’avoir noué une relation avec lui. Elle envoie à sa victime d’innombrables textos, courriels et messages. Le harcèlement va réveiller chez Donny des traumatismes enfouis.

Mon petit renne, l’histoire vraie de Richard Gadd

On pense évidemment au Misery de Stephen King, adapté au cinéma par Rob Reiner en 1990. Mais au contraire de son prédécesseur, Mon petit renne est une histoire vraie. Celle de Richard Gadd, humoriste qui a vécu, de 2015 à 2018, trois interminables années de harcèlement par une femme de vingt ans son aînée. Tout ce temps, il recevra pas moins de 40 000 courriels, 740 tweets, 350 messages vocaux et plusieurs centaines de lettres.

Les menaces, les peurs, la compassion, même, envers sa harceleuse : l’humoriste en fera le récit dans un seul-en-scène, « Baby Reindeer », qu’il jouera sur les planches du festival Edinburgh Festival Fringe en 2019. Et dont le succès amènera Netflix à produire une adaptation.

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L’intérêt suscité par la série ne doit donc rien au hasard. Que la série soit tirée d’une histoire vraie ne fait que renforcer l’intérêt du public. Mais les plus attentifs des spectateurs auront remarqué un élément : Richard Gadd, dans Mon petit renne, joue son propre rôle.

Les spectateurs jouent les apprentis détectives

S’il se nomme Donny dans la série, l’humoriste (également scénariste et producteur) ne cache donc aucunement la porosité entre son personnage et sa vie réelle. Certaines parties de la série sont fantasmées (la vidéo YouTube virale de l’épisode 4 n’existe pas), mais cela n’a pas empêché les spectateurs de jouer aux apprentis détectives et de se lancer dans une quête pour retrouver les véritables protagonistes.

Et c’est à cela qu’on doit l’engouement autour de la série. Objectif premier des spectateurs : retrouver l’identité réelle de Martha, la harceleuse de la série. Pas évident au premier abord : « Nous avons pris beaucoup de distance pour masquer son identité, à un tel point que je ne suis même pas sûr qu’elle se reconnaîtrait elle-même », avait expliqué Richard Gadd à GQ.

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Ce qui n’aura pas freiné les ardeurs des internautes. Leurs recherches ont mené vers une femme prénommée Fiona Harvey. De supposées captures d’écran du compte X (ex-Twitter) @FionaHarvey2014 la montrent en train d’interpeller directement le compte de Richard Gadd. Les utilisateurs ont alors tenté de mettre en lumière les actions décrites dans la série avec les messages publiés par Fiona Harvey. D’autres utilisateurs ont également pointé du doigt le compte X @FionaHa09210946.

#Fionaharvey : TikTok s’emballe

Ils ont également retrouvé son présumé compte Facebook, sur lequel elle a réagi. Dans des messages relativement erratiques, l’utilisatrice a cependant nié avoir harcelé Richard Gadd : « Je ne suis pas Martha et je n’ai pas de condamnation pénale [?] Je ne m’intéresse à aucun aspect de la vie de Richard Gadd. Je ne crois pas un mot de ce qu’il dit, pas plus que les personnes que je connais », s’est-elle défendue.

Les recherches ont envahi TikTok, où le hashtag #fionaharvey totalisait, vendredi 26 avril, près de 90 millions de vues. Mais les investigations ne se sont pas arrêtées à Martha/Fiona.

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En effet, la série évoque un autre traumatisme de Richard Gadd. L’auteur y dépeint le viol commis par son mentor, Darrien, alors qu’il commençait sa carrière d’artiste. Là aussi, il a brouillé les pistes, en changeant le prénom de son agresseur pour ne pas révéler son identité. Ce qui n’a pas empêché le public de se lancer à sa recherche.

Un proche de Richard Gadd accusé à tort sur les réseaux sociaux

Ce dernier a alors visé l’un des proches collaborateurs de Richard Gadd, Sean Foley. L’humoriste a dû alors prendre la parole pour défendre son ami, injustement mis en cause, sur son compte Instagram. « Bonjour tout le monde, des personnes que j’aime, avec qui j’ai travaillé et que j’admire ? y compris Sean Foley ? sont injustement pointées du doigt. Veuillez ne pas spéculer sur l’identité des vraies personnes. Ce n’est en aucun cas l’intérêt de notre série », a déclaré Richard Gadd. « La police a été informée et enquête sur tous les messages diffamatoires, abusifs et menaçants à mon encontre », a réagi Sean Foley sur son compte X.

C’est sans doute ici que la bête a fini par échapper à son créateur. « Richard Gadd a traité son traumatisme à sa manière, lui a volontairement accordé l’anonymat, il est injuste de lui retirer cela », s’est désolé un internaute. En participant à son autofiction, l’humoriste a opéré une forme de catharsis, a souhaité guérir son traumatisme. Mais il a surtout investi un univers passionnel, celui des true crimes, dont les adeptes témoignent d’une curiosité et d’une soif de savoir inassouvies. Les succès de Grégory, L’arnaqueur de Tinder ou même Dahmer sur Netflix le confirment.

Le versant moderne de l’histoire (les exactions de Martha passent en partie par les réseaux sociaux) a fait imaginer aux spectateurs qu’ils seraient à même de trouver les réponses que la série leur refusait. Sans imaginer un seul instant que cette « chasse au trésor » prenait le risque de conséquences désastreuses sur la vie d’individus peu, voire pas, concernés par cette affaire.

Les véritables identités de Martha ou de Darrien ne seront sans doute jamais révélées. Richard Gadd a utilisé la série comme une catharsis. Très vite, les internautes, eux aussi, s’en désintéresseront certainement. Et un autre fait divers prendra le relais.