Maroc : Les entraves à la liberté d'expression des minorités religieuses [Rapport]

Les membres des minorités religieuses au Maroc se plaignent de restrictions sur leur liberté d’exprimer leurs croyances et opinions, que ce soit de la part des autorités officielles ou en raison de pressions sociales.

La liberté d’expression est un droit fondamental de l’Homme, dont chacun devrait jouir, indépendamment de ses croyances religieuses. Ce droit permet aux minorités religieuses d’exprimer leurs opinions et de pratiquer leurs rites religieux sans crainte de discrimination ou de harcèlement. La constitution marocaine garantit ce droit pour tous, cependant, les minorités religieuses rencontrent des défis particuliers dans son exercice. Bien qu’il n’y ait pas de restrictions explicites qui l’empêchent, certaines lois peuvent être utilisées de manière sélective pour restreindre les personnes ayant des croyances différentes.

Obtenir des statistiques précises sur les minorités religieuses au Maroc est difficile ; les rapports du département d’État américain sur la liberté religieuse dans le monde sont parmi les rares sources qui fournissent des statistiques bien qu’approximatives. Dans le dernier rapport annuel, il est mentionné que 99% des Marocains sont sunnites et moins de 0.1% de la population est chiite. Les groupes qui représentent collectivement moins de 1% incluent les chrétiens, les juifs, les bahaïs et les ahmadis. Les sunnites et les juifs (environ 3500 juifs, la plupart vivant à Casablanca) sont les seules communautés religieuses reconnues dans la constitution marocaine.

Liberté d’expression pour les chiites marocains : restrictions et pressions

Selon le rapport du département d’État américain, les leaders chiites au Maroc parlent de plusieurs milliers de citoyens marocains qui suivent le chiisme, principalement dans les villes du nord, en plus d’environ 1000 à 2000 chiites étrangers résidant, venant du Liban, de Syrie et d’Irak.

En 2016, les chiites marocains ont tenté de créer une association sous le nom de «Ressalis progressistes», mais les autorités administratives de la ville de Tétouan ont refusé de recevoir le dossier de déclaration de l’association. Quelques mois plus tard, le président de l’association non reconnue a été arrêté et condamné à une année de prison ferme pour «détournement de fonds publics» d’une institution bancaire, tandis que les membres de l’association disent que son procès était dû à ses positions et opinions.

Après cela, la manifestation des chiites marocains s’est limitée aux réseaux sociaux, à travers des pages et des groupes fermés dédiés aux discussions autour de leurs idées et orientations spirituelles.

Dans une déclaration que nous a confiée un chiite marocain qui a requis l’anonymat, il affirme qu’en ce qui concerne la liberté d’expression, «il y a des restrictions et des pressions, surtout lorsqu’il s’agit de toucher ou de remettre en question les fondements de la légitimité de l’État». Il ajoute «en raison de l’ignorance et de la désinformation, la société se révolte toujours contre toute pensée ou orientation, simplement parce que les médias la déprécient».

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Procession chiite marocaine à Karbala en Irak

Il a poursuivi en assurant que le musulman chiite marocain ne peut pas librement exprimer ses idées et les discuter. Il précise que «la pression vient de la société avant l’État, en raison de l’ignorance, de la désinformation et de la mobilisation pratiquée par le courant salafiste, qui considère le chiite comme un danger pour la société».

Les chrétiens marocains : liberté d’expression confisquée

Comme les chiites et les autres minorités, il n’y a pas de statistiques précises sur le nombre de Marocains qui ont adopté la religion chrétienne, cependant, certains leaders de la communauté chrétienne estiment selon le rapport du département d’État américain qu’il y a entre 1500 et 12000 citoyens chrétiens répartis dans tout le pays. Alors que l’Association marocaine des droits humains (AMDH), la plus grande association de droits de l’homme dans le pays, estime qu’il y a 25 000 citoyens chrétiens.

L’organisation non gouvernementale “Open Doors” basée aux Pays-Bas, spécialisée dans la défense des «chrétiens persécutés», affirme que le nombre de chrétiens au Maroc atteint 31 200, soit environ 0.1% de la population totale du pays, et dit qu’ils souffrent de persécution. Ils se réunissent dans «les domiciles parce qu’ils ne peuvent pas obtenir l’autorisation et la reconnaissance officielle pour se rassembler dans des lieux publics».

Dans une déclaration à Yabiladi, Mustapha Soussi, un chrétien marocain, a affirmé que “dans notre société, exprimer votre opinion est très difficile, surtout si elle diffère de ce qui est courant». Selon Mustapha, «la liberté d’expression au sein de la société majoritairement musulmane et ne comprenant pas le sens de la liberté individuelle et de la liberté de croyance en général, est fragile».

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Chrétiens marocains se réunissant chez eux

D’après Mustapha Soussi, la société est divisée en trois catégories : «La première catégorie est fermée et n’accepte pas le dialogue ni l’opinion différente, dès que vous parlez de quelque chose qui contredit sa croyance, vous êtes considéré comme un ennemi, un apostat qui blasphème, et cette catégorie représente la grande majorité dans la société.»

Quant à la deuxième catégorie, «ce sont les intellectuels qui vous écoutent et vous acceptent mais ne répondent pas, mais ils sont une minorité». La troisième catégorie «est très peu nombreuse et c’est la catégorie ouverte et éclairée qui n’a aucun problème et respecte vos idées et votre croyance en tant qu’individu».

En plus de la société, les chrétiens marocains rencontrent des pressions de la part des autorités, selon Mustapha Soussi. Il réclame un changement des «lois qui limitent la liberté d’expression pour les minorités». Une partie des membres des autorités «applique la loi et vous laisse votre liberté”, mais d’autres «se considèrent comme la loi et vous impose leur volonté, leur vision, leur croyance».

Les bahaïs : l’ignorance de l’autre est le plus grand obstacle à l’élargissement de la liberté d’expression

Le rapport du département d’État américain indique que le nombre de membres de la religion baha’ie est estimé entre 350 et 400 membres à travers le Maroc.

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Le livre le plus saint pour les bahaïs

Dans un entretien avec Yabiladi, Yassine Bekir, membre du bureau de communication des bahaïs au Maroc, a dit que «le développement de la société marocaine, en particulier la nouvelle génération, et son ouverture sur le monde numérique et sur la diversité des pensées et des religions, ont contribué à élargir la participation des bahaïs et à exprimer leur croyance».

Il a ajouté que «naturellement, il y a encore certaines parties qui n’acceptent pas cette diversité et n’acceptent pas l’expression des croyances des bahaïs, mais nous considérons cela comme l’exception et non la règle».

«il y a aussi une contradiction importante, entre les commentaires négatifs dans l’espace numérique, où certaines manifestations de refus de la liberté d’expression des bahaïs apparaissent, mais la confiscation de ce droit est moins sévère dans la vie quotidienne et réelle, surtout avec les gens avec qui nous interagissons, et qui ont généralement des attitudes positives.»

Selon son expérience, le plus grand obstacle à l’élargissement de la liberté d’expression et de coexistence est «l’ignorance de l’autre et l’ignorance de ses principes et de sa vision du monde».

Il a en outre regretté «le manque de reconnaissance légale, ce qui crée des défis pour les bahaïs marocains au niveau de l’état civil». De même, «l’absence d’un cadre légal pour réglementer les activités des bahaïs marocains crée des obstacles organisationnels et légaux, ce qui peut être considéré comme un manque de reconnaissance des droits des citoyens marocains ayant des choix religieux différents de la majorité».

Il plaide pour des avancées sur ces points pour «progresser vers l’établissement des fondements de la citoyenneté complète et globale dans un État marocain civil moderne qui comprend la diversité et la différence dans le cadre des constantes de la nation».

Les minorités religieuses au Maroc s’accordent à dire que le plus grand problème auquel elles sont confrontées est le refus de reconnaissance officielle par les institutions de l’État, ce qui entraîne la privation de plusieurs droits constitutionnels fondamentaux, notamment les libertés de religion, de croyance, d’opinion et d’expression.

Liberté d’expression sélective

Mohamed Akdid, chercheur en sociologie, estime que «la société marocaine est dominée par une mentalité traditionnelle conservatrice, et les positions des juristes traditionnels sont très prudentes et exclusives vis-à-vis des minorités religieuses, ce qui est évident à travers un ensemble de positions, d’interprétations et de fatwas».

Il a confirmé que voir tout individu ayant des convictions religieuses différentes comme un apostat et n’ayant aucun droit à l’expression était la cause de «l’incitation à la fitna sectaire au Moyen-Orient, à laquelle, malheureusement, des Marocains ont participé».

Il a critiqué l’absence de «politiques de sensibilisation à la diversité culturelle». Ce genre d’actions est «très limité dans les programmes éducatifs, dans les médias et dans les espaces de débat public». Il a martelé que «l’État doit jouer son rôle dans la sensibilisation à la coexistence. Il le fait de manière sélective, seulement envers les juifs, comme s’ils étaient les seuls à avoir le droit à l’expression».

Il a également regretté «l’interdiction des livres chrétiens et chiites», soulignant les efforts encore à accomplir pour que «le Maroc atteigne un meilleur niveau de coexistence et d’ouverture».

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